BÉNÉDICK. – Le comte Claudio?
CLAUDIO. – Oui, lui-même.
BÉNÉDICK, ôtant son masque. – Voulez-vous me suivre? marchons.
CLAUDIO. – Où?
BÉNÉDICK. – Au pied du premier saule, comte, pour vos affaires. Comment voulez-vous porter la guirlande que nous tresserons? A votre cou comme la chaîne d'un usurier15, ou sous le bras comme l'écharpe d'un capitaine? Il faut la porter de façon ou d'autre, car le prince s'est emparé de votre Héro.
CLAUDIO. – Je lui souhaite beaucoup de bonheur avec elle.
BÉNÉDICK. – Vraiment vous parlez comme un honnête marchand de bétail; voilà comme ils vendent leurs boeufs. – Mais auriez-vous cru que le prince vous eût traité de cette manière?
CLAUDIO. – De grâce, laissez-moi.
BÉNÉDICK. – Oh! voilà que vous frappez comme un aveugle. C'est l'enfant qui vous a dérobé votre viande, et vous battez la borne16.
CLAUDIO. – Puisqu'il ne vous plaît pas de me laisser, je vous laisse, moi.
BÉNÉDICK. – Hélas! pauvre oiseau blessé, il va se glisser dans quelque haie. Mais… que Béatrice me connaisse si bien… et pourtant me connaisse si mal! Le bouffon du prince! Ah! il se pourrait bien qu'on me donnât ce titre, parce que je suis jovial. – Non, je suis sujet à me faire injure à moi-même; je ne passe point pour cela. C'est l'esprit méchant, envieux de Béatrice, qui se dit le monde, et me peint sous ces couleurs. Fort bien, je me vengerai de mon mieux.
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