Voilà bien le conflit des deux forces contraires tournant au profit d'une puissance synthétique et combinée.
«Or Seth, qui était juste, put parvenir jusqu'à l'entrée du paradis terrestre sans que le chérubin l'écartât avec son épée flamboyante.» C'est-à-dire que Seth représente l'initiation primitive.
«Seth vit alors que l'arbre de la science et l'arbre de la vie s'étaient réunis et n'en faisaient qu'un.»
Accord de la science et de la religion dans la haute kabbale.
«Et l'ange lui donna trois grains qui contenaient toute la force vitale de cet arbre.»
C'est le ternaire kabbalistique.
«Lorsque Adam mourut, Seth, suivant les instructions de l'ange, plaça les trois grains dans la bouche de son père expiré comme un gage de vie éternelle.
»Les branches qui sortirent de ces trois grains formèrent le buisson ardent au milieu duquel Dieu révéla à Moïse son nom éternel:
[Hébreu, illisible.]
»L'être qui est, qui a été, et qui sera l'être.
»Moïse cueillit une triple branche du buisson sacré, ce fut pour lui la verge des miracles.
»Cette verge bien que séparée de sa racine ne cessa pas de vivre et de fleurir, et elle fut ainsi conservée dans l'arche.
»Le roi David replanta cette branche vivante sur la montagne de Sion, et Salomon plus tard prit le bois de cet arbre au triple tronc pour en faire les deux colonnes Jakin et Bohas, qui étaient à l'entrée du temple, il les revêtit de bronze, et plaça le troisième morceau du bois mystique au fronton de la porte principale.
»C'était un talisman qui empêchait tout ce qui était impur de pénétrer dans le temple.
»Mais les lévites corrompus arrachèrent pendant la nuit cette barrière de leurs iniquités et la jetèrent au fond de la piscine probatique en la chargeant de pierres.
»Depuis ce moment l'ange de Dieu agita tous les ans les eaux de la piscine et leur communiqua une vertu miraculeuse pour inviter les hommes à y chercher l'arbre de Salomon.
»Au temps de Jésus-Christ, la piscine fut nettoyée, et les juifs trouvant cette poutre, inutile suivant eux, la portèrent hors de la ville et la jetèrent en travers du torrent de Cédron.
»C'est sur ce pont que Jésus passa après son arrestation nocturne au jardin des Oliviers, c'est du haut de cette planche que ses bourreaux le précipitèrent pour le traîner dans le torrent et dans leur précipitation à préparer d'avance l'instrument du supplice, ils emportèrent avec eux le pont qui était une poutre de trois pièces, composée de trois bois différents et ils en firent une croix.»
Cette allégorie renferme toutes les hautes traditions de la kabbale et les secrets si complètement ignorés de nos jours du christianisme de saint Jean.
Ainsi Seth, Moïse, David, Salomon et le Christ auraient emprunté au même arbre kabbalistique leurs sceptres de rois et leurs bâtons de grands pontifes.
Nous devons comprendre maintenant pourquoi le Sauveur au berceau était adoré par les mages.
Revenons au livre d'Hénoch, car celui-ci doit avoir une autorité dogmatique plus grande qu'un manuscrit ignoré. Le livre d'Hénoch est, en effet, cité dans le Nouveau Testament par l'apôtre saint Jude.
La tradition attribue à Hénoch l'invention des lettres. C'est donc à lui que remontent les traditions consignées dans le Sepher Jézirah, ce livre élémentaire de la kabbale, dont la rédaction suivant les rabbins, serait du patriarche Abraham, l'héritier des secrets d'Hénoch et le père de l'initiation en Israël.
Hénoch parait donc être le même personnage que l'Hermès trismégiste des Égyptiens, et le fameux livre de Thot, écrit tout en hiéroglyphes et en nombres, serait cette bible occulte et pleine de mystères, antérieure aux livres de Moïse, à laquelle l'initié Guillaume Postel fait souvent allusion dans ses ouvrages en la désignant sous le nom de Genèse d'Hénoch.
