Profitons-en pendant que ça dure…
Elle tourna les talons, juste au moment où la sonnette retentissait.
— J’y vais, Gabriela.
Elle ouvrit la porte. Un homme souriant, qu’elle n’avait jamais vu, se trouvait sur le perron.
— Bonjour, dit-il un peu timidement. Je m’appelle Blaine Hildreth. J’habite à côté. Votre fille est avec la mienne, Crystal.
Il tendit un paquet à Riley.
— Bienvenue dans le quartier. Je vous ai apporté un petit cadeau pour la pendaison de crémaillère.
— Oh…
Riley n’était pas habituée à recevoir ce genre d’attentions. Elle mit du temps avant de trouver la réponse appropriée :
— Je vous en prie : entrez.
Elle accepta avec embarras le paquet et invita Blaine à s’asseoir dans un fauteuil. Elle s’assit à son tour, en gardant le cadeau sur ses genoux. Blaine Hildreth la dévisagea, comme s’il attendait quelque chose.
— C’est très gentil à vous, dit-elle en déballant le paquet.
Il contenait un service de tasses colorées, avec des papillons et des fleurs.
— Elles sont ravissantes, dit Riley. Je peux vous offrir un café ?
— Merci, avec joie.
Riley appela Gabriela qui passa la tête par l’embrasure de la porte.
— Gabriela, pourriez-vous nous préparer du café ? Servez-le dans ces tasses. Blaine, qu’est-ce que vous voulez ?
— Noir, ça ira.
Gabriela emporta le paquet dans la cuisine.
-Je m’appelle Riley Paige, dit-elle. Merci d’être passé. Et merci pour le cadeau.
— Je vous en prie.
Gabriela leur servit du café chaud, avant de retourner dans la cuisine. Riley se surprit à détailler son voisin du regard… Après tout, elle était maintenant célibataire et elle ne put s’en empêcher. Elle espéra qu’il ne s’en rendrait pas compte.
Oh, de toute façon, il fait peut-être la même chose avec moi…
Elle remarqua d’abord qu’il ne portait pas d’alliance. Veuf ou divorcé.
Ensuite, elle estima qu’il devait avoir son âge, peut-être un peu plus jeune, peut-être à la fin de la trentaine.
Enfin, elle songea qu’il était beau – raisonnablement beau. Son front commençait à se dégarnir, ce qui n’était pas un problème. Il avait l’air en forme et musclé.
— Alors, qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demanda Riley.
Blaine haussa les épaules.
— J’ai un restaurant. Vous connaissez Blaine’s Grill ?
Impressionnant ! Blaine’s Grill était l’endroit le plus sympa pour déjeuner à Fredericksburg. Riley avait entendu dire que c’était encore meilleur le soir, mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer.
— J’y suis allée, dit-elle.
— Eh bien, il m’appartient. Et vous ?
Riley prit une longue inspiration. Il n’était jamais facile de dire à un étranger ce qu’elle faisait dans la vie. Les hommes, surtout, étaient souvent intimidés.
— Je suis du FBI, dit-elle. Je suis… agent de terrain.
Les yeux de Blaine s’écarquillèrent.
— Ah vraiment ?
— Oui, mais je suis en congé pour le moment. J’enseigne.
Blaine se pencha vers elle, une lueur de respect et d’intérêt dans le regard.
— Je suis sûr que vous avez un tas d’histoires à raconter. Ça m’intéresserait.
Riley étouffa un rire nerveux. Serait-elle capable de raconter à quelqu’un qui ne travaillait pas au FBI certaines des choses dont elle avait été le témoin ? Ce serait encore plus difficile de parler de ce qu’elle avait fait, elle.
— Je ne pense pas, dit-elle d’un ton un peu sec.
Elle vit Blaine se tendre comme un arc. Elle s’était peut-être montrée grossière.
— Excusez-moi, dit-il. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise.
Ils discutèrent aimablement après cet incident, mais Riley remarqua que son voisin était un peu plus réservé qu’auparavant. Quand il prit congé, Riley le raccompagna, puis elle referma la porte en poussant un soupir sonore. Elle se rendait elle-même inaccessible à ceux qui l’entouraient. La femme qui commençait une nouvelle vie, c’était toujours cette bonne vieille Riley Paige.
Cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas besoin d’un homme, au contraire. Il fallait qu’elle fasse le tri dans sa vie. Ensuite, elle pourrait avancer.
Mais il avait été agréable de bavarder avec un bel homme et c’était un soulagement d’avoir enfin des voisins. Des voisins plutôt sympathiques.
*
Quand Riley et sa fille se mirent à table pour dîner, April tripotait encore son smartphone.
— S’il te plait, arrête avec les textos. On mange.
— Une seconde, Maman, dit April sans lever le nez.
Le comportement de April, si typique d’une adolescente, n’irritait pas vraiment Riley. Il y avait des bons côtés. Cela voulait dire que April se faisait des amis. D’ailleurs, elle se débrouillait bien à l’école. Elle avait de meilleures fréquentations qu’avant. April devait être en train de communiquer avec un garçon qui lui plaisait. Elle n’en avait pas encore parlé à Riley.
April lâcha son téléphone quand Gabriela servit un plat de chiles rellenos. L’adolescente étouffa un rire malicieux.
— C’est assez picante, Gabriela ? demanda-t-elle.
— Sí, répondit Gabriela en souriant.
C’était une blague qu’elles seules pouvaient comprendre. Ryan détestait les plats trop pimentés. En fait, il ne pouvait tout simplement pas manger de piment. April et Riley, elles, adoraient ça. Gabriela avait reçu l’instruction de ne plus se retenir – du moins, pas autant qu’avant. Riley doutait qu’elle aurait pu supporter une authentique recette guatémaltèque.
En s’asseyant à son tour, Gabriela se tourna vers Riley.
— Le jeune homme est guapo, no ?
Riley s’empourpra.
— Beau ? Je n’ai pas remarqué, Gabriela.
La bonne éclata de rire. Elle remplit son assiette et se mit à manger en chantonnant un petit air. Ce devait être une chanson d’amour. April dévisageait sa mère.
— Quel jeune homme, Maman ?
— Oh, notre voisin est passé…
April l’interrompit avec un enthousiasme non dissimulé.
— Oh là là ! Le papa de Crystal ? C’était lui, hein ? Il est trop beau !
— Et je crois qu’il est célibataire, ajouta Gabriela.
— Oh, arrêtez, vous deux, dit Riley. Laissez-moi vivre. Je n’ai pas besoin que vous me rencardiez avec le voisin.
Elles piochèrent dans le plat de poivron farcis. Le dîner était presque terminé quand