– Ça ira, Lucy, dit Riley.
Lucy hocha la tête et quitta la cuisine. Riley entendit les derniers agents partir en refermant la porte derrière eux. Riley se leva et fit le tour des portes donnant vers l’extérieur, pour s’assurer qu’elles étaient toutes fermées. Elle plaça deux chaises devant la porte de derrière. Si quelqu’un tentait de forcer la serrure, les chaises feraient du bruit.
Elle balaya alors le salon du regard. La maison était étrangement lumineuse, car toutes les lumières étaient allumées.
Il faut que j’éteigne tout, pensa-t-elle.
Alors qu’elle tendait le doigt vers l’interrupteur du salon, son bras s’arrêta. Elle ne pouvait pas éteindre. Elle était pétrifiée par la terreur.
Peterson, elle le savait, reviendrait.
Chapitre 3
Riley hésita quelques instants avant d’entrer dans le bâtiment de l’Unité d’Analyse Comportementale. Etait-elle prête à affronter le regard des autres ? Elle n’avait pas dormi de la nuit. Elle était épuisée. La terreur et l’adrénaline l’avaient empêchée de fermer l’œil. Elle se sentait vidée de toute énergie.
Riley prit une grande inspiration.
Le seul moyen de sortir, c’est de passer au travers.
Elle rassembla sa détermination et pénétra dans la masse vivante des agents du FBI, des spécialistes et des employés. Alors qu’elle traversait l’open space, des visages familiers la dévisagèrent par-dessus les écrans d’ordinateur. La plupart lui adressèrent un sourire ou levèrent le pouce d’un air appréciateur. Riley se félicita d’être venue. Elle avait besoin de se changer les idées.
– Bien joué pour le tueur de poupées, lança un jeune agent.
Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle réalisa que ce devait être le nouveau surnom de Dirk Monroe, le psychopathe qu’elle avait arrêté quelques jours plus tôt. Ce surnom lui allait bien.
Elle remarqua que certains visages la dévisageaient avec plus de circonspection. Ils avaient dû entendre parler de l’incident de la veille, quand une équipe entière du FBI s’était précipitée chez elle après son appel hystérique. Ils se demandent si j’ai encore toute ma tête, pensa-t-elle. Pour ce qu’elle en savait, personne d’autre au Bureau ne croyait une seconde que Peterson était encore vivant.
Riley s’arrêta devant le bureau de Sam Flores, un technicien du labo aux lunettes cerclées de noir, penché sur son ordinateur.
– Vous avez du nouveau, Sam ? demanda Riley.
Sam leva les yeux de son écran.
– Vous parlez de votre intrus d’hier, n’est-ce pas ? Je suis en train de consulter les rapports préliminaires. Il n’y a pas grand-chose, malheureusement. Les gars du labo n’ont rien trouvé sur le gravier – pas de fibres, pas d’ADN. Pas d’empreintes digitales non plus.
Riley poussa un soupir de découragement.
– Tenez-moi au courant, si ça change, dit-elle en tapotant l’épaule de Flores.
– Je n’y compterais pas, à votre place, dit Flores.
Riley poursuivit dans la zone du bâtiment réservée aux agents vétérans. En longeant les bureaux délimités par de grandes vitres, elle constata que Bill n’était pas là. C’était un soulagement, mais elle savait qu’un jour ou l’autre, elle serait obligée de dissiper le malaise qui traînait entre eux.
En pénétrant dans son propre bureau, toujours bien organisé et en ordre, Riley remarqua immédiatement qu’un message téléphonique l’attendait. Mike Nevins, le psychiatre de l’unité de Washington D.C., qu’elle contactait parfois au cours d’une enquête, l’avait appelée. Au fil des années, elle avait pu constater qu’il était une source intarissable de perspicacité et de réflexion – et pas seulement pour résoudre une affaire. Mike avait aidé Riley à dompter son stress post-traumatique, après son séjour sinistre aux mains de Peterson. Il avait dû l’appeler pour prendre de ses nouvelles, comme il le faisait souvent.
Elle était sur le point de le rappeler quand la large carrure de l’agent spécial Brent Meredith apparut dans l’encadrement de la porte. Les traits anguleux et sombres du chef de l’unité laissaient deviner sa personnalité déterminée et pragmatique. Riley se sentit immédiatement soulagée et rassurée par sa présence.
– Bon retour chez nous, Agent Paige, dit-il.
Riley lui serra la main.
– Merci, Agent Meredith.
– J’ai entendu dire que vous aviez vécu une autre de vos aventures hier soir. J’espère que vous allez bien.
– Je vais bien, merci.
Meredith la couva d’un regard inquiet et Riley comprit qu’il tentait d’évaluer sa capacité à reprendre le travail.
– Voudriez-vous m’accompagner dans la salle de repos pour prendre un café ? demanda-t-il.
– Merci, mais je dois consulter quelques dossiers. A un autre moment.
Meredith hocha la tête sans mot dire. Riley savait qu’il attendait qu’elle parle de son aventure. Il avait sans doute entendu dire que Riley était convaincue d’avoir eu affaire à Peterson. Il lui laissait une chance d’exprimer son opinion. Cependant, Meredith n’était pas plus susceptible qu’un autre de croire à l’hypothèse de Riley.
– Eh bien, je vous laisse, dit-il. Faites-moi savoir si vous souhaitez prendre un café ou déjeuner.
– Promis.
Meredith s’interrompit et se tourna une dernière fois vers Riley.
Lentement et posément, il lui dit :
– Soyez prudente, Agent Paige.
Il y avait un monde d’inquiétude et de sens derrière ces mots. Peu de temps auparavant, un autre gros bonnet de l’agence l’avait suspendue pour insubordination. Elle avait été réintégrée, mais sa position demeurait instable. Riley sentit que Meredith lui donnait un avertissement amical. Il ne voulait pas la voir saboter sa propre carrière. Et créer un tapage autour de Peterson pouvait la mettre dans une situation délicate, notamment vis-à-vis des agents qui avaient bouclé l’enquête.
Dès qu’elle fut seule, Riley tira de son cabinet le dossier épais de l’affaire Peterson. Elle l’ouvrit sur son bureau et le feuilleta rapidement, pour se rafraîchir la mémoire. Ce qui se trouvait là-dedans n’était guère utile.
L’homme demeurait une énigme. Il n’existait aucune trace de son existence avant que Bill et Riley ne se lancent sur sa piste. Peterson n’était peut-être même pas son vrai nom, et de nombreux prénoms divers lui avaient été attachés.
Alors que Riley feuilletait le dossier, elle tomba sur des photographies de ses victimes – des femmes retrouvées au fond de tombes étroites et creuses. Toutes portaient des marques de brûlures et avaient été étranglées. Riley frissonna en repensant aux larges et puissantes mains qui l’avaient enfermée dans une cage comme un animal.
Personne ne savait combien de femmes il avait tuées. Certains corps n’avaient peut-être pas été découverts. Avant que Marie et Riley ne s’échappent et ne racontent l’horreur de leur expérience, personne n’avait jamais su combien il aimait torturer les femmes dans l’obscurité avec un chalumeau au propane. Et, aujourd’hui, personne ne voulait croire que cet homme était encore en vie.
Cette histoire pesait de tout son poids sur le moral de Riley. Elle était connue pour sa capacité à pénétrer les esprits malades – une capacité qui l’effrayait