La Bible dit qu'Hénoch ne mourut point, mais que Dieu le transporta d'une vie à l'autre. Il doit revenir s'opposer à l'Antéchrist, à la fin des temps, et il sera un des derniers martyrs ou témoins de la vérité, dont il est fait mention dans l'apocalypse de saint Jean.
Ce qu'on dit d'Hénoch, on l'a dit de tous les grands initiateurs de la kabbale.
Saint Jean lui-même ne devait pas mourir, disaient les premiers chrétiens, et l'on a cru longtemps le voir respirer dans son tombeau, car la science absolue de la vie est un préservatif contre la mort et l'instinct des peuples le leur fait toujours deviner.
Quoi qu'il en soit, il nous resterait d'Hénoch deux livres, l'un hiéroglyphique, l'autre allégorique. L'un contenant les clefs hiératiques de l'initiation, l'autre l'histoire d'une grande profanation qui avait amené la destruction du monde et le chaos après le règne des géants.
Saint Méthodius, un évêque des premiers siècles du christianisme, dont les oeuvres se trouvent dans la bibliothèque des Pères de l'Église, nous a laissé une apocalypse prophétique où l'histoire du monde se déroule dans une série de visions. Ce livre ne se trouve pas dans la collection des oeuvres de saint Méthodius, mais il a été conservé par les gnostiques, et nous le retrouvons imprimé dans le liber mirabilis, sous le nom altéré de Bermechobus, que des imprimeurs ignorants ont fait à la place de l'abréviation Bea-Méthodius pour beatus Méthodius.
Ce livre s'accorde en plusieurs points avec le traité allégorique de la pénitence d'Adam. On y trouve que Seth se retira avec sa famille en Orient vers une montagne voisine du paradis terrestre. Ce fut la patrie des initiés, tandis que la postérité de Caïn inventait la fausse magie dans l'Inde, pays du fratricide, et mettait les maléfices au service de l'impunité.
Saint Méthodius prédit ensuite les conflits et le règne successif des Ismaélites, vainqueurs des Romains; des Français, vainqueurs des Ismaélites, puis d'un grand peuple du Nord, dont l'invasion précédera le règne personnel de l'Antéchrist. Alors se formera un royaume universel, qui sera reconquis par un prince français, et la justice régnera pendant une longue suite d'années.
Nous n'avons pas à nous occuper ici de la prophétie. Ce qu'il nous importe de remarquer, c'est la distinction de la bonne et de la mauvaise magie, du sanctuaire des fils de Seth et de la profanation des sciences par les descendants de Caïn.
La haute science, en effet, est réservée aux hommes qui sont maîtres de leurs passions, et la chaste nature ne donne pas les clefs de sa chambre nuptiale à des adultères. Il y a deux classes d'hommes, les hommes libres et les esclaves; l'homme naît esclave de ses besoins, mais il peut s'affranchir par l'intelligence. Entre ceux qui sont déjà affranchis et ceux qui ne le sont pas encore l'égalité n'est pas possible. C'est à la raison de régner et aux instincts d'obéir. Autrement si vous donnez à un aveugle les aveugles à conduire, ils tomberont tous dans les abîmes. La liberté, ne l'oublions pas, ce n'est pas la licence des passions affranchies de la loi. Cette licence serait la plus monstrueuse des tyrannies. La liberté, c'est l'obéissance volontaire à la loi; c'est le droit de faire son devoir et seuls les hommes raisonnables et justes sont libres. Or, les hommes libres doivent gouverner les esclaves, et les esclaves sont appelés à s'affranchir; non pas du gouvernement des hommes libres, mais de cette servitude des passions brutales, qui les condamne à ne pas exister sans maîtres.
Admettez maintenant avec nous la vérité des hautes sciences, supposez un instant qu'il existe, en effet, une force dont on peut s'emparer et qui soumet à la volonté de l'homme les miracles de la nature? Dites-nous maintenant si l'on peut confier aux brutalités cupides les secrets de la sympathie et des richesses; aux intrigants l'art de la fascination, à ceux qui ne savent pas se conduire eux-mêmes l'empire sur les volontés?... On est effrayé lorsqu'on songe aux désordres