Mais Maria secoua la tête. “Mon père sera en Suisse en fait. Il fait partie d’une délégation diplomatique pour le compte du président.”
Alan fronça les sourcils. “Alors tu vas rester seule pour Thanksgiving ?”
Maria haussa les épaules. “Ce n’est pas bien grave. En fait, j’ai beaucoup de paperasse en attente étant donné que je passe beaucoup trop de temps ici avec deux idiots comme vous. Je compte enfiler un pantalon de survêtement, me faire du thé, et me mettre au boulot…”
“Non,” la coupa fermement Zéro. “Pas question. Viens dîner avec les filles et moi.” Il avait dit ça sans vraiment y réfléchir, mais il ne regrettait pas de le lui avoir proposé. Au contraire, il se sentait un peu coupable, car c’était à cause de lui qu’elle se retrouvait seule pour Thanksgiving.
Maria esquissa un sourire reconnaissant, mais on lisait l’hésitation dans ses yeux. “Je ne suis pas très sûre que ce soit une bonne idée.”
Elle marquait un point. Leur relation avait cessé à peine plus d’un mois avant. Ils avaient vécu ensemble plus d’un an en tant que… eh bien, il ne savait pas vraiment en tant que quoi. Amants ? Il ne se souvenait même pas avoir déjà parlé d’elle comme étant sa petite amie. Ça sonnait juste trop bizarre. Mais ça n’avait pas d’importance finalement, parce que Maria lui avait avoué qu’elle voulait fonder une famille.
Si Zéro devait tout recommencer avec quelqu’un, il ne voudrait le faire avec personne d’autre au monde qu’avec Maria. Mais quand il y réfléchissait en profondeur, il réalisait qu’il n’avait pas envie de ça. Il avait un travail à faire sur lui-même, du boulot pour réparer ses relations avec ses filles, et aussi pour exorciser les fantômes du passé. Et puis l’interprète, Karina, avait débarqué dans sa vie, lors d’une trop brève romance vertigineuse et dangereuse, à la fois magnifique et tragique. Son cœur souffrait encore de sa perte.
En tout cas, Maria et lui avaient une longue histoire, pas seulement amoureuse, mais aussi professionnelle et platonique. Ils avaient convenu de rester amis, car aucun des deux n’aurait envisagé les choses autrement. Mais à présent, il était à nouveau agent, tandis que Maria avait été promue Directrice Adjointe des Opérations Spéciales, ce qui voulait dire qu’elle était sa chef.
Les choses étaient pour le moins compliquées.
Zéro secoua la tête. Ça n’avait pas à être compliqué. Il voulait croire que deux personnes puissent être amies, peu importe le passé ou leur relation actuelle.
“C’est une idée géniale,” lui dit-il. “Et je ne supporterai aucun refus. Viens dîner avec nous.”
“Eh bien…” Le regard de Maria jeta un bref coup d’œil vers Reidigger avant de revenir à Zéro. “Ok, dans ce cas,” concéda-t-elle. “Ça me paraît bien. Je crois que je ferais mieux d’aller commencer à traiter ma paperasse.”
“Je t’envoie un message,” lui dit Zéro pendant qu’elle quittait l’entrepôt, ses talons résonnant sur le sol en béton.
Alan retira son gilet tactique en poussant un long grognement, puis replaça sa casquette tachée de sueur sur ses cheveux emmêlés avant de demander tout à coup, “Est-ce que c’est un stratagème ?”
“Un stratagème ?” dit Zéro d’un air surpris. “Pour quoi faire ? Pour récupérer Maria ? Tu sais bien que ce n’est pas ce que j’ai en tête.”
“Non. Je veux dire un stratagème pour que Maria face office de tampon entre elles et toi.” Pour un agent sous couverture qui avait vécu les quatre dernières années de sa vie sous l‘identité de quelqu’un d’autre, Alan avait une franchise brute avec lui qui frisait parfois l’insulte.
“Bien sûr que non,” répondit fermement Zéro. “Tu sais qu’il n’y a rien au monde que je souhaite plus que les choses redeviennent comme avant. Maria est une amie, pas un tampon.”
