cousin germain de madame de Miramion. Par lui, il obtint qu'elle lui permettrait d'avoir avec elle un entretien particulier. Bussy fut donc admis en présence de celle qui avait été l'objet d'un des plus étranges événements de sa vie, événement dont la mémoire, malgré le laps des années, n'avait cessé de lui être présente et douloureuse. Au lieu de cette jeune beauté au regard doux et mélancolique, à la taille svelte et légère, revêtue de soie et de dentelles, dont il avait été à Saint-Cloud le ravisseur, il vit une femme forte, grasse, la tête enveloppée d'une grande coiffe, couverte d'une simple robe de laine grise, avec une large collerette de batiste non plissée, tombant sur ses épaules
213, et sur sa poitrine une croix suspendue à une petite tresse de cheveux. C'étaient ceux de sa fille. Les yeux de madame de Miramion avaient encore conservé de l'éclat, et les agréments de son visage n'avaient pas entièrement disparu sous l'embonpoint d'un double menton; l'expression de ses traits, son maintien, son costume, tout en elle était dans une parfaite harmonie; tout contribuait à exprimer l'absence des passions, la modération dans les désirs, et cette satisfaction intérieure, ce bonheur tranquille et doux que procurent une conscience pure et la pratique des vertus. C'était dans toute sa personne un calme si profond, qu'il semblait que jamais aucune joie n'avait exalté son âme, qu'aucun chagrin n'avait contristé son cœur. Bussy en fut si singulièrement frappé, qu'il resta comme interdit à son aspect. Mais il fut bientôt rassuré par le ton bienveillant avec lequel elle lui dit de s'asseoir, et l'empressement qu'elle mit à le prier de lui faire connaître le motif qui l'amenait près d'elle. Après que Bussy eut donné le détail de son affaire et démontré, avec clarté et évidence, son bon droit, madame de Miramion lui répondit qu'elle lui promettait de parler à son gendre et de tâcher de le rendre favorable à sa cause. Le jugement suivit de près ses promesses, et Bussy gagna son procès.