La plupart d’entre nous avaient un travail. En dépit de cela, il restait encore de nombreuses minutes et de nombreuses heures inoccupées. Il nous a fallu adopter de nouvelles habitudes pour remplir ces moments vides et employer l’énergie nerveuse autrefois monopolisée par notre préoccupation ou notre obsession de boire.
Tous ceux qui tentent de rompre une habitude savent qu’il est plus facile de lui substituer une activité nouvelle et différente que d’interrompre tout simplement l’ancienne occupation sans la remplacer.
Les alcooliques rétablis se plaisent à affirmer que « le seul fait d’arrêter de boire n’est pas suffisant ». Ne pas boire seulement est une attitude négative, stérile. Notre expérience nous l’a parfaitement démontré. Pour vivre sans alcool, nous avons compris qu’il fallait remplacer l’habitude de boire par un programme d’action positif. Il nous a fallu apprendre à vivre sans prendre d’alcool.
Au début, la peur a pu pousser certains d’entre nous à se demander s’ils n’auraient pas un problème d’alcool. À court terme, cette peur peut suffire à nous tenir éloignés de l’alcool. Mais la peur n’a rien d’un état de bonheur ou de détente que l’on souhaiterait maintenir longtemps. Nous tâchons donc de cultiver un sain respect pour la puissance de l’alcool au lieu de le craindre, tout comme les gens éprouvent un respect certain pour le cyanure, l’iode ou n’importe quel autre poison. Au lieu d’être constamment hantés par la peur de ces produits, la plupart des gens respectent leurs effets sur le corps humain et sont assez intelligents pour s’abstenir d’y toucher. Chez les AA, nous considérons maintenant l’alcool de la même façon, et avec la même déférence. Bien sûr, cette conviction repose sur l’expérience vécue plutôt que sur l’image du spectre du poison.
Si nous ne pouvons pas dépendre de la peur pour combler ces heures creuses sans boire, alors que faire ?
Nous avons découvert un grand nombre d’activités utiles et profitables, certaines plus que d’autres. En voici deux sortes selon leur ordre d’efficacité, tel que nous l’avons constaté.
A. Activités intérieures et extérieures aux AA. Lorsque des membres des AA d’expérience disent qu’ils ont trouvé profitable « d’être actifs » pour leur rétablissement de l’alcoolisme, ils font allusion aux activités chez les AA ou à l’extérieur.
Si vous le désirez, il vous est aussi facile de faire la même chose avant même de décider si vous voulez ou non devenir membre des AA. Vous n’avez besoin de permission ni d’invitation de personne.
À vrai dire, avant de prendre une décision concernant votre problème d’alcool, il serait recommandable de vous intéresser aux AA pendant quelque temps. Soyez sans inquiétude, le seul fait de vous asseoir comme observateur dans une réunion des AA ne fait pas de vous un alcoolique ni un membre des AA, pas plus que le poulailler fait la poule. Avant de décider de vous « joindre » aux AA, vous pouvez d’abord faire un « essai » ou une « répétition générale ».
La plupart des activités auxquelles nous participons à nos débuts dans les AA peuvent paraître assez insignifiantes, mais leurs résultats se sont avérés efficaces. Elles servent « d’acclimatation » en permettant de s’adapter plus facilement aux gens que l’on ne connaît pas.
À la fin de la plupart des réunions des AA, vous remarquerez ordinairement certains participants qui s’affairent à ranger les chaises, à vider les cendriers et à disposer des tasses vides de café ou de thé.
Joignez-vous à eux ! Vous serez peut-être surpris de l’effet que produiront sur vous ces corvées d’apparence banale. Vous pouvez aider à laver les tasses et la cafetière, à ranger les publications ou à balayer le plancher.
Donner ainsi un coup de main dans ces petits travaux manuels ne signifie pas que vous devenez le concierge ou le gardien du groupe. Pas du tout. Pour l’avoir fait pendant des années et pour l’avoir vu faire par plusieurs membres, nous savons que toute personne qui a trouvé une sobriété heureuse chez les AA a un jour pris part aux corvées du café, des rafraîchissements et du nettoyage. Les résultats découlant de l’accomplissement de ces tâches sont concrets, bénéfiques et généralement surprenants.
