– Non, mon pauvre Caillaud, ça te ferait perdre ton emploi, ou tout au moins tu passerais pour un capon et une poule mouillée. Puisque tu as eu le cœur d'accepter ta commission, il faut aller jusqu'au bout. Je vois bien qu'on t'a menacé, qu'on t'a forcé la main; ça m'étonne bien que M. Jarige ait pu se décider à me faire ce tort-là.
– Mais ça n'est plus M. Jarige qui est maire; c'est M. Cardonnet.
– Alors, j'entends, et ça me donne envie de te battre pour t'apprendre à n'avoir pas donné ta démission tout de suite.
– Vous avez raison, père Jean, dit Caillaud navré, je m'en vais la donner; c'est le mieux. Allez vous-en!
– Qu'il s'en aille! et toi … garde ta place, dit Émile Cardonnet sortant de derrière un buisson. Tiens, mon camarade, tombe, puisque tu veux tomber, ajouta-t-il en lui passant adroitement la jambe à la manière des écoliers, et si l'on te demande qui est l'auteur de ce guet-apens, tu diras à mon père que c'est son fils.
– Ah! la farce est bonne, dit Caillaud en se frottant le genou, et si votre papa vous fait mettre en prison, ça ne me regarde pas. Vous m'avez fait tomber un peu durement, pas moins, et j'aurais autant aimé que ça se fût trouvé sur l'herbe. Eh bien! est-il parti ce vieux fou de Jean?
– Pas encore, dit Jean qui avait gravi une éminence, et qui se tenait à portée de prendre les devants. Merci, monsieur Émile, je n'oublierai pas, car je me serais soumis à mon sort, si la loi seule s'en était mêlée; mais, depuis que je sais que c'est une trahison de votre père, j'aimerais mieux me jeter dans la rivière la tête en avant, que de céder à un homme si méchant et si faux. Quant à vous, vous méritiez de sortir d'une meilleure souche; vous avez du cœur, et aussi longtemps que je vivrai …
– Va-t'en, répondit Émile en s'approchant de lui, et garde-toi bien de me parler mal de mon père. J'ai bien des choses à te dire, moi, mais ce n'est pas le moment. Veux-tu être à Châteaubrun demain soir?
– Oui, Monsieur. Prenez des précautions pour ne pas vous faire suivre, et ne me demandez pas trop haut à la porte. Allons, grâce à vous, j'ai encore les étoiles sur la tête, et je n'en suis pas mécontent.»
Il partit comme un trait; et Émile, en se retournant, vit Caillaud couché tout de son long par terre, comme s'il se fût évanoui.
«Eh bien? qu'y a-t-il? lui demanda le jeune homme effrayé; vous aurais-je blessé réellement? souffrez-vous?
– Ça ne va pas mal, Monsieur, répondit le rusé villageois; mais vous voyez bien qu'il faut que quelqu'un vienne me relever, pour que j'aie l'air d'avoir été battu.
– C'est inutile, je me charge de tout, dit Émile. Lève-toi, et va-t'en dire à mon père que je me suis opposé de force ouverte à l'arrestation de Jean. Je te suis de près, et le reste est mon affaire.
– Au contraire, Monsieur, passez le premier. Il faut que je m'en aille en clopant; car si je me mets à courir pour raconter que vous m'avez cassé les deux jambes, et que j'ai supporté ça patiemment, votre papa ne me croira pas, et je serai destitué.
– Donne-moi le bras, appuie-toi sur moi, et nous arriverons ensemble, dit
Émile.
– C'est ça, Monsieur. Aidez-moi un peu. Pas si vite! Diable! j'ai le corps tout brisé.
– Tout de bon? mais j'en serais désespéré, mon camarade.
– Eh non, Monsieur, ça n'est rien du tout: mais c'est comme ça qu'il faut dire.
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