Il entendit une voix masculine dans le couloir et s’immobilisa d’un coup.
C’était l’autre officier, Elias. Déjà ? L’anxiété gagna la poitrine de Rais. C’est alors qu’il entendit la deuxième voix, celle de l’infirmière de nuit, Elena. Apparemment, Elias avait abrégé sa pause cigarette pour discuter avec la jeune et jolie infirmière. Aussi, à présent, ils marchaient tous deux dans le couloir en direction de sa chambre. Ils seraient devant dans un instant.
Il aimait autant ne pas avoir à tuer Elena. Mais s’il devait choisir entre elle et lui, elle devrait mourir.
Rais attrapa l’une des armes sur le lit. C’était un Sig P220 tout noir, calibre .45. Il le prit dans sa main gauche. Le tenir était bienvenu et familier, comme un ancien amour. De la main droite, il attrapa la moitié ouverte des menottes. Puis, il attendit.
Les voix se turent dans le couloir.
“Luca ?” appela Elias. “Francis ?” Le jeune officier déclipsa la sangle de son étui et posa la main sur son pistolet en entrant dans la chambre sombre. Elena se glissa derrière lui.
Les yeux d’Elias s’écarquillèrent d’horreur à la vue des deux hommes morts.
Rais enfonça le crochet des menottes ouvertes sur le côté du cou de l’homme, puis tira son bras vers l’arrière. Le métal lui arrachait le poignet et ses blessures au dos irradiaient, mais il ignora la douleur en déchirant la gorge du jeune homme. Une grosse quantité de sang s’écoula et courut le long du bras de l’assassin.
De la main gauche, il appuya le Sig contre le front d’Elena.
“Ne crie pas,” dit-il rapidement à voix basse. “Ne pleure pas. Garde le silence et reste en vie. Fais un seul bruit et tu mourras. C’est compris ?”
Un léger couinement s’échappa des lèvres d’Elena, alors qu’elle tentait d’étouffer le sanglot qui la soulevait. Elle acquiesça, même si les larmes emplissaient ses yeux. Même si Elias était tombé en avant, à plat, le visage contre le sol carrelé.
Il la détailla de haut en bas. Elle était petite, mais ses vêtements de travail étaient assez amples et il y avait une bande élastique à la taille. “Déshabille-toi,” ordonna-t-il.
La bouche d’Elena s’ouvrit grand de terreur.
Rais prit un air moqueur. Il pouvait comprendre sa confusion : après tout, il était encore totalement nu. “Je ne suis pas ce type de monstre,” lui assura-t-il. “J’ai besoin de vêtements et je ne le répèterai pas deux fois.”
En tremblant, la jeune femme fit passer sa blouse au-dessus de ses épaules, puis retira son pantalon par-dessus ses sneakers blancs, alors qu’elle se tenait debout devant la mare du sang d’Elias.
Rais prit les vêtements et les enfila un peu bizarrement, d’une seule main, visant toujours la fille de l’autre avec le Sig. Les habits étaient serrés et le pantalon un peu court, mais ça ferait l’affaire. Il fourra le pistolet à l’arrière du pantalon et récupéra l’autre sur le lit.
Elena se tenait toujours debout, en sous-vêtements, bras repliés contre elle. Rais le remarqua et lui tendit sa blouse d’hôpital. “Couvre-toi et mets-toi dans le lit.” Pendant qu’elle s’exécutait, il trouva un trousseau de clés à la ceinture de Luca, ce qui lui permit de déverrouiller l’autre bout de ses menottes. Ensuite, il fit passer la chaîne autour de l’une des barres en acier et menotta les mains d’Elena.
Il posa les clés le plus loin possible sur la table de chevet, hors de son atteinte. “Quelqu’un viendra te libérer une fois que je serai parti,” lui dit-il. “Mais, d’abord, j’ai quelques questions. Il faut que tu sois honnête avec moi car, si ce n’est pas le cas, je reviendrai et je te tuerai. Tu comprends ?”
Elle acquiesça frénétiquement, des larmes coulant sur ses joues.