En fait, plusieurs d’entre nous n’ont commencé à se sentir à l’aise chez les AA qu’après avoir commencé à participer à ces simples activités. De plus, nous sommes devenus encore plus à l’aise et plus éloignés de l’envie de boire, même d’y penser, lorsque nous avons accepté une responsabilité régulière, petite, mais spécifique, comme apporter les rafraîchissements, aider à leur préparation et au service, faire partie du comité d’accueil ou accomplir d’autres tâches nécessaires. Simplement en observant les autres, vous apprendrez ce qu’il y a lieu de faire pour préparer une réunion des AA et pour remettre tout en ordre après.
Bien entendu, personne n’est obligé de faire de telles choses. Chez les AA, personne n’est tenu de faire ou de ne pas faire quoi que ce soit. Mais ces petites corvées sans importance et l’engagement qu’on a pris (envers soimême seulement) de les accomplir fidèlement ont produit chez plusieurs membres des effets positifs inespérés et continuent d’en produire. Elles contribuent à renforcer notre sobriété.
En continuant à fréquenter un groupe des AA, vous constaterez qu’il y a d’autres tâches à entreprendre. Vous entendrez le secrétaire lire les annonces et vous verrez le trésorier se charger de la collecte. Assumer l’une de ces responsabilités lorsque l’on a accumulé un certain nombre de jours d’abstinence (environ 90 jours, dans la plupart des groupes) est un bon moyen d’occuper le temps que nous consacrions autrefois à boire.
Si ces « tâches » vous intéressent, feuilletez un exemplaire de la brochure Le groupe des AA. On y explique les tâches des « responsables » des groupes et la façon dont ils sont choisis.
Dans le Mouvement, personne n’est « au-dessus » ou « au-dessous » d’un(e) autre. Il n’y a ni classes, ni couches sociales, ni hiérarchie au sein des membres. Il n’y a ni responsable attitré, ni gouvernement, ni autorité sous aucune forme. Le Mouvement des AA n’est pas une « organisation » au sens ordinaire du terme. C’est plutôt une association de membres égaux. Chacun appelle l’autre par son prénom. Les membres assument à tour de rôle les services nécessaires aux réunions de groupes et aux autres fonctions.
Point n’est besoin de compétence professionnelle ou de formation particulière. Même si vous ne vous associez pas facilement, ou si vous n’avez jamais été président ou secrétaire d’aucun organisme, vous pourrez constater, comme nous, qu’au sein des groupes des AA, ces tâches sont faciles à accomplir et nous rendent des services étonnants. Elles forment une base solide pour notre rétablissement.
Venons-en maintenant à la deuxième sorte d’activités qui nous aident à nous maintenir abstinents.
B. Activités étrangères aux AA. Il est étrange, mais vrai qu’au début, certains membres éprouvent une sorte de panne temporaire d’imagination.
Étrange, parce que lorsque nous buvions, notre imagination était incroyablement prolifique. En moins d’une semaine, nous pouvions inventer instantanément plus de raisons (excuses ?) pour boire que ne peuvent le faire la majorité des gens durant toute leur vie. (Soit dit en passant, il est reconnu que les buveurs normaux, c’est-à-dire non alcooliques, n’ont jamais besoin ni n’utili-sent de justification particulière pour boire ou ne pas boire.)
Lorsqu’il n’a plus à trouver d’excuses pour boire, il semble souvent que notre cerveau se mette en grève. Pour certains, il n’est pas possible d’imaginer des choses à faire sans boire ! Sans doute est-ce parce que nous en avons perdu l’habitude ou parce que notre esprit a besoin d’une période de repos à la suite de l’abandon de l’alcool. Dans un cas comme dans l’autre, l’ennui finit par disparaître. Après un premier