— J’ai un rancard, ce soir, je réponds.
— Tu déconnes ? Avec qui ?
J’hésite une seconde à lui répondre, et puis je me gifle mentalement de l’avoir fait. Je n’ai pas honte de sortir avec Danny, donc il ne devrait pas y avoir la moindre hésitation. Malgré tout, je reste vague en lui répondant.
— Elle s’appelle Danny. Elle est en troisième, ici.
Mike ne dit rien, alors j’imagine que ça ne l’intéresse pas d’en entendre davantage. Je tends la main dans le placard et en sors un veston brun. Je ne sais pas très bien où on ira ce soir, mais puisque j’ai dit à Danny que je l’emmènerai n’importe où, je veux être prêt pour un dîner élégant si c’est ce dont elle a envie. J’hésite à porter une cravate et puis décide que non. Mes parents m’ont obligé à en porter une à tellement de cérémonies que chaque fois que je peux éviter d’en porter une, je saisis l’occasion.
— Et alors, où est-ce que tu as rencontré cette fille ?
Mike est apparemment plus intéressé que je ne le pensais. Mais c’est mon meilleur ami depuis notre entré au lycée et on partage la même chambre à la fac depuis nos débuts à Northeastern. Il n’y a vraiment rien dont je ne puisse pas parler avec lui.
— C’est la serveuse de l’autre soir, au Sally’s.
— La fille sexy avec les cheveux mauves qui a complètement rabaissé le caquet d’Angeline ?
J’ai un rire moqueur.
— Oui. C’est celle-là.
Mike laisse échapper un long et lent sifflement et secoue la tête d’un côté à l’autre comme s’il avait pitié de moi.
— Quoi ? je demande.
— Allez, mec. Elle ne fréquente pas exactement le même cercle social que nous.
Ça m’énerve, même si au fond, je sais que Mike ne veut rien dire de méchant par là.
— Qu’est-ce que ça peut foutre ?
Mes mots sortent avec plus de dureté que je n’en avais l’intention, mais je ne m’excuse pas.
Levant les mains en signe d’apaisement, il répond avec aisance.
— Moi, je m’en fous, mon vieux. Je pensais juste à ce que tes parents diraient. Je vois ta mère d’ici : Oh, chéé-rii… elle a les cheveux mauves. Est-ce qu’elle sort de prison ?
J’éclate de rire, parce que c’est exactement ce que ma mère dirait et Mike l’a imitée à la perfection. Je me renfrogne en y pensant. Mike a raison en disant que Danny serait rejetée par ma famille et mes amis uniquement à cause de son apparence. Et ça m’énerve encore plus. Et ça m’énerve d’être énervé. Je ne connais pas cette fille. Je la trouve seulement intéressante et j’ai envie de passer un peu de temps avec elle. Je n’ai pas à me mettre en colère à propos de ce que mes amis feraient ou ne feraient pas en sa présence, alors qu’ils ne feront peut-être jamais sa connaissance.
— Détends-toi. C’est juste un dîner. Ce n’est pas comme si je la ramenais à la maison chez mes parents.
— C’est ce que je pensais. Tu vas seulement essayer de la sauter, pas vrai ?
Je lance un regard acéré à Mike qui sourit de toutes ses dents.
— Non, ce n’est pas ce que j’essaie de faire. Arrête d’avoir l’esprit mal tourné, mec.
J’attrape mes clés et mon portefeuille et me prépare à sortir.
— Mais si elle décide de se jeter sur moi, je ne vais pas dire non.
Le rire de Mike me suit jusque dehors.
***
En entrant au Sally’s Diner, je me rends compte que je suis un peu nerveux. Le café-resto est plein à craquer d’une foule de dîneurs, mais j’aperçois tout de suite Danny derrière le comptoir, calculant l’addition de quelqu’un.
Elle porte toujours la même chose que tout à l’heure… un jean, un t-shirt, et des baskets. Ses cheveux sont à nouveau relevés en une queue de cheval et je me demande de quoi ils auraient l’air lâchés. Je trouve les mèches lavande, au bout, fascinantes et je mentirais si je n’admettais pas que je trouve ses piercings au visage assez sexy. Et je réalise tout à coup pourquoi elle me fascine autant. C’est parce qu’elle a l’air aussi innocente qu’un agneau, mais que les cheveux colorés et les piercings rajoutent une touche rebelle à cet extérieur si doux.
Danny lève les yeux et me voit planté là. Elle relève l’index pour me demander de lui accorder une minute, et je hoche la tête en réponse. Pour l’instant, je suis content de simplement l’observer pendant quelques minutes.
Je suis frappé par sa grâce naturelle. Elle rit avec le client qui paie son addition, et son sourire illumine littéralement la pièce. Le cuisinier derrière le comptoir de service lui dit quelque chose et elle grimace, lui jetant un torchon qu’il reçoit en plein visage. Il se moque d’elle en riant et tous les clients au comptoir rigolent et font du bruit. Elle est dans son élément, parce que c’est indiscutablement quelqu’un de sociable.
Danny enlève son tablier et le jette en-dessous du comptoir. Reprenant son sac, elle se dirige vers moi et je sens mon cœur battre plus fort. Comment diable quelqu’un qui vient de finir son service dans un café-resto graisseux peut avoir l’air aussi magnifique ?
— Salut, dit-elle. Désolée, mais j’ai dû travailler plus tard que je ne pensais. Je n’ai pas eu le temps de prendre une douche ou de me changer.
— Pas de problème. Tu veux rentrer chez toi pour pouvoir le faire ?
Elle secoue la tête.
— On ne va pas dans un endroit chic. Décontracté, c’est mieux. Même si je sens probablement la graisse à frites, en ce moment.
Je ne sais pas du tout ce qui me prend, mais je m’approche d’elle et penche la tête pour que mon nez soit juste derrière son oreille. Je prends une grande inspiration, respirant de manière outrancière pour qu’elle m’entende. Puis je lui murmure à l’oreille :
— Tu sens délicieusement bon, à mon avis.
Et c’est le cas. Son shampooing sens l’eucalyptus et la fleur d’oranger. Je suis en train de la regarder quand elle frissonne à ces mots, et je me sens comme ce putain de Tarzan, maintenant.
Reculant d’un pas, je me retourne pour ouvrir la porte et la laisser marcher devant moi. Je sors mes clés et me dirige vers la portière du côté passager de ma Range Rover noire. Mais un coup d’œil par-dessus mon épaule et je la vois marchant dans la direction opposée. Je remets mes clés dans ma poche et cours pour la rattraper.
— Belle nuit pour une promenade, je remarque.
Elle éclate de rire et ce son me réchauffe le sang. Son rire est riche et rauque, et ô combien sexy.
— Nous marchons seulement jusqu’à l’arrêt de bus. Ce soir, tu vas découvrir Boston façon Danny. Même si tu es un peu trop bien habillé pour prendre les transports en commun.
Je lui souris avec nonchalance.
— Pas de souci. Je suis partant.
Elle me sourit en retour.
— Bien. Je serais déçue si tu ne l’étais pas.
Ses mots résonnent comme un défi, mais elle n’a aucune idée de combien je peux être compétitif.
Oh, Danny, Danny. Je sais ce que tu essaies de faire et tu devrais faire un peu plus d’efforts pour être moins transparente. Je suis certain que Danny essaie de me faire peur. Si elle pense