“Bien sûr,” acquiesça Alan, même s’il semblait dubitatif. “Peut-être que ‘tampon’ n’était pas le terme adéquat. Peut-être plus comme un…” Il baissa les yeux vers le gilet pare-balles posé sur le chariot en acier devant eux et le montra du doigt. “Eh bien, je ne trouve pas de métaphore plus appropriée que ça.”
“Tu dis n’importe quoi,” insista Zéro, essayant de cacher l’énervement dans sa voix. Il n’était pas en colère à cause de la franchise d’Alan, mais il était irrité par cette suggestion. “Maria ne mérite pas de rester seule pour Thanksgiving, et la situation avec les filles est bien meilleure qu’elle ne l’a été depuis plus d’un an. Tout va bien se passer.”
Alan leva les deux mains en l’air, comme pour se rendre. “Ok, je te crois. Je me fais juste du souci pour toi, c’est tout.”
“Ouais, je sais bien.” Zéro regarda sa montre. “Écoute, je dois me sauver. Maya arrive ce soir. On se voit à la salle de sport vendredi ?”
“Pas de souci. Passe le bonjour aux filles de ma part.”
“Je n’y manquerai pas. Amuse-toi bien avec ton poulet et ton moteur.” Zéro le salua de la main en se dirigeant vers la porte, mais sa tête était à présent emplie de doutes. Est-ce qu’Alan avait raison ? Avait-il inconsciemment invité Maria parce qu’il avait peur de se retrouver seul avec ses filles ? Et si le fait d’être réunis à nouveau leur rappelait pourquoi elles étaient parties au départ ? Ou pire, sil elles pensaient la même chose qu’Alan ? Que Maria était comme une sorte de barrière protectrice entre elles et lui ? Et si elles se disaient qu’il ne faisait pas assez d’efforts ?
Tout va bien se passer.
Ça ne le réconfortait pas vraiment mais, au moins, sa capacité à mentir de manière convaincante était plus aiguisée que jamais.
CHAPITRE DEUX
Maya monta les marches jusqu’à l’appartement au deuxième étage que louait son père. Il se trouvait dans une nouvelle zone en développement juste à côté du centre-ville de Bethesda, dans un quartier qui avait poussé ces dernières années, avec des appartements, des maisons de ville et des centres commerciaux. Ça ne ressemblait pas vraiment au genre d’endroit où elle aurait imaginé son père vivre, mais elle comprenait qu’il s’était dépêché de trouver quelque chose de libre quand il s’était séparé de Maria.
Probablement avant qu’il ne puisse changer d’avis, supposa-t-elle.
Pendant un bref moment, elle pensa avec tristesse à leur ancienne maison d’Alexandria, là où elle avait vécu avec Sara et leur père avant que toute cette folie ne débute. À l’époque, elles croyaient encore que leur père était professeur d’histoire, avant qu’elles ne découvrent qu’il était agent sous couverture à la CIA, avant qu’elles ne soient kidnappées par un assassin psychopathe qui les avait vendues à des trafiquants d’êtres humains. Elles pensaient alors que leur mère était morte d’une attaque puissante et soudaine, tandis qu’elle retournait à sa voiture après sa journée de travail, alors qu’elle avait été assassinée par un homme qui avait sauvé la vie des filles à plus d’une occasion.
Maya secoua la tête et chassa les mèches sur son front, comme si elle essayait de repousser ces pensées. Il était temps de prendre un nouveau départ ou, au moins, d’essayer sincèrement.
Elle se retrouva devant la porte de l’appart de son père, quand elle réalisa qu’elle n’avait pas la clé et qu’elle aurait peut-être dû appeler avant pour s’assurer qu’il était chez lui. Mais après deux brefs coups frappés à la porte, le verrou sauta et la porte s’ouvrit. Maya se retrouva alors pendant plusieurs secondes étranges à observer un visage relativement étranger.
Elle devait bien admettre qu’elle n’avait pas vu Sara depuis trop longtemps, et c’était plus que clair en voyant maintenant le visage de sa jeune sœur. Sara se transformait rapidement en jeune femme, avec