Le chasseur noir. Emile Chevalier. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Emile Chevalier
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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son casque par la queue de renard qui le surmontait, le lança contre le sol en le foula aux pieds, tandis que ses camarades témoignaient chaleureusement de leur admiration; l’un en sifflant à travers deux de ses doigte fourrés dans sa bouche, l’autre en se tordant dans un éclat de rire convulsif.

      Le chasseur noir se tenait parfaitement tranquille, et toujours prêt à faire feu.

      – Buveux-de-lait, j’accepte le défi! hé! hé! ho! ho! songez-y mes gars, il veux amorcer Bill Brace le mangeux de chats sauvages, le grand ogre de la Saskatchaouane.

      Puis au jeune homme:

      – Voyons, dites-nous comment vous voulez quitter le monde et que ça soit fait tout de suite. Est-ce avec le plomb, l’acier ou les griffes de l’ours-gris qui sont mes armes naturelles, comme vous les appelez?

      – Nous commencerons avec les armes de la nature; puis, si vous n’êtes pas satisfait, le couteau décidera qui doit être enseveli dans la vallée.

      – Quant à cela, je puis vous le dire d’avance. Nous ne prenons pas la peine d’enterrer les gens. Les loups servent de croque-morts, dans les montagnes. Ils ont bientôt fait, et l’on n’a rien à payer pour la fosse et le service. Mais nous gaspillons un temps précieux. Hâtez-vous de dire vos prières et que je vous avale!

      – Doucement, doucement, fit le chasseur noir. Écoutez les conditions du duel: Vos armes et celles de vos amis seront déposées près de ce bouquet de pins; puis vos camarades se retireront là-bas, derrière le rocher et resteront spectateurs passifs du combat. Quant à moi, je placerai mes armes derrière cet arbre à gauche, afin de pouvoir les saisir aisément en cas de trahison ou de mauvaise foi.

      Brace objecta d’abord à cette proposition, mais finalement il y consentit, et les armes furent, au bout de quelque temps, mises aux lieux indiqués par le chasseur.

      Sébastien avait peine à contenir ses chiens, car ces armes avaient été posées à cinq ou six pas de sa cachette. Maraudeur se révolta un peu à l’approche de Brace, et Infortune grogna sourdement. Mais le bruit ne fut pas remarqué.

      Beck et Joice se retirèrent à l’endroit désigné.

      Sans perdre une seconde, Bill Brace se dépouilla de sa casaque de chasse, en homme pressé d’en finir tandis que son antagoniste quittait flegmatiquement son pourpoint noir au pied d’un cotonnier, et desserrait sa ceinture.

      La charpente osseuse et solidement attachée du premier formait un contraste frappant avec les proportions symétriques, quelque peu délicates du second.

      Si Bill Brace pesait au moins cent quatre-vingts livres, le chasseur en pesait cent quarante au plus.

      – Étranger, fît Brace, vous ne feriez peut-être pas mal de me dire votre nom avant que je ne vous dévore, car il se peut qu’un de vos amis désire couvrir d’une tombe vos os, quand on saura comment vous êtes mort…

      – Si vous ou vos coupe-gorge m’assassinez, un individu du nom de

      Pathaway manquera dans les montagnes. Êtes-vous prêt, Bill Brace?

      – Tout prêt! répondit Brace.

      – Venez donc et attrapez ce que vous méritez!

      Le jeune homme porta alors en avant son pied et son bras droit, puis le pied et le bras gauche, et fit face à son ennemi.

      Ensuite il retira son bras droit en le courbant comme un arc et étendit encore le poing gauche, en ayant les yeux fixés sur ceux de Brace, qui arrivait avec grand fracas, et se proposait de réduire son adversaire par la seule force du poignet. L’insulteur projeta, ramena sa main droite et reçut, en pleine bouche, la gauche de Pathaway.

