Des sabres qu'au besoin ils sauraient avaler.
Il avait devine, dans le sang du debut, la boue du denouement. Il avait devine la chute de celui qu'il appelait deja Napoleon le Petit. L'histoire devait donner raison a la poesie, et le destin a la prediction.
Oui, comme une prediction terrible, les vers des Chatiments me revenaient au souvenir lorsque je parcourais le champ de bataille de Sedan, et j'etais tente de les trouver trop doux lorsque je voyais ces 400 canons, ces mitrailleuses, ces drapeaux qu'emportait l'ennemi, lorsque je regardais ces mamelons couverts de morts, ces soldats couches et entasses, vieux zouaves aux barbes rousses, jeunes Saint-Cyriens encore revetus du costume de l'Ecole, artilleurs foudroyes a cote de leurs pieces, conscrits tombes dans les fosses, et lorsque me revenaient ces vers de Victor Hugo sur les morts du 4 decembre, vers qui pourraient s'ecrire sur les cadavres du 2 septembre:
Tous, qui que vous fussiez, tete ardente, esprit sage,
Soit qu'en vos yeux brillat la jeunesse ou que l'age
Vous prit et vous courbat,
Que le destin pour vous fut deuil, enigme ou fete,
Vous aviez dans vos coeurs l'amour, cette tempete,
La douleur, ce combat.
Grace au quatre decembre, aujourd'hui, sans pensee,
Vous gisez etendus dans la fosse glacee
Sous les linceuls epais;
O morts, l'herbe sans bruit croit sur vos catacombes,
Dormez dans vos cercueils! taisez-vous dans vos tombes!
L'empire, c'est la paix.
Avec le neveu comme avec l'oncle: – l'empire, c'est l'invasion.
Il avait donc, encore un coup, devine, le grand poete, tout ce que l'empire nous reservait de lachetes et de catastrophes. Il etait le prophete alarme de cette chute qui n'a point d'egale dans l'histoire, de cette reddition dont une levre francaise ne peut parler sans fremir, il avait tout devine, et, devant le triomphe de l'abjection, sa colere pouvait passer pour excessive. Helas! le sort lui a donne raison, et les Chatiments restent le livre le plus eclatant, le fer rouge inoubliable, et ils consoleront la patrie de tant de honte, apres l'avoir vengee de tant d'infamie!
Maintenant, citoyens, tout cela est passe, tout cela doit etre oublie, tout cela doit etre efface! – Maintenant, ne songeons plus qu'a la vengeance, et, en depit des bruits d'armistice, songeons toujours a ces canons d'ou sortira la victoire. Grace a vous, nous en avons un aujourd'hui qui s'appellera Chateaudun et qui rappellera la memoire de cette heroique cite, si chere a tout coeur francais et a tout coeur republicain. Mais laissez-moi esperer encore que, grace a vous, bientot nous en pourrons avoir un second, et, cette fois, nous lui donnerons un autre nom, si vous voulez bien. Apres Chateaudun, qui veut dire douleur et sacrifice, notre canon futur signifiera revanche et victoire et s'appellera d'un grand nom, d'un beau nom, – le Chatiment.
Puis, les desastres venges, la patrie refaite, la France regeneree, la France reconquise, arrachee a l'etranger, sauvee et lavee de ses souillures, alors nous reprendrons notre oeuvre de fraternite apres avoir fait notre devoir de patriotes, et nous pourrons ecrire fierement, nous, et sans mensonge:
La republique, c'est la paix!
Proces-verbal de la seance du 7 novembre. M. Charles Valois, membre de la commission speciale, rend compte de la recette produite par l'audition des Chatiments a la Porte-Saint-Martin.
Recette et quete: 7,577 fr. 50 c.; frais: 577 fr.
Il n'a ete preleve sur la recette que les frais rigoureusement exigibles, pompiers, ouvreuses, eclairage, chauffage.
La commission speciale annonce qu'elle a demande a M. Victor Hugo l'autorisation de donner une deuxieme audition des Chatiments, dans le meme but national et patriotique. M. Paul Meurice apporte au comite l'autorisation de M. Victor Hugo.
DEUXIEME AUDITION DES Chatiments AU THEATRE DE LA PORTE-SAINT-MARTIN
13 novembre
La note et le programme suivants ont ete publies par les journaux et distribues au public:
"L'effet produit par la premiere audition des Chatiments de Victor Hugo a ete si grand, qu'une seconde seance est demandee a la Societe des gens de lettres.
"Le comite a repondu a cet appel."La nouvelle audition, dont le produit donnera un autre canon a la defense nationale:
aura lieu dimanche prochain, 13 novembre, a 7 heures 1/2 precises, au theatre de la Porte-Saint-Martin."
Notre deuxieme canon M. EUGENE MULLER.
Ultima Verba M. TAILLADE.
Jersey Mlle LIA FELIX.
Hymne des Transportes M. LAFONTAINE.
Aux femmes Mlle ROUSSEIL.
Jericho M. CHARLY.
Le Manteau imperial Mme MARIE-LAURENT.
Souvenir de la nuit du 4 M. FREDERICK-LEMAITRE.
L'Expiation M. BERTON.
Chansons Mme V. LAFONTAINE.
Orientale M. LACRESSONNIERE.
Pauline Rolland Mlle PERIGA.
Paroles d'un conservateur M. COQUELIN.
Stella Mlle FAVART.
Au moment de rentrer en France M. MAUBANT.
Proces-verbal de la seance du 14 novembre
Rapport de M. Charles Valois sur le resultat de la deuxieme audition des Chatiments.
Recette et quete, 8,281 fr. 90 c.; frais, 892 fr. 30 c.
Le produit net, 7,389 fr., ajoute a celui du 6 novembre, forme pour les deux auditions un total de 14,272 fr. 50 c.
Une commission est nommee pour aller officiellement remercier M.
Victor Hugo.
TROISIEME AUDITION DES Chatiments
Seance du 17 novembre
La Societe des gens de lettres demande a M. Victor Hugo, par l'intermediaire de son Comite, une troisieme audition des Chatiments. M. Victor Hugo repond:
Mes chers confreres, donnons-la au peuple cette troisieme lecture des Chatiments, donnons-la-lui gratuitement; donnons-la-lui dans la vieille salle royale et imperiale, dans la salle de l'Opera, que nous eleverons a la dignite de salle populaire. On fera la quete dans des casques prussiens, et le cuivre des gros sous du peuple de Paris fera un excellent bronze pour nos canons contre la Prusse.
Votre confrere et votre ami,
"La Societe des gens de lettres, d'accord avec M. Victor Hugo, organise pour lundi 28 novembre, a une heure, dans la salle de l'Opera, une audition des Chatiments, a laquelle ne seront admis que des spectateurs non payants.
"Sans nul doute la foule s'empressera d'assister a cette solennite populaire offerte par l'illustre poete, avec l'autorisation du ministre qui dispose du theatre de l'Opera.
"Cette