Castillo gloussa malgré sa colère. Elle était sur le point de répondre lorsque le détective Manny Suarez entra dans la pièce. Manny ne ressemblait pas à grand-chose, avec sa longue barbe, ses poignées d'amour et ses yeux aux paupières lourdes qui rappellent à Keri le nain Dormeur. Mais c'était un détective coriace et compétent. Et plus important encore en ce moment, il revenait du bureau FedEx d'où la demande de rançon avait été postée. Keri espérait qu'il apportait de bonnes nouvelles.
— Donnez-moi quelque chose de positif, dit Hillman.
Suarez secoua la tête en s'asseyant à la table de la salle de conférence, et sortit une facture solitaire de l'enveloppe qu'il tenait. Il la plaqua sur la table.
— Voilà, dit-il. C'est le seul morceau de preuve tangible que j'ai pu récupérer au magasin FedEx. Il y a l'heure et la date d'achat, qui a été payé en espèces. C'est tout.
— Il n'y avait aucune vidéo de surveillance correspondant à l'heure de l'achat ? demanda Hillman.
— Si mais c'est presque inutile. La caméra extérieure montre quelqu'un rentrer. Mais cette personne porte un sweat-shirt ample avec une capuche et des lunettes de soleil. Je l'ai fait tourner, mais ça ne va pas aider beaucoup. C'est même difficile de dire si c'est un homme ou une femme.
— Et à l'intérieur du magasin FedEx ? demanda Castillo.
Suarez sortit un deuxième bout de papier de l'enveloppe et le posa également sur le bureau. Cela ressemblait à une photo mais c'était essentiellement blanc avec du noir sur les bords.
— Voilà une image tirée de la caméra intérieure, dit-il. On dirait qu'il utilise des lunettes à réfraction laser qui ont fait tout sauter à l'écran. C'est à ça que ressemble la séquence toute la durée de la présence de la personne.
— C'est de la technologie hardcore, remarqua Edgerton, impressionné. Habituellement, ce genre de chose n'est utilisé que dans les vols de pointe.
— Et les autres caméras ? demanda Ray. Celles qu'il n'a pas regardé directement.
— Elles n'étaient pas affectées. Mais le suspect est resté hors du champ de chacune d'entre elles. C'est comme s'il savait exactement où se trouverait chaque caméra et restait hors de leurs portées à l’exception de la seule qu'il ne pouvait éviter derrière le comptoir. Et c'est celle-là qu'il a fait sauter.
— J'imagine qu'il a aussi évité toutes les caméras extérieures en sortant ? devina Keri. Aucune chance qu'il marche jusqu'à sa voiture et qu'on puisse avoir un modèle ou une plaque d'immatriculation ?
— Aucune chance, confirma Suarez. Nous le voyons tourner au coin de la rue. Mais la direction qu'il prend mène vers une zone industrielle dans laquelle aucun commerce n'est équipé de caméra. Il pourrait partir n'importe où à partir de là.
— Je déteste en rajouter une couche, dit Edgerton, étudiant l'ordinateur portable devant lui. Mais j'ai d'autres mauvaises nouvelles. Le sac à dos et le vélo de Jessica n'ont rien donné. Les experts viennent juste de me confirmer qu'ils n'ont pas trouvé d'empreintes inhabituelles.
Le téléphone du lieutenant Hillman sonna mais il fit signe à Edgerton de continuer tandis qu'il sortait de la pièce pour prendre l'appel. Kevin reprit où il s'était arrêté.
— Et nous avons utilisé un programme en nous servant de sa carte SIM pour chercher des activités suspectes. Ça vient juste de finir. Mais il n'y a rien qui sorte de l'ordinaire. Chaque appel passé ou reçu dans les trois derniers mois vient soit de sa famille, soit de ses amis.
Keri et Ray échangèrent un regard silencieux. Même la tension entre eux ne pouvait pas miner leur préoccupation commune, à savoir que cette affaire se détériorait rapidement.