“Il y a combien d’autres infirmiers dans ce service cette nuit ?”
“J-je vous en prie, ne leur faites pas de mal,” bégaya-t-elle.
“Elena. Il y a combien d’autres infirmiers dans ce service cette nuit ?” répéta-t-il.
“D-deux…” Elle renifla. “Thomas et Mia. Mais Tom est en pause. Il doit être en bas.”
“OK.” Le badge avec son nom accroché à sa poitrine faisait à peu près la taille d’une carte de crédit. Il y avait une petite photo d’Elena et, de l’autre côté, une bande noire qui courait sur toute la longueur. “Ce service est verrouillé la nuit ? Et ton badge, c’est la clé ?”
Elle acquiesça et renifla de nouveau.
“Bien.” Il fourra la deuxième arme dans la bande élastique à la taille du pantalon, puis il s’agenouilla près du corps d’Elias. Ensuite, il retira ses deux chaussures pour les mettre à ses propres pieds Elles étaient un peu trop serrées, mais c’était supportable, le temps de s’échapper. “Une dernière question. Tu sais ce que Francis conduit ? Le garde de nuit ?” Il désigna du doigt l’homme mort en uniforme blanc.
“Je-je ne suis pas sûre. Un… un camion, je crois.”
Rais fouilla dans les poches de Francis et trouva un jeu de clés. Il y avait un boîtier électronique qui allait lui permettre de localiser le véhicule. “Merci pour ton honnêteté,” dit-il. Puis, il déchira une grosse bande de tissu sur le rebord du drap de lit et la fourra dans sa bouche pour l’empêcher de crier.
Le couloir était vide et vivement éclairé. Rais garda une main sur le Sig, mais le laissa caché dans son dos, alors qu’il se faufilait le long du couloir. Il ouvrait sur un palier plus large, avec le bureau des infirmiers en forme de U et, au-delà, la porte de sortie de cette unité. Une femme brune à lunettes rondes lui tournait le dos, en train de taper sur un ordinateur.
“Retourne-toi, s’il te plaît,” lui dit-il.
Étonnée, la femme pivota et découvrit leur patient/prisonnier en uniforme d’infirmier, un bras ensanglanté, pointant une arme sur elle. Elle en eut le souffle coupé et écarquilla les yeux.
“Tu dois être Mia,” dit Rais. La femme avait la quarantaine, certainement l’infirmière en chef, avec de gros cernes noirs sous ses grands yeux. “Haut les mains.”
Elle obéit.
“Qu’est-il arrivé à Francis ?” demanda-t-elle doucement.
“Francis est mort,” lui répondit Rais sans aucune émotion. “Si tu veux le rejoindre, fais quelque chose de téméraire. Si tu veux vivre, écoute-moi attentivement. Je vais sortir par cette porte. Une fois qu’elle se refermera derrière moi, tu compteras lentement jusqu’à trente. Ensuite, tu iras dans ma chambre. Elena est vivante, mais elle a besoin de ton aide. Enfin, tu pourras agir comme on t’a formée à le faire dans une telle situation. C’est bien compris ?”
L’infirmière acquiesça vivement d’un signe de tête.
“Est-ce que j’ai ta parole que tu vas suivre ces instructions ? Je préfère ne pas tuer de femmes quand je peux l’éviter.”
Elle acquiesça de nouveau, plus lentement cette fois.
“Bien.” Il fit le tour du bureau, saisit le badge de sa blouse en même temps et le passa dans la fente de cartes à droite de la porte. Un petit voyant passa du rouge au vert et le verrou émit un bruit. Rais poussa la porte, jeta un dernier coup d’œil à Mia, qui n’avait pas bougé, puis regarda la porte se refermer derrière lui.
Ensuite, il se mit à courir.
Il se dépêcha de quitter le couloir, fourrant le Sig dans son pantalon. Il descendit les marches quatre à quatre, se rua vers une porte latérale, et déboula dehors, dans la nuit suisse. L’air frais s’abattit sur lui comme