Elle avait souvent cette sensation quand elle avait un travail à faire dans le Midwest. Elle n’avait pas peur des grands espaces – cela devait s’appeler l’agoraphobie. Pourtant, les vastes plaines et prairies réveillaient une anxiété bien particulière en elle.
Riley n’était pas sûre de savoir ce qui était pire entre les plaines plates qu’elle avait déjà traversées dans des états comme le Nebraska, ces plaines qui partaient de tous les côtés aussi loin que portait le regard, et les prairies vallonnées comme celle-ci, avec ses fermes, ses villages, ses champs à parte de vue. Dans les deux cas, ce type de paysage lui donnait la nausée.
Même si le Midwest avait la réputation d’être une terre d’hospitalité et de valeurs, Riley n’était pas surprise qu’on y commette des meurtres. La campagne pouvait rendre fou n’importe qui.
Pour ne plus regarder le paysage, Riley sortit son téléphone et envoya un message groupé à sa famille : April, Jilly, Liam et Gabriela.
Je suis bien arrivée.
Elle réfléchit une minute et ajouta…
Vous me manquez déjà. Mais je serai sûrement rentrée bien vite.
*
Au bout d’une heure de route, Doty s’engagea sur un chemin de gravier.
Tout en conduisant, il dit :
— On entre sur les terres de George Tully.
Riley regarda autour d’elle. Le paysage était exactement le même – d’immenses champs en attente de plantations, séparés par des barrières ou des haies. Elle aperçut une seule grande maison au milieu, près d’une grange décrépite. Ce devait être là que George Tully vivait avec sa famille.
C’était une vieille maison qui semblait avoir été agrandie au fil du temps, peut-être en plusieurs générations.
Une camionnette de médecin légiste apparut, garée sur le bas-côté. D’autres voitures se trouvaient non loin. Doty s’arrêta juste derrière le fourgon. Riley et Jenn le suivirent dans un champ fraichement labouré.
Trois hommes étaient debout autour d’un trou creusé dans la terre. Riley ne voyait pas encore ce qui avait été découvert à cet endroit-là, mais elle aperçut un morceau d’étoffe colorée agitée par la brise.
C’est là qu’elle était enterrée, pensa-t-elle.
A cet instant, Riley fut frappée par une sensation étrange.
Elle n’avait plus l’impression qu’elle et Jenn étaient venues là pour rien.
Ils avaient du travail à faire – une fille était morte et elles ne s’arrêteraient pas tant que le tueur n’aurait pas été découvert.
CHAPITRE DIX
Deux personnes étaient debout devant le cadavre fraichement déterré. Riley se dirigea immédiatement vers l’homme baraqué d’à peu près son âge.
— Chef Joseph Sinard, je suppose, dit-elle en lui tendant la main.
Il acquiesça et lui serra la main.
— Les gars du coin m’appellent Joe.
Sinard montra d’un geste le quinquagénaire obèse qui semblait s’ennuyer ferme à côté de lui.
— Voilà Barry Teague, le médecin légiste du comté. Vous êtes les agents du FBI qu’on attendait, je suppose.
Riley et Jenn sortirent leurs badges et se présentèrent.
— Notre victime est là, dit Sinard.
Il montra du doigt le trou peu profond dans lequel une jeune femme avait été jetée. Elle portait une robe d’été d’un orange pétant. Comme la robe lui remontait sur les cuisses, Riley vit qu’on lui avait retiré ses sous-vêtements. Elle n’avait pas de chaussures aux pieds. Son visage était anormalement pâle et elle avait de la terre dans sa bouche ouverte. Ses yeux étaient écarquillés. Le corps avait pris une teinte grise, qui n’était pas celle d’un être humain en bonne santé.
Riley frémit. Elle ressentait rarement la moindre émotion devant un cadavre. Elle en avait vu beaucoup trop au fil des années. Mais cette fille lui rappela April.
Riley se tourna vers le médecin légiste.
— Quelles sont vos conclusions, M. Teague ?
Barry Teague s’accroupit devant la fosse. Riley fit de même.
— C’est terrible, vraiment terrible, dit-il d’une voix qui n’exprimait aucune émotion.
Il montra du doigt les cuisses de la fille.
— Vous voyez ces hématomes ? demanda-t-il. On dirait qu’elle a été violée.
Riley ne répondit pas, mais elle sentit qu’il avait raison. Vu l’odeur, elle devina également que la fille était morte la nuit d’avant. Elle était restée sous la terre pendant un jour et demi.
Elle demanda :
— De quoi est-elle morte ?
Teague poussa un grognement d’impatience.
— Je ne sais pas, dit-il. Peut-être que si vous me laissiez sortir le corps de là et faire mon travail, je pourrais vous le dire.
Riley se raidit. L’homme ne voulait pas du FBI. Son ressentiment à l’égard des deux agents était palpable. Les gens du coin feraient-ils de la résistance ?
Riley se rappela que c’était Sinard qui avait réclamé leur présence. Au moins, elle pouvait compter sur sa coopération.
Elle dit au médecin légiste :
— Vous pouvez l’emmener maintenant.
Elle se releva et regarda autour d’elle. Elle vit un homme assez âgé à quelques mètres. Appuyé sur un tracteur, il fixait le corps du regard.
— Qui est-ce ? demanda-t-elle à Sinard.
— George Tully, répondit-il.
C’était le propriétaire du terrain.
Riley et Jenn marchèrent vers lui pour se présenter. Tully sembla à peine remarquer leur présence. Il continuer de regarder le corps que l’équipe de Teague se préparait à emporter.
Riley lui dit :
— M. Tully, je crois savoir que vous avez trouvé la fille.
Il acquiesça mollement, sans jamais quitter le corps du regard.
Riley dit :
— Je sais que c’est difficile. Mais vous pouvez nous dire ce qui s’est passé ?
Tully parla d’une voix distante.
— Je n’ai pas grand-chose à dire. Moi et les garçons, on était venus planter. J’ai remarqué que la terre était bizarre à cet endroit. Ça ne m’a pas plu, alors j’ai commencé à creuser… Et elle était dessous.
Riley sentit que Tully n’était pas prêt à en dire davantage.
Jenn dit :
— Vous savez quand on aurait pu enterrer le corps à cet endroit ?
Tully secoua mollement la tête.
Riley regarda autour d’elle. Le champ semblait avoir été récemment labouré.
— Quand avez-vous labouré ce champ ? demanda-t-elle.
— Avant-hier. Non, encore un jour avant. On voulait