De quel type de magasin s’agissait-il exactement ? Quelle était sa spécialité ? Était-ce des faits ou des fictions, de l’histoire ou des guides ? Lex se retourna et observa l’étagère sur l’autre mur : Se battre avec des Idiots, 100 Raisons d’adopter un chat, Les Rituels et Pratiques du Moyen-Orient. Y avait-il une quelconque organisation ? Si c’était le cas, elle ne la voyait pas.
– Ah !
Un homme émergea derrière le comptoir, tête baissée. Il devait sortir de l’escalier qui se trouvait derrière lui et il la regarda en souriant.
– Vous devez être…
– Alexis Blair, termina Lex.
– Mon entretien, acquiesça-t-il.
Lex essayait de deviner son âge, sans doute plus vieux que ne l’aurait été son père. Ses cheveux parfaitement plaqués étaient gris et il était rasé de près.
– Bien, bien, j’étais à l’étage et je ne vous ai pas entendu entrer.
– Je me suis un peu égarée en chemin, dit Lex se fustigeant immédiatement.
Pourquoi s’excusait-elle de son retard alors qu’il ne l’avait pas remarqué ?
– Quelqu’un a été assez gentil de m’indiquer le chemin. Vous devez être Montgomery ?
– C’est bien ça, exactement. Vous avez visité un peu ? demanda-t-il.
Il avait l’air content qu’elle ait reçu de l’aide ou peut-être qu’elle ait deviné son identité. Lex n’était pas sûre.
C’était un personnage étrange. Tout comme le propriétaire d’Objets Trouvés près de la Mer, Montgomery portait un gilet cintré, d’une teinte de marron assez semblable à celle du costume de Lex, parfaitement assorti à un nœud papillon de la même matière. On pouvait aussi apercevoir sous son gilet une chemise blanche recouverte de petits canards, que Lex pouvait clairement discerner maintenant qu’il s’était approché.
– Pas encore, admit-elle. J’ai jeté un œil dans la pièce de l’autre côté du hall.
Ce qu’elle avait vu lui avait suffi, cet endroit était merveilleux. Si elle travaillait ici, elle obtiendrait toute l’expérience dont elle avait besoin. De plus, cela remplirait un manque qu’elle n’avait jusque-là pas remarqué. Le besoin d’être connecté avec son père qui semblait se dégager de tous les recoins de ce bâtiment.
– Suivez-moi, allez, suivez-moi, dit Montgomery lui faisant signe de le rejoindre derrière le comptoir. Nous devons commencer.
Au dos de son gilet se trouvait une étiquette parfaitement placée indiquant $3.99. Lex supposa qu’elle s’était décollée de l’un des livres et accrochée à ses vêtements. Elle résista à l’envie de l’attraper pour la décoller de peur qu’il ne la surprenne.
Lex sentit son pouls s’accélérer à ses mots, alors qu’elle passait derrière le comptoir. C’était la partie de l’entretien qu’elle redoutait. Non pas qu’elle ne sache pas s’exprimer, ou qu’elle ne pense pas être assez qualifiée pour ce travail. C’était juste qu’elle n’arrivait pas à se faire apprécier des gens facilement, du moins pas lors d’une brève conversation.
Elle essaya tout de même de se calmer, s’efforçant à sourire et à renvoyer une expression avenante avant de suivre Montgomery. Il attendit qu’elle le rejoigne, lui indiquant un escalier étroit qui n’avait pas l’air très sûr.
– Par ici, par ici, dit-il. Nous allons monter. Vous pourrez voir la…
Lex vit sa résolution de ne plus finir ses phrases s’envoler devant le silence qui s’étirait. C’était extrêmement gênant de le voir l’observer la tête légèrement inclinée alors qu’elle attendait bêtement.
– Salle des livres rares ? tenta-t-elle au hasard.
– Salle de pause, termina Montgomery. Il lui lança un regard suspicieux, puis se tourna pour poursuivre son ascension.
Lex réfléchit très sérieusement à la possibilité de s’enfuir par la porte d’entrée pendant qu’il avait le dos tourné. Maintenant, il devait croire qu’elle était ici pour un cambriolage ! Pourquoi avait-elle dit ça ? Elle ravala son humiliation et le suivit essayant de garder son calme. Elle adorait déjà cet endroit, les vieilles pièces, l’odeur des livres, la petite bourgade. Ça lui rappelait tellement son père et elle s’était déjà attachée au peu qu’elle avait vu.
La salle où Montgomery la conduisit se trouva être bien plus cosy qu’elle ne s’y attendait. Il y avait une petite cheminée qui était pour le moment inutile au vu des températures estivales, et quelques fauteuils moelleux aux imprimés floraux placés autour. Une table basse toute proche était remplie de feuilles et de carnet, des factures pour la plupart et la pièce était éclairée par une lampe antique dont la vraie flamme renvoyait des ombres sur les murs. De grosses poutres sombres contrastaient avec les murs en plâtre blanc et la fenêtre était recouverte de ce qui ressemblait à des tapis qui rappelaient celui posé au sol du rez-de-chaussée devant le comptoir. La fenêtre était presque entièrement obstruée, laissant la pièce assombrie avec pour seul éclairage la lumière jaune des lampes qui projetait d’étranges ombres.
Montgomery prit place dans l’un des fauteuils aux coussins usés tandis que Lex prit place dans l’autre. Ils étaient étonnamment confortables, au point de donner à Lex l’envie de faire un somme. C’était peut-être à cause de sa course pour arriver ici à l’heure, associée à la chaleur extérieure et l’ambiance cosy. Il y avait une théière fumante sur une petite table. Montgomery en servit deux tasses sans demander et en tendit une à Lex.
Il y avait une imposante porte de l’autre côté de la pièce, tellement grande qu’elle dominait l’espace. Lex ne pouvait s'empêcher d’être fascinée. La porte semblait entièrement faite en métal lourd et sa surface était marquée d’étranges symboles runiques longs et pointus. Que pouvait-il bien y avoir derrière ce genre de porte ?
– Alexis, c’est bien ça ?
Lex revint à la réalité, acquiesçant rapidement. Elle ne devait pas oublier qu’elle essayait de faire bonne impression.
– C’est ça.
Montgomery parcourut un petit carnet jusqu’à trouver une page vide. Il sortit un stylo de son gilet et en lécha la pointe avant de faire une pause. Il tenait le stylo au-dessus du papier en la regardant.
– Vous m’avez dit avoir de l’expérience dans l’édition ?
– Oui, répondit Lex passant en mode professionnel. J’ai travaillé aux éditions Enlivrez-Vous comme éditrice de documentaires. La seule éditrice de documentaires. J’ai démissionné, car ils ont fermé mon département.
– Et là-bas vous dialoguiez directement avec les auteurs ? Avec les magasins ? Montgomery l’observait attentivement, mais il n’avait encore rien noté.
– Oui, avec les deux, dit Lex. Je faisais la liaison avec les auteurs dès lors qu’ils nous soumettaient un manuscrit et jusqu’au produit final. Nous étudiions également les résultats des ventes pour décider de futures acquisitions.
Montgomery acquiesça pensivement.
– Avez-vous déjà eu à vous occuper d’une mystérieuse maladie ?
Lex cligna des yeux. Qu’entendait-il par là ?
– Eh bien… J’ai travaillé avec du personnel médical, dit-elle. Mon dernier titre est L’endocrine déchiffrée. Il est sur le point de sortir, d’ici la fin du mois.
Montgomery gribouilla quelques traits dans son carnet. C’était ça qu’il choisissait de noter ? Lex avait du mal à garder son sang-froid. Il n’avait pas du tout l’air