Tu Sens Battre Mon Coeur ?. Andrea Calo'. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Andrea Calo'
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Воспитание детей
Год издания: 0
isbn: 9788835406402
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      — Les mots sont très importants, ma chérie ! Ils peuvent te faire comprendre s’il a peur, s’il a juste besoin d’un peu de temps, s’il y a encore de l’espoir ou si c’est vraiment fini pour toujours », je répliquai avec la fierté d’une femme qui avait accumulé une certaine expérience dans le domaine.

      Choquée, Claire récupéra le téléphone dans sa poche. Elle appuya sur quelques touches avec une rapidité impressionnante, gestes qui me semblaient accomplis au hasard mais qui avaient un sens précis pour elle. Elle retrouva le message et me le lut.

      « Alors, il dit : Pardonne-moi mais je pense que ça ne peut pas marcher entre nous. Je tenais beaucoup à toi, et toi à moi, je le sais. Mais c’est terminé. J’ai fait un autre choix. Je sais que tu me comprendras et que tu m’accepteras aussi pour ça, pour ma faiblesse et mon manque de courage. Ne cherche pas à me joindre, je ferai pareil de mon côté. Bonne vie Claire, adieu. C’est tout ! »

      Elle éteignit le téléphone et le remit dans sa poche en essuyant d’un doigt une timide larme apparue dans ses magnifiques yeux bleus.

      « C’est un garçon mature, Claire. Ses mots sont sincères et donc douloureux à entendre, surtout quand le cœur ne le voudrait jamais, venant d’une personne qu’on aime.

      — Mature ou non, ça ne me concerne plus. Il a mon âge grand-mère et à quinze ans, on peut garder un peu d’immaturité ! s’exclama-t-elle. Je la laissai se défouler, c’était le mieux à faire pour le moment.

      — On n’a pas les clés de la maison quand on est immatures, je dis avec un léger sourire vers Rose. Pas vrai, ma petite ?

      — Mais… maman !

      — Ça fait longtemps que j’ai les clés de la maison, grand-mère », répliqua Claire qui me les montra fièrement, avec une légère grimace. Je lui souris, Claire répondit, Rose baissa les yeux vers le sol, silencieuse et mal à l’aise.

      « Moi aussi je veux les clés de la maison, moi aussi je les veux ! Papa, maman, quand est-ce que vous me les donnez ? Je veux jouer ! » cria le petit Tommy qui nous avait rejoints, amusé par le spectacle joué sous ses jeunes yeux par des acteurs improvisés, restés seuls pour remplir la scène de la vie.

