Ryker trouvait ça inouï ! D’après ses connaissances, seuls de rares Fae s’alignaient sur plusieurs éléments, et lorsque cela arrivait généralement ces éléments se complétaient. Sans savoir pourquoi, il espérait maîtriser plusieurs éléments.
Il n’avait pourtant aucune idée des implications pratiques qui en découleraient pour lui. D’après Sol, il devrait assister à des séminaires et à des séances d’entraînement supplémentaires. Ryker aimait avoir du temps libre pour jouer à la balle au cerceau. Sol quant à lui se montrait très occupé en ce moment.
Ryker choisit sa nourriture, se tourna et scruta le réfectoire. Il n’avait jamais vu un endroit comme l’Académie de Bramble’s Edge. La taille des dortoirs dépassait largement celle de l’appartement qu’il partageait avec sa mère, et la cafétéria était immense. D’innombrables tables et tabourets remplissaient la pièce. Les Fae n’étaient pas autorisés à utiliser la technologie. Il fut donc surpris d’avoir recours à des images sur la table pour commander leur nourriture. Chaque fois qu’il touchait le bouton, il ressentait un picotement spécifique.
Ses camarades de dortoir lui avaient expliqué que les sélections du menu leur étaient apportées rapidement après avoir touché le bouton marqué du logo de l’école correspondant. Ryker avait toujours aimé le symbole de l’Académie. Ces lettres « BE » entourées par le buisson de ronces épineuses se connectaient à son âme. Tout dans l’Edge suscitait ses émotions intérieures.
Après les encouragements de sa mère à fuir avant d’être recueilli, Ryker s’attendait à tout détester de l’Académie. Mais non, il ne détestait pas tout. En fait, il aimait même de nombreux aspects de l’établissement. Les murs de pierre des vieux bâtiments imprégnés de magie Fae semblaient l’accueillir avec joie. Oui, il réalisait que sa pensée était folle, mais il ne pouvait pas résister à son ressenti.
Les salles de classe et les champs d’entraînement étaient aussi extrêmement différents de son ancienne école. Ils disposaient de larges espaces pour s’entraîner et apprendre, des étendues largement supérieures. Dans son enfance, il allait dans une petite maison d’éducation qui desservait uniquement les complexes d’appartements de sa rue. Les locaux de son école primaire se situaient au deuxième étage au-dessus de la boulangerie et ils déjeunaient dans leurs salles de classe.
La nourriture à l’Académie rivalisait également avec les recettes de sa mère. Elle n’était peut-être pas la meilleure cuisinière de l’Edge, mais elle s’en rapprochait terriblement. La vaste sélection comprenait toujours un ragoût quelconque, parfait pour leur climat froid.
À Mag Mell, le temps était rarement chaud et il pleuvait fréquemment, alors Ryker préférait manger des repas copieux. Dans l’Edge, ils trouvaient difficilement des fruits et des légumes frais, mais l’Académie ne semblait pas avoir ce problème.
Ryker ne savait pas trop à quoi s’attendre la première fois qu’il avait pu quitter l’infirmerie pour prendre un repas dans le réfectoire. Il n’avait pas imaginé les dizaines de choix alimentaires qui se présenteraient à lui, son régime pendant son séjour à l’infirmerie le nourrissait certes, mais il restait insipide.
Il repensait à la manière dont sa mère décrivait les horreurs de l’Académie et s’attendait à recevoir une nourriture mystérieuse et sans choix. Cet environnement ne cadrait décidément pas avec sa conception préconçue du lieu.
De vraies plantes vivantes ornaient les coins de la pièce. Des fenêtres du sol au plafond leur offraient une vue sur l’océan au loin. La vue elle-même dégageait la sérénité.
Le lieu était tellement magique. Comment pouvait-il se trouver au mauvais endroit ?
Ryker leva les yeux lorsque Sol et Brokk s’approchèrent de sa table. Son troisième colocataire, Dain était déjà assis à table avec lui.
