Alors la porte s'ouvre; le surveillant vous remet une petite plaque en tôle indiquant le numéro de votre cellule et vous enjoint de courir au bout de la galerie, de descendre l'escalier que vous rencontrez, et, toujours courant, d'aller jusqu'à une petite porte devant laquelle vous attend un autre surveillant.
Pourquoi courir? demandez-vous. Voici l'explication de ce mouvement. Je l'ai déjà dit, il est de principe à Mazas que jamais les détenus ne doivent se rencontrer ni même s'apercevoir. Toute communication est rigoureusement interdite.
Au moment où le signal des sorties pour la promenade a été donné, un coup de sonnette retentit. Le premier détenu court jusqu'à la petite porte dont je viens de parler, et ce n'est que lorsqu'il l'a franchie qu'un nouveau coup de sonnette avertit le surveillant qu'un second détenu peut être livré à la circulation.
La description des promenoirs de Mazas a été faite cent fois: cependant, pour l'intelligence de ce trop fidèle compte-rendu, il est nécessaire que je revienne sur ces détails.
Toute la maison d'arrêt est construite sur un système circulaire. Ainsi, tracez un cercle au centre, posez un point qui vous représentera le greffe, puis tirez les rayons de ce centre à la circonférence, vous avez les salles de cellules. Entre ces rayons, que je suppose au nombre de dix, tracez de nouveaux cercles et placez également au centre un point, vous avez les promenoirs, qui seront vingt rayons tirés de ce centre à la circonférence extérieure. Les promenoirs sont au nombre de cinq, dans chacun desquels peuvent se promener dix-neuf détenus. Les préaux, au nombre de dix-neuf, plus un vingtième qui sert de passage, sont, on le comprendra facilement, si on a pris la peine de tracer la petite figure que j'ai indiquée, étroits à l'endroit où ils touchent le centre et s'élargissent graduellement jusqu'à ce qu'ils rencontrent la circonférence, marquée ici par une grille de fer à trente-sept barreaux.
Voici les dimensions de chaque préau, séparé des autres par deux murs:
Largeur auprès du centre, c'est-à-dire à la porte, 75 centimètres.
Largeur à la circonférence, c'est-à-dire à la grille, 6 mètres 15.
Longueur des murs latéraux, 5 mètres.
Il faut quarante-deux pas ordinaires pour arpenter le tour du préau, et, singulière coïncidence, on fait d'un pas égal et soutenu, sans lenteur comme sans précipitation, quarante-deux fois le tour du préau en quinze minutes. Je l'ai expérimenté plusieurs fois et je puis répondre de l'exactitude de ces chiffres.
La promenade dure environ une heure, y compris le délai nécessaire pour l'entrée et la sortie. Inutile de rappeler que chaque détenu est complètement seul dans son préau, qu'il peut lire et fumer, mais qu'il lui est interdit de chanter ou de tenter de se faire entendre de ses voisins du préau.
Ce que nous avons appelé le centre est occupé par une rotonde, à rez-de-chaussée et à premier étage. Ce premier étage a un nombre de larges ouvertures correspondant au nombre des préaux. Un surveillant en fait continuellement le tour à l'intérieur pendant toute la durée des promenades. Il domine ainsi tous les préaux, qui, bien entendu, sont à ciel ouvert, et pas un mouvement des détenus ne lui échappe.
Comme si cette précaution n'était pas suffisante, un autre surveillant tourne continuellement aussi autour de la circonférence extérieure, regardant les détenus à travers les grilles dont j'ai parlé.
Un troisième surveillant se trouve dans la rotonde du centre, au rez-de-chaussée, surveillant les portes et se tenant toujours prêt à ouvrir, au cas où les détenus auraient besoin de son ministère.
Lorsque vous arrivez au promenoir, on vous indique la porte du préau qui vous est échue en partage; il faut, aussitôt entré, tirer cette porte sur soi. Le surveillant vous invite en même temps à ne pas aller jusqu'à la grille du fond avant qu'il vous y ait autorisé. Ceci pour éviter qu'à travers cette grille vous ne puissiez apercevoir les détenus traversant la cour pour se rendre au promenoir.
Enfin, tous les prisonniers étant casés dans leur préau, le surveillant crie: Promenez-vous.
