Lui, du moins, je le crois, parce que jadis il était homme. Tantôt il veut manger des anchois de Phalèron; je cours lui chercher des anchois dans une écuelle; tantôt il désire de la purée: il lui faut une cuillère et une marmite; je cours chercher la cuillère.
C'est un coureur que cet oiseau. Sais-tu ce qu'il te faut faire, Roitelet? Appelle-nous ton maître.
Mais, de par Zeus! il vient de s'endormir, après avoir mangé des baies de myrte et quelques moucherons.
Malgré cela, éveille-le!
Je suis sûr qu'il va se mettre en colère; mais, pour vous plaire, je l'éveillerai. (Il sort.)
Puisses-tu périr de malemort, toi qui as failli me tuer.
Ah! malheureux que je suis! mon geai s'est envolé de frayeur.
Tu es bien le plus lâche des animaux: ta frayeur a fait partir le geai.
Dis-moi, toi-même n'as-tu pas fait partir la corneille, en tombant?
Non pas, de par Zeus!
Où est-elle alors?
Elle s'est envolée.
Et tu ne l'as pas fait partir! O mon bon, comme tu es brave!
Ouvre l'huis, pour que je sorte.
Par Hèraklès! quel est cet animal? Quel plumage! Quel appendice de triple aigrette!
Quelles sont ces gens qui me cherchent?
Les douze dieux semblent t'avoir mis en piteux état.
Ne vous riez pas de moi en voyant mon plumage! Car, ô étrangers, autrefois j'étais homme.
Nous ne rions pas de toi.
Mais de quoi?
Ton bec nous paraît risible.
C'est pourtant comme cela que Sophoklès me traite indignement dans ses tragédies, moi Tèreus.
Tu es donc Tèreus? Simple oiseau ou paon?
Oiseau.
Où sont donc tes plumes?
Elles sont tombées.
Est-ce par suite de quelque maladie?
Non; mais, en hiver, tous les oiseaux muent, et nous reprenons ensuite d'autres plumes. Mais vous deux, dites-moi, qui êtes-vous?
Nous? Des mortels.
De quel pays?
De celui où sont les belles trières.
Êtes-vous hèliastes?
Absolument le contraire: antihèliastes.
On sème donc là-bas de cette graine?
Tu n'en recueillerais pas beaucoup en cherchant dans nos champs.
Quelles pressantes affaires vous ont fait venir ici?
Le désir de converser avec toi.
Et pourquoi?
Parce que, d'abord, tu as été homme comme nous, jadis; parce que tu as dû de l'argent, comme nous, jadis; parce que tu aimais à ne pas le rendre, comme nous, jadis. Puis, ayant changé ta nature en celle d'oiseau, tu as promené ton vol circulaire sur la terre et sur la mer. Et c'est la raison pour laquelle tu as l'intelligence de l'homme mêlée à celle de l'oiseau. Aussi sommes-nous venus ici tous deux vers toi te prier de nous dire s'il y a quelque cité de laine épaisse, comme une couverture moelleuse où l'on goûte le repos.
Alors tu cherches une ville plus grande que celle des fils de Kranaos?
Pas plus grande, mais qui nous convienne mieux.
Il est clair que tu cherches un gouvernement aristocratique.
Moi? Pas du tout: je déteste même le fils de Skellios.
Quelle ville habiteriez-vous donc le plus volontiers?
Celle où la plus grande affaire serait d'entendre à ma porte, dès le matin, quelque ami me dire: «Au nom de Zeus Olympien, présente-toi chez moi de bonne heure, toi et tes enfants, au sortir du bain: je dois donner un repas de noces; n'y manque pas surtout; autrement, ne mets jamais les pieds chez moi, quand je serai dans le malheur.»
De par Zeus! tu as la passion des grandes infortunes! Et toi?
J'ai une passion semblable, moi.
Et laquelle?
Celle d'une cité où, en me rencontrant, le père d'un joli garçon me dise d'un ton de reproche, comme offensé par moi: «Vraiment, Stilbonidès, en voilà une belle conduite! Tu rencontres mon fils revenant du bain et du gymnase, et pas un baiser, pas une parole, pas une caresse, pas un attouchement de toi, l'ami du père!»
Mon pauvre homme, pour quelles tristes choses tu te passionnes! Eh bien, il y a une ville heureuse, telle que vous le dites, sur les côtes de la mer Erythræa.
Malheur! Ne nous parle pas d'une ville maritime: un beau matin on y verrait aborder la Salaminienne amenant un huissier. As-tu une ville hellénique à nous proposer?
Pourquoi n'iriez-vous pas habiter Lépréon, en Élis?
Par les dieux! sans l'avoir vue, j'ai en horreur Lépréon, à cause de Mélanthios.
Il y a encore dans la Lokris la ville des Opontiens; vous pourriez y habiter.
Mais moi je ne voudrais pas être Opontien, pour un talent d'or. Et quelle est la vie qu'on mène chez les oiseaux? Tu dois le savoir parfaitement.
Pas désagréable à vivre: premièrement il faut s'y passer de bourse.
Vous avez ainsi retiré de la vie une grande source de fraudes.
Notre nourriture, cueillie dans les jardins, est le sésame blanc, le myrte, les pavots et la menthe.
Mais alors vous êtes en quête d'une vie de nouveaux mariés.
Hé! hé! J'entrevois un grand dessein pour la race des oiseaux: elle deviendrait puissante, si vous m'obéissiez.
Et comment t'obéirions-nous?
Comment vous m'obéiriez? Tout d'abord ne voltigez pas n'importe où, bec ouvert: c'est une habitude malséante. Chez nous quand il y a des gens volages, on dit: «Quel est cet oiseau?» Et Téléas répond: «C'est un homme sans équilibre, un oiseau qui vole, un être inconsidéré, qui ne saurait jamais rester en