Avant que quiconque n'ait eu le temps de répondre à Edgerton, Hillman revint dans la salle. Keri devinait à son expression que d'autres mauvaises nouvelles allaient suivre.
— C'était le docteur Freeney, dit-il. Il opte également pour la théorie de l'escroc. Il pense que ce gars a inventé la partie des trucs fous et veut juste l'argent.
Super. Aucune piste que nous avions n'a été concluante, et maintenant, le consensus du service est que ce gars n'est qu'un banal kidnappeur.
Keri ne pouvait l'expliquer, même à elle-même. Mais ses instincts lui disaient que le consensus se trompait dangereusement ; que ce kidnappeur était tout autre chose. Et elle avait peur que s'ils ne prenaient pas la bonne voie rapidement, Jessica Rainey en paierait le prix.
CHAPITRE 6
Alors que les minutes les rapprochant de la livraison passaient, Keri essaya d'ignorer le nœud d'angoisse se formant dans son estomac. Le temps commençait à manquer et elle avait l'impression qu'ils perdaient rapidement des options. Elle se dit fermement de ne pas perdre espoir, de se rappeler que Jessica était là quelque part, attendant désespérément que quelqu'un la trouve.
Puisque le bureau FedEx, le sac à dos et le téléphone de Jessica étaient des impasses, l'équipe commença à rechercher des options moins spécifiques à l'affaire et donc moins prometteuses.
Edgerton saisit les paramètres de l'affaire dans la base de données fédérale pour voir s'il y avait des traces de kidnappings similaires. Les résultats arriveraient bientôt, mais les passer en revue prendrait beaucoup de temps.
Il rentra également la lettre de rançon dans le système au cas où le langage utilisé correspondrait à une lettre précédente. C'était peu probable. Si une lettre aussi étrange avait été envoyée à quelqu'un auparavant, ils étaient certains qu'ils en auraient entendu parler.
Suarez étudiait une liste des délinquants sexuels enregistrés qui vivaient dans la région pour voir si l'un d'eux avait un casier judiciaire pour ce genre de crime. Castillo était partie au parc pour préparer la surveillance. Brody avait quitté le poste, clamant qu'il allait parler à certains de ses informateurs de rue. Keri le soupçonna de sortir uniquement pour se chercher quelque chose d'autre à manger.
Ray et elle passèrent en revue de vieux dossiers, à la recherche d'affaires anciennes ou non-résolues qui correspondraient à celle de Jessica. Il était possible que ce soit l’œuvre de quelqu'un de retour en liberté après une longue peine de prison. Si telle était la situation, cela serait antérieur à leurs entrées respectives dans les forces de l'ordre et ils ne se rappelleraient pas des détails. Aucun d'eux ne pensait que l'exercice porterait ses fruits mais ils ne voyaient pas quoi faire d'autre.
Après une heure sans succès, ils partirent. Il était presque 22h et Ray et elle retournaient à la maison des Rainey. C'était le même itinéraire que celui emprunté ce matin, lorsque tout était normal, jusqu'au moment où il l'avait invitée à sortir avec lui. Tous deux étaient conscients de ce fait, mais ils étaient trop occupés pour permettre de laisser cela les détourner de leur objectif en ce moment.
Tandis qu'ils roulaient, Ray était au téléphone avec le détective Garrett Patterson qui était resté au poste, coordonnant la surveillance du point de livraison à Chace Park.
Patterson, un homme dans la trentaine, calme et studieux, était un geek de l'informatique comme Edgerton. Mais contrairement à son jeune collègue, Patterson semblait aimer se concentrer sur les détails des affaires. Il adorait les activités telles que passer en revue des relevés téléphoniques et comparer des adresses IP, à tel point qu'il s'était attiré le surnom de « Sale Boulot », ce qui ne le dérangeait pas du tout.
Il n'était pas le genre de détective à sauter sur des déductions instinctives. Mais on pouvait compter sur lui pour installer un périmètre complet de vidéosurveillance et de surveillance électronique qui serait à la fois efficace et indétectable.
— Ils sont prêts,