Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Морис Леблан
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066387921
Скачать книгу
forceront l’entrée de ton repaire et te mettront la main au collet… Ne souris pas, toi non plus. L’issue sur laquelle tu comptes est découverte, je la connais, elle est gardée. Tu es donc bel et bien pris. C’est l’échafaud, mon vieux.

      Altenheim était livide. Il balbutia :

      – Tu as fait ça ? Tu as eu l’infamie ?

      – La maison est cernée. L’assaut est imminent. Parle et je te sauve.

      – Comment ?

      – Les hommes qui gardent l’issue du pavillon sont à moi. Je te donne un mot pour eux, et tu es sauvé.

      Altenheim réfléchit quelques secondes, parut hésiter, mais, soudain résolu, déclara :

      – C’est de la blague. Tu n’auras pas été assez naïf pour te jeter toi-même dans la gueule du loup.

      – Tu oublies Geneviève. Sans elle, crois-tu que je serais là ? Parle.

      – Non.

      – Soit. Attendons, dit Sernine. Une cigarette ?

      – Volontiers.

      – Tu entends ? dit Sernine après quelques secondes.

      – Oui… oui… fit Altenheim en se levant.

      Des coups retentissaient à la grille. Sernine prononça :

      – Même pas les sommations d’usage… aucun préliminaire… Tu es toujours décidé ?

      – Plus que jamais.

      – Tu sais que, avec les instruments qu’ils ont, il n’y en a pas pour longtemps ?

      – Ils seraient dans cette pièce que je te refuserais.

      La grille céda. On entendit le grincement des gonds.

      – Se laisser pincer, reprit Sernine, je l’admets, mais qu’on tende soi-même les mains aux menottes, c’est trop idiot. Voyons, ne t’entête pas. Parle, et file.

      – Et toi ?

      – Moi je reste. Qu’ai-je à craindre ?

      – Regarde.

      Le baron lui désignait une fente à travers les volets. Sernine y appliqua son œil et recula avec un sursaut.

      – Ah ! Bandit, toi aussi, tu m’as dénoncé ! Ce n’est pas dix hommes, c’est cinquante, cent, deux cents hommes que Weber amène…

      Le baron riait franchement :

      – Et s’il y en a tant, c’est qu’il s’agit de Lupin, évidemment. Une demi-douzaine suffisait pour moi.

      – Tu as prévenu la police ?

      – Oui.

      – Quelle preuve as-tu donnée ?

      – Ton nom Paul Sernine, c’est-à-dire Arsène Lupin.

      – Et tu as découvert ça tout seul, toi ? Ce à quoi personne n’a jamais pensé ? Allons donc ! C’est l’autre, avoue-le.

      Il regardait par la fente. Des nuées d’agents se répandaient autour de la villa, et ce fut à la porte maintenant que des coups résonnèrent.

      Il fallait cependant songer, ou bien à la retraite, ou bien à l’exécution du projet qu’il avait imaginé. Mais, s’éloigner, ne fût-ce qu’un instant, c’était laisser Altenheim, et qui pouvait assurer que le baron n’avait pas à sa disposition une autre issue pour s’enfuir ? Cette idée bouleversa Sernine. Le baron libre ! Le baron maître de retourner auprès de Geneviève, et de la torturer, et de l’asservir à son odieux amour !

      Entravé dans ses desseins, contraint d’improviser un nouveau plan, à la seconde même, et en subordonnant tout au danger que courait Geneviève. Sernine passa là un moment d’indécision atroce. Les yeux fixés aux yeux du baron, il eût voulu lui arracher son secret et partir, et il n’essayait même plus de le convaincre, tellement toute parole lui semblait inutile. Et, tout en poursuivant ses réflexions, il se demandait ce que pouvaient être celles du baron, quels étaient ses armes, son espoir de salut. La porte du vestibule, quoique fortement verrouillée, quoique blindée de fer, commençait à s’ébranler. Les deux hommes étaient devant cette porte, immobiles. Le bruit des voix, le sens des mots leur parvenaient.

      – Tu parais bien sûr de toi, dit Sernine.

      – Parbleu ! s’écria l’autre en lui donnant un croc-en-jambe qui le fit tomber, et en prenant la fuite.

      Sernine se releva aussitôt, franchit sous le grand escalier une petite porte par où Altenheim avait disparu, et, dégringolant les marches de pierre, descendit au sous-sol…

      Un couloir, une salle vaste et basse, presque obscure, le baron était à genoux, soulevant le battant d’une trappe.

      – Idiot, s’écria Sernine en se jetant sur lui, tu sais bien que nous trouverons mes hommes au bout de ce tunnel, et ils ont l’ordre de te tuer comme un chien… À moins que… à moins que tu n’aies une issue qui s’amorce sur celle-là… Eh ! Voilà, pardieu ! J’ai deviné… et tu t’imagines…

      La lutte était acharnée. Altenheim, véritable colosse doué d’une musculature exceptionnelle, avait ceinturé son adversaire, lui paralysant les bras et cherchant à l’étouffer.

      – évidemment… évidemment… articulait celui-ci avec peine, évidemment, c’est bien combiné… Tant que je ne pourrai pas me servir de mes mains pour te casser quelque chose, tu auras l’avantage… Mais seulement pourras-tu ?…

      Il eut un frisson. La trappe, qui s’était refermée, et sur le battant de laquelle ils pesaient de tout leur poids, la trappe paraissait bouger sous eux. Il sentait les efforts que l’on faisait pour la soulever, et le baron devait le sentir aussi, car il essayait désespérément de déplacer le terrain du combat pour que la trappe pût s’ouvrir.

      « C’est l’autre ! pensa Sernine avec la sorte d’épouvante irraisonnée que lui causait cet être mystérieux… C’est l’autre… S’il passe, je suis perdu. »

      Par des gestes insensibles, Altenheim avait réussi à se déplacer, et il tâchait d’entraîner son adversaire. Mais celui-ci s’accrochait par les jambes aux jambes du baron, en même temps que, peu à peu, il s’ingéniait à dégager une de ses mains.

      Au-dessus d’eux, de grands coups, comme des coups de bélier…

      « J’ai cinq minutes, pensa Sernine Dans une minute, il faut que ce gaillard-là… »

      Et tout haut :

      – Attention, mon petit. Tiens-toi bien.

      Il rapprocha ses genoux l’un de l’autre avec une énergie incroyable. Le baron hurla, l’une de ses cuisses tordue.

      Alors, Sernine, mettant à profit la souffrance de son adversaire, fit un effort, dégagea sa main droite et le prit à la gorge.

      – Parfait ! Comme cela, nous sommes bien mieux à notre aise… Non, pas la peine de chercher ton couteau… sans quoi je t’étrangle comme un poulet. Tu vois, j’y mets des formes… Je ne serre pas trop… juste assez pour que tu n’aies même pas envie de gigoter.

      Tout en parlant, il sortait de sa poche une cordelette très fine et, d’une seule main, avec une habileté extrême, il lui attachait les poignets. À bout de souffle, d’ailleurs, le baron n’opposait plus aucune résistance. En quelques gestes précis, Sernine le ficela solidement.

      – Comme tu es sage ! À la bonne heure ! Je ne te reconnais plus. Tiens, au cas où tu voudrais t’échapper, voilà un rouleau de fil de fer qui va compléter mon petit travail… Les poignets d’abord… Les chevilles, maintenant… Ça y est… Dieu ! Que tu es gentil !