Vous êtes libres alors, soit de vérifier les chiffres que j'ai indiqués plus haut, soit, si vous êtes fatigué, de vous asseoir sur un bloc de pierre, qui se trouve auprès de la grille. Cette partie du préau est, en outre, recouverte d'un auvent, refuge en cas de pluie.
Dans un de ces préaux, je remarquai auprès de la porte une large trappe de fer. J'ai appris depuis que c'était l'ouverture des égouts qui rayonnent sous cette città dolente.
Une nuit, un détenu tenta de s'évader: il parvint à ouvrir le vasistas que j'ai dépeint dans la cellule, descella un barreau de fer et, se laissant glisser avec ses draps, vint descendre dans un préau où se trouvait une trappe semblable. Il l'ouvrit et se plongea résolument dans l'égout. Le malheureux avait de l'eau jusqu'aux épaules, et cette eau, immonde, était glacée. Il marcha cependant dans la direction de la Seine. L'espoir de la délivrance le soutenait. C'était un faux monnayeur condamné à dix ans de travaux forcés. Il aperçut enfin une lueur… c'était la Seine. Il était sauvé… il le croyait du moins. Mais l'ouverture de l'égout était fermée de solides barreaux de fer entrelacés. Tant de courage avait été inutile. Le misérable revint sur ses pas, à travers l'eau fangeuse. Il eut l'énergie de rentrer dans la prison, de grimper de nouveau jusqu'à sa cellule… Le lendemain, on le trouva épuisé, presque mourant.
Il avoua tout et fut condamné à deux ans d'emprisonnement pour tentative d'évasion.
II. LONDRES
L'année dernière, le nombre des incarcérations a été de 116 286 pour l'Angleterre et le pays de Galles, savoir: 1 336 à Newgate, 5 759 à Coldbathfields, 7 786 à Klerkenwell, 5 703 à Westminster, 1 469 à City-Prison, 2 329 à Horsemonger-Lane, 2 240 à Whitecross, 3 086 à Wandsworth et 33 à Queen's Prison.
Dont le nom signifie Porte-Neuve, est située sur l'emplacement de l'ancienne porte de la Cité. Elle a été bâtie en 1782. La façade a 300 pieds de longueur; la profondeur du bâtiment est de 192 pieds. Les murs sont en pierre, sans ouvertures ni ornements; ils ont 50 pieds de haut. Le nombre total des cellules est de 130, mesurant 13 pieds sur 7, et d'une hauteur de 9 pieds. Chaque cellule contient un hamac, une table pliante fixée contre le mur, un water-closet, un lavabo, un escabeau et des planches d'ardoise. Le hamac est retenu la nuit d'un côté à l'autre de la cellule, et, pendant la journée, on le replie. La fenêtre de chaque cellule a 3 pieds 6 pouces sur 2 pieds 6 pouces. Il n'y a pas de cheminées dans les cellules; mais la chaleur et la ventilation sont ménagées au moyen de conduites aboutissant dans les diverses parties du bâtiment. Au sous-sol se trouvent les cellules de punition, la salle de bains, le calorifère et les magasins.
La prison peut recevoir 192 prisonniers: le nombre moyen est chaque jour de 90.
Les frais nécessités par l'entretien de l'établissement et la garde des prisonniers sont d'environ 125 000 francs par an. Pour d'autres détails se reporter au chapitre Exécutions.
En réalité, les autres prisons de Londres ne présentent aucun caractère particulier, à l'exception de:
Cette prison reçoit les condamnés à l'emprisonnement de courte durée. Elle a été élevée en 1820.
L'entrée se trouve dans New-Bridge street. On se trouve d'abord dans une cour dont le diamètre est de 250 pieds, et laisse aux bâtiments de l'air et de la lumière. Aux quatre coins de cette cour sont la maison du gouverneur, celles du geôlier, de la matrone et les cuisines.
Les prisonniers sont généralement au nombre de 600: les prévenus sont séparés des condamnés, et la division entre les sexes est complète. Les femmes, après libération, sont placées, les unes en service, les autres dans divers ateliers. Les jeunes garçons entrent dans la marine royale, d'autres dans la marine marchande ou l'armée.
À la prison de Clerkenwell et dans plusieurs autres, se trouve le mill ou moulin de discipline.
C'est en grand