Ce ne dut être que par pure fatigue qu’Oliver parvint s’endormir cette nuit-là. Mais il dormit. Et alors qu’il dérivait dans ses rêves, Oliver se retrouva à regarder par la fenêtre l’arbre grêle de l’autre côté de la route. L’homme et la femme qu’il avait vus la nuit dernière se tenaient là, main dans la main.
Oliver frappa à la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il.
La femme sourit d’un air entendu. Son sourire était chaleureux ; plus gentil même que celui de madame Belfry.
Mais aucun d’eux ne parla. Ils se contenaient seulement de le dévisager, en souriant.
Oliver ouvrit la fenêtre.
— Qui êtes-vous ? cria-t-il encore, mais cette fois, sa voix fut emportée par le vent.
L’homme et la femme se tenaient là, muets, les mains jointes, leurs sourires chaleureux et engageants.
Oliver se mit à escalader la fenêtre. Mais ce faisant, les silhouettes vacillèrent et tremblèrent, comme s’il s’agissait d’hologrammes et que les ampoules s’éteignaient. Ils commençaient à disparaître.
— Attendez ! cria-t-il. Ne partez pas !
Il tomba de la fenêtre et s’élança dans la rue. Ils s’effaçaient de plus en plus à chaque pas qu’il faisait.
Lorsqu’il arriva devant eux, ils étaient à peine visibles. Il tendit la main vers celle de la femme, mais elle traversa la sienne, comme si elle était un fantôme.
— S’il vous plaît dites-moi qui vous êtes ! supplia-t-il.
L’homme ouvrit la bouche pour parler, mais sa voix était noyée par le vent rugissant. Oliver était gagné par le désespoir.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il encore, criant pour être entendu par-dessus le vent. Pourquoi est-ce que vous m’observez ?
L’homme et la femme disparaissaient rapidement. L’homme parla à nouveau et cette fois, Oliver entendit un petit murmure.
— Tu as un destin…
— Quoi ? bégaya Oliver. Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.
Mais avant que l’un d’eux n’ait eu la chance de parler à nouveau, ils s’évanouirent complètement. Ils étaient partis.
— Revenez ! cria Oliver dans le vide.
Puis, comme si elle parlait dans son oreille, il entendit la voix vaporeuse de la femme dire : Tu sauveras l’humanité.
Les yeux d’Oliver s’ouvrirent. Il était de retour dans son lit dans l’alcôve, baigné dans la pâle lumière bleue qui entrait par la fenêtre. C’était le matin. Il pouvait sentir son cœur battre la chamade.
Le rêve l’avait profondément secoué. Qu’avaient-ils voulu dire à propos de son destin ? À propos du fait qu’il sauverait l’humanité ? Et qui étaient cet homme et cette femme de toute façon ? Le fruit de son imagination ou autre chose ? C’étaient bien trop de choses à comprendre.
Alors que le choc initial du rêve commençait à s’estomper, Oliver sentit une nouvelle sensation prendre le dessus. L’espoir. Quelque part, au plus profond de lui, il sentit qu’il était sur le point de vivre une journée mémorable, que tout était sur le point de changer.
CHAPITRE QUATRE
La bonne humeur d’Oliver redoubla encore quand il s’aperçut que son premier cours de la journée était celui de science, ce qui signifiait qu’il allait revoir madame Belfry. Alors même qu’il traversait la cour de récréation, esquivant des ballons de basket qu’il soupçonnait avoir été délibérément lancés dans sa direction, l’excitation d’Oliver ne faisait que grandir.
Il atteignit l’escalier et fut happé par la force des enfants qui le poussèrent comme une vague pousse un surfeur jusqu’au quatrième étage. Puis il se fraya un chemin jusqu’au palier et se dirigea vers la salle de classe.
Il était le premier. Madame Belfry se trouvait déjà à l’intérieur, vêtue d’une robe en lin gris. Elle était en train d’installer une rangée de petites maquettes devant son bureau. Oliver vit qu’il y avait un petit biplan, une montgolfière, une fusée spatiale et un avion moderne.
— La leçon d’aujourd’hui porte sur le vol ? demanda-t-il.
Madame Belfry sursauta, n’ayant manifestement pas réalisé que l’un de ses élèves était entré.
— Oh, Oliver, dit-elle, radieuse. Bonjour. Oui, c’est ça. Bon, je suppose que vous connaissez une chose ou deux au sujet de ce type d’invention.
Oliver acquiesça. Son livre sur les inventeurs contenait toute une section sur le vol, depuis les premiers ballons inventés par les frères français Montgolfier, en passant par les premiers avions conçus par les frères Wright et jusqu’à la science des fusées. Comme le reste des pages du livre, il avait lu cette section tellement de fois qu’il l’avait en grande partie mémorisée.
Madame Belfry sourit comme si elle avait déjà deviné qu’Oliver serait une source de connaissances sur ce sujet en particulier.
— Vous devrez peut-être m’aider à expliquer certaines des caractéristiques physiques aux autres, lui dit-elle.
Oliver rougit en prenant place. Il détestait parler à haute voix devant ses camarades de classe, d’autant plus qu’il était déjà soupçonné d’être un intello et qu’il avait l’impression de faire étalage de ses connaissances plus qu’il ne le voulait vraiment. Mais madame Belfry avait quelque chose de très apaisant, comme si elle pensait que le savoir d’Oliver était quelque chose devant être encouragé plutôt que ridiculisé.
Oliver choisit une table près de l’avant de la classe. S’il devait être contraint de parler à voix haute, il préfèrerait ne pas avoir trente paires d’yeux qui le fixaient par-dessus leur épaule. Au moins, de cette façon, il n’aurait pas conscience des quatre autres rangées d’enfants devant lui qui le regarderaient.
Juste à ce moment, les camarades de classe d’Oliver commencèrent à arriver et à prendre place. Le bruit dans la pièce commença à monter. Oliver n’avait jamais compris comment les autres pouvaient avoir tant de choses à dire. Même s’il pouvait parler des inventeurs et des inventions pendant une éternité, il ne ressentait pas beaucoup le besoin de discuter à propos d’autres sujets. Il était toujours dérouté de voir comment les autres personnes parvenaient à mener aussi aisément une conversation et comment elles échangeaient tant de mots sur ce qui, à son avis, semblait si insignifiant.
Madame Belfry entama son cours en agitant les bras pour faire taire tout le monde. Oliver se sentait mal pour elle. Amener les enfants à écouter semblait toujours être une bataille pour elle. Et elle était si douce et si posée qu’elle ne se résolvait jamais à élever la voix ou à crier. Ses tentatives de faire taire tout le monde prenaient donc beaucoup de temps. Mais enfin les bavardages finirent par se tarir.
— Aujourd’hui, les enfants, commença madame Belfry, J’ai un problème qui doit être résolu. Elle brandit un bâtonnet de glace. Je me demande si quelqu’un peut me dire comment faire voler ceci.
Un brouhaha fit le tour de la pièce. Quelqu’un cria :
— Il suffit de le jeter !
Madame Belfry fit comme suggéré. Le bâtonnet parcourut moins de soixante centimètres avant de tomber au sol.
— Hm, je ne sais pas pour vous, dit madame Belfry, mais pour moi, cela ressemblait à une chute. Je veux qu’il vole. Qu’il s’envole dans