      Ce début suffît à faire voir que le dernier connaissait l’art de se défendre, tandis que l’autre l’ignorait.

      – Ce gamin t’a tiré le premier sang; attention, Bill! épia Joice.

      Surpris de la riposte, Brace avait reculé. Alors il remarqua que sa barbe changeait de couleur et passait du noir au rouge.

      – Repos! exclama Joice.

      A la seconde passe, Brace prit plus de précautions.

      Son but était de terminer l’affaire d’un seul coup.

      Mais pendant ce temps, Pathaway lui allongeait un croc-en-jambe et le faisait choir sur le sol.

      Joice et Beck saluèrent cet événement par un rire bruyant; ils pensaient que leur champion se ménageait afin de s’en tirer avec plus d’honneur, quand il aurait joué assez longtemps avec le petit, pour l’éreinter d’un coup.

      – Debout, Bill! Pourquoi diable te vautrer comme ça? dit Joice.

      – Oh! c’est un fier matois! glissa Beck.

      – Oui, reprit l’autre. Il va le démolir en gros, car il n’aime pas le détail, Bill.

      Un double éclat de rire couronna cette lourde saillie.

      La fureur avait enflammé Bill Brace.

      11 s’élança sur Pathaway, en mugissant comme un taureau.

      Il frappait à droite et à gauche.

      Ses bras s’agitaient comme des fléaux, battaient l’air et jamais n’atteignaient son antagoniste, qui bondissait tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, plantant son poing où il lui plaisait.

      – Repos! dit encore Joice.

      Bill Brace ne demandait pas mieux.

      Il darda sur son jeune adversaire ses prunelles injectées de sang et rugit comme une bête fauve blessée.

      Pathaway, lui, n’avait rien perdu de son flegme.

      Les bras croisés sur la poitrine, il soutenait, sans sourciller, les regards ardents du trappeur.

      Instinctivement Ben Joice et Zene Beck se rapprochèrent.

      Ils commençaient à prendre un vif intérêt à cette lutte.

      Sébastien aussi, entraîné par l’excitation, se leva pour mieux voir; et les chiens eux-mûmes se dressèrent sur leurs hanches.

      Brace, haletant comme une machine à vapeur, proféra un horrible juron et se rua contre le chasseur qui, glissant agilement sous le bras du bandit, lui asséna un coup formidable au-dessous de l’oreille droite. Le blessé fléchit comme un boeuf à l’abattoir et roula à terre. Mais, bientôt relevé, il revint à la charge avec une furie et une violence terribles.

      C’est alors que le chasseur noir déploya ses étonnantes ressources de pugiliste. Parant les coups avec adresse, il les portait avec une dextérité et une vigueur qui jamais ne faisaient défaut.

      Le visage du trappeur ne fut bientôt plus qu’une masse de chairs pantelantes et saignantes. Il tombait à tout instant, et se remuait déjà avec difficulté, lorsque Pathaway l’acheva par un coup sous le menton.

      Bill Brace roula sur le sol.

      – Ainsi je punis l’impudence, dit le chasseur.

      Puis, se tournant vers Joice et Beck:

      – A qui le tour? ajouta-t-il.

      Brace recouvrait ses sens.

      Il essaya de se mettre sur pied, en hurlant d’impuissantes imprécations. Mais, trop faible pour se tenir debout, il retomba avec une telle faiblesse que toutes les jointures de son corps en craquèrent.

      Cédant alors à une rage indicible, il s’écria:

      – Vos couteaux, camarades! Hachez-moi ce gredin en chair à pâté. C’est le diable! – le diable en personne, Ben Joice. Sers-lui du baume d’acier, Zene Beck, et je serai ton débiteur pour la vie.

      Prompt comme la pensée, Pathaway passa la main derrière son cou et en tira une de ces armes terribles qui portent le nom du célèbre combattant texien, – Bowie le brave, l’intrépide, l’audacieux!

      La lame brillante étincela et réfléchit les rayons