« Tu as déjà reçu un avis pour ton évaluation ? » demanda Sol.
Ryker secoua la tête et remercia le lutin qui lui apportait son repas. « Je n’ai encore rien reçu. Ils m’accordent peut-être plus de temps pour récupérer. »
Brokk lança à Sol un regard que Ryker ne comprit pas. « D’ailleurs, comment va ton aile ? »
Ryker tendit le muscle qui contrôlait son aile et elle se propulsa par-dessus son épaule. Il ne parvint pas à dissimuler la grimace provoquée par le mouvement.
« Elle n’est pas encore tout à fait remise. Mais grâce au guérisseur, elle va beaucoup mieux.
— Je n’en reviens pas que tu aies essayé de t’envoler avec les mains attachées par des chaînes, marmonna Sol en secouant tristement la tête.
— Pourquoi as-tu pris un tel risque ? Tu détestes autant l’école ? »
Ryker ressentit des picotements sur sa peau, le premier signe que quelque chose ne tournait pas rond. La question frôlait l’innocence, mais tous les Fae de l’Edge savaient consciemment en quoi consistait l’Académie. Personne ne voulait y assister.
La croyance commune disait qu’ils leur lavaient le cerveau et les transformaient en esclaves pour les humains. Il se souvenait des histoires racontées par ses amis. Tous avaient entendu des horreurs sur ce qui se passait derrière l’enceinte grillagée de l’école.
Les rumeurs disaient qu’ils aspiraient la magie des corps des Fae pour la mettre en bouteille, prête pour la consommation humaine. Ryker ne croyait absolument pas à ces clabaudages. S’ils étaient réels, toute trace de vie disparaîtrait des bâtiments. Et, les individus dans le réfectoire ne parleraient pas entre eux. Ils resteraient assis là avec des expressions figées.
Si les caractéristiques Fae de Ryker étaient retirées de son corps, il imaginait qu’il resterait entièrement vide. Pouvait-il accorder une confiance sans borne à ces mâles ? Voilà, la vraie question qui lui traversait l’esprit. Il était trop tôt pour lui. Il ne les connaissait pas bien.
Que se passerait-il s’il avouait la vérité à Sol ? Ryker ne voulait nullement risquer la sécurité de sa mère. Heureusement, elle avait gardé la bouche fermée après l’arrivée des policiers, donc rien ne l’impliquait dans sa tentative d’évasion.
« Dégage ! » résonna une voix féminine dans la cafétéria. Les regards se tournèrent vers les doubles portes ouvertes à l’autre bout de la pièce.
Ryker resta bouche bée devant la silhouette agile qui se contorsionnait dans les bras d’un mâle. Ryker venait à peine d’arriver, il ne connaissait ni le nom du mâle ni son rôle dans l’école. Les cheveux roses de la femelle s’emmêlaient. Elle se contorsionnait dans ses bras. Elle luttait pour essayer de se libérer.
Au début, il ne put rien voir d’autre. Lorsque son visage se tourna, Ryker remarqua qu’elle rougissait, mais pas d’embarras. Elle se déchaînait comme l’enfer. Il la regardait, et il voyait une tempête sur l’océan. Le feu provocateur qui flamboyait dans ses yeux gris brillait. Mais il détectait aussi une autre énergie derrière sa rage.
Il ne pouvait s’empêcher de s’interroger sur son histoire. Contrairement aux autres étudiants, elle était arrivée au réfectoire avec un pantalon ample en coton et un débardeur froissé. Ryker pencha la tête, il remarqua qu’elle ne portait rien aux pieds. Plutôt inhabituel !
En une fraction de seconde, la femelle avait donné un coup de pied au Fae sur sa droite. Ryker grimaça et plaça sa main sur son aine tandis que le pied de la femelle se connectait pile entre les jambes du gardien. Tous les mâles dans la pièce furent pris de sympathie. Un seul coup à cet endroit suffisait pour se souvenir à jamais de la douleur provoquée.
Elle