      Qui sait comment nous voyait cet enfant d’en bas, le regard toujours tourné vers le haut. Ces “étranges” adultes qui parlaient de choses “étranges” au lieu de rester tranquilles et de jouer avec leurs poupées. Peut-être se demandait-il où nous avions mis tous nos petits bonshommes, nos jouets. Peut-être aurait-il voulu les voir, les toucher, les prendre pour s’amuser avec nous. Et il les aurait animés de son imagination, leur aurait donné vie, formes et couleurs comme seul un enfant sait le faire. Pour lui, tout est un jeu, la vie même est un jeu. Toujours différent malgré des jouets toujours identiques, car personne ne peut mieux qu’un enfant évaluer toutes les alternatives possibles, pour les rendre réelles et les modeler dans son esprit. Alors, pourquoi ne jamais jouer, pourquoi se jeter dans les bras d’une vie faite de peur, de soucis et de problèmes ? En demandant les clés, il voulait entrer dans notre monde mais nous avions déjà dépassé la phase de l’insouciance, nous avions affronté celle de la conquête, de l’effort, avec succès. Et moi, contrairement aux autres, j’avais déjà goûté la saveur âcre de celle de l’abandon, par deux fois. Les autres, les plus jeunes, étaient encore arrêtés aux gares précédentes, à jouir du paysage, beau ou laid, attendant que le train de la vie les conduise autre part, sans savoir où. Ils pouvaient regarder en avant, à la recherche d’un but. Mais aussi en arrière, vers le point de départ, où leur monde avait commencé, dans le brouillard des souvenirs adoucis par le passage du temps. D’autres passagers les accompagnaient dans leur voyage, certains tristes, d’autres heureux, en bonne santé ou malades. Comme eux. Clones d’une civilisation qui veut faire de chacun l’égal de l’autre, une fourmilière qu’un être supérieur observe, où les “différents” sont considérés comme des anomalies, des fourmis qui marchent dans la direction opposée et ne trouveront jamais de miettes. Moi, je pouvais au contraire fatiguer mon regard en le tournant vers le début, vers mon passé, à travers la fumée dense où mes souvenirs se mélangent. Ils sont à moi, à moi seule, désordonnés et éparpillés comme des soldats morts sur un champ de bataille, qui n’avaient pas décidé où tomber, tués alors qu’ils tentaient d’accomplir leur mission et abandonnés là pour toujours, oubliés de tout et de tous. Si je regarde vers l’avant, je sais que la dernière gare de mon voyage n’est pas très loin. Je peux presque la voir, la toucher, la sentir. Atteindre ma gare d’arrivée est mon dernier projet, celui que j’accomplirai tôt ou tard. Et maintenant que mon dernier compagnon de route, entré dans le wagon à la moitié du voyage, l’homme qui était resté à mes côtés en me faisant sentir plus vivante que jamais, était descendu du train sans même me saluer, je me sentais plus proche de mon but mais en proie à la peur et à un total abattement. Il avait atteint la gare où sa vie, son voyage, arrivait à sa conclusion. Le prix payé pour son billet au début lui permettait d’aller jusque-là, pas plus loin. Ce sera parfois fantastique, grâce aux crépuscules qu’il verra de cet endroit, assis seul sur un banc dans une gare déserte. Je me demande si les rayons du soleil qu’il verra surgir à l’aube ressembleront à ceux que nous avons vus ensemble lors de nos matins, assis dans le train qui poursuivait son voyage sans que nous nous en rendions compte. J’attendrai mon crépuscule avec sérénité mais sans urgence, dans la fumée de mes souvenirs, attendant de me fondre en eux, de me transformer en un nouveau soldat tombé au champ de bataille et oublié là. À partir d’aujourd’hui, je ne serai que spectatrice et j’observerai les images de ma vie se déployer au-delà de la fenêtre du train en pleine course et, à chacune de ses secousses sur les rails, je me souviendrai que je suis encore ici. Je regarderai les passants et aiderai ceux qui, perdus dans leur existence, me demanderont des informations pour atteindre leur but. Mais je ne demanderai jamais à être écoutée et j’accepterai les critiques qui me seront faites sur la façon dont, simple femme de banlieue, j’ai affronté mon voyage. Et à l’arrivée de l’aube, il sera au pied de mon lit, comme une ombre sombre aux détails imprécis, qui me réveillera et me demandera de le suivre pour assister encore une fois à une nouvelle naissance, la mienne.

      Claire me regardait, attendant peut-être une réplique de ma part qui alimente cette discussion stérile à mes yeux de femme âgée. Je pouvais faire plus pour elle, je pouvais lui faire un cadeau. Je la déçus donc, je ne relevai pas le défi, et capitulai, me mettant à nu devant elle.

      « Claire, viens avec moi au jardin. Je te raconterai une histoire si tu as envie.

      — Sur quoi grand-mère ? Pas de fable ou de truc de ce genre, je ne suis plus une enfant et je ne suis pas d’humeur à écouter des contes auxquels je ne crois plus depuis longtemps.

      — C’est peut-être une fable mon enfant. Tu dis bien. Et c’est pour ça que quand j’y repense et prends conscience de son importance pour moi, je sens des frissons me traverser le corps dans tous les sens. Je te parlerai de ma vie, si tu veux m’écouter, pour que tu puisses la comparer avec la tienne et comprendre que malgré le fossé entre nos générations, nous ne sommes pas si différentes toi et moi. »

      Claire fixa Rose un instant. Rose lui sourit, l’invitant à me suivre. Elle était émue, elle connaissait toute mon histoire dans les moindres détails, même les plus intimes, l’un deux l’ayant créée elle. Elle accepta mon invitation d’un hochement de tête silencieux, les yeux rivés au sol. C’était sa façon de me remercier. Le soleil au crépuscule brouillait les couleurs du monde, les rendant uniformes, une unique tache noire sans reliefs, privée de profondeur. Assises sur le même banc que celui où nous avions admiré la fin du jour tant de printemps, nous savourions ce monde qui nous apparaissait en deux dimensions, aux teintes indéfinies et floues, dépourvu de tout contour, pour tous, pour que personne ne puisse douter de sa beauté. Nos yeux fixaient l’arc-en-ciel de couleurs, du rouge intense près des arbres noircis par le soleil qui descendait, au bleu intense dû à la profondeur du ciel, tel qu’il nous apparaît quand on le regarde d’en bas. Ces couleurs se déliteraient bientôt, comme sur une aquarelle fraîche oubliée sous