La San-Felice, Tome 03. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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danger, puisqu'il a été blessé presque mortellement à cette porte. Enfin, continua Giovannina avec une imperceptible altération dans la voix, comme la prédiction devait s'accomplir et s'accomplira probablement en tout point, enfin, madame l'aime.

      – Que dis-tu là? fit Michele. Tais-toi donc!

      Giovannina regarda autour d'elle.

      – Est-ce que quelqu'un nous écoute? demanda-t-elle. – Non. – Eh bien, continua Giovannina, qu'importe, alors? N'es-tu pas dévoué à ta soeur de lait comme je le suis à ma maîtresse?

      – Si fait, et à la vie à la mort! elle peut s'en vanter.

      – En ce cas, elle aura probablement besoin un jour de toi, comme elle a déjà besoin de moi. Que crois-tu que je fais à cette porte?

      – Tu me l'as dit, tu regardes en l'air.

      – N'as-tu pas rencontré le chevalier San-Felice sur ta route?

      – A la hauteur de Pie-di-Grotta? Oui.

      – J'étais là pour voir s'il ne revenait point sur ses pas, comme il l'a fait hier.

      – Comment! il est revenu sur ses pas? Se douterait-il de quelque chose?

      – Lui? Pauvre cher seigneur! il croirait plutôt ce qu'il ne voulait pas croire l'autre jour, que la terre est un morceau détaché du soleil, un jour qu'une comète s'est heurtée contre, que de croire que sa femme le trompe; d'ailleurs, elle ne le trompe pas!.. ou du moins pas encore: elle aime le seigneur Salvato, voilà tout; mais il n'est pas moins vrai que, s'il eût demandé madame, j'eusse été fort embarrassée, car elle est déjà près de son cher blessé, qu'elle ne quitte ni jour ni nuit.

      – Alors, elle t'a dit de venir t'assurer que le chevalier San-Felice continuait bien aujourd'hui son chemin vers le palais royal?

      – Oh! non, Dieu merci! madame n'en est pas encore là; mais cela viendra, sois tranquille. Non, je la voyais inquiète, allant, venant, regardant du côté du corridor, puis du côté du jardin, mourant d'envie de se mettre à la fenêtre, mais n'osant. Je lui ai dit alors: «Est-ce que madame ne va pas voir si M. Salvato n'a pas besoin d'elle, depuis deux heures du matin qu'elle l'a quitté? – Je n'ose, ma chère Nina, a-t-elle répondu; j'ai peur que mon mari, comme hier, n'ait oublié quelque chose, et tu sais que le docteur Cirillo a dit qu'il était de la plus haute importance que mon mari ignorât la présence de ce jeune homme chez la princesse Fusco. – Oh! qu'à cela ne tienne, madame, lui ai-je répondu, je puis surveiller la rue, et, si M. le chevalier, par hasard, revenait comme hier, du plus loin que je l'apercevrais, j'accourrais le dire à madame. – Ah! ma bonne petite Nina, a-t-elle répliqué, tu serais assez gentille pour cela? – Certainement, lui ai-je répondu, madame; cela me fera même du bien, j'ai besoin d'air.» Et je suis venue me planter en sentinelle à cette porte, où j'ai le plaisir de faire la conversation avec toi, tandis que madame a celui de faire la conversation avec son blessé.

      Michele regarda Giovannina avec un certain étonnement; il y avait quelque chose d'amer dans les paroles et de strident dans la voix de la jeune fille.

      – Et lui, demanda-t-il, le jeune homme, le blessé?

      – J'entends bien.

      – Est-il amoureux d'elle?

      – Lui? Je crois bien! Il la dévore des yeux. Aussitôt qu'elle quitte la chambre, ses paupières se ferment comme s'il n'avait plus besoin de rien voir, pas même le jour. Le médecin, M. Cirillo, celui qui défend que les maris sachent que leurs femmes soignent de beaux jeunes gens blessés, M. Cirillo à beau lui défendre de parler, M. Cirillo a beau lui dire que, s'il parle, il risque de se rompre quelque chose dans le poumon, ah! pour cela, on ne lui obéit pas comme pour l'autre chose. A peine sont-ils seuls, qu'ils se mettent à parler sans s'arrêter une minute.

      – Et de quoi parlent-ils?

      – Je n'en sais rien.

      – Comment! tu n'en sais rien? Ils t'éloignent donc?

      – Non, tout au contraire, madame presque toujours me fait signe de rester.

      – Ils parlent tout bas, alors?

      – Non, ils parlent tout haut, mais anglais ou français. Le chevalier est un homme de précaution, ajouta Nina avec un petit rire saccadé; il a appris deux langues étrangères à sa femme, afin qu'elle pût librement parler de ses affaires avec les étrangers et que les gens de la maison n'y comprissent rien; aussi, madame en use.

      – J'étais venu pour voir Luisa, dit Michele; mais d'après ce que tu me dis, je la dérangerais probablement; je me contenterai donc de souhaiter que toutes choses tournent mieux pour elle et pour moi que ne l'a prédit Nanno.

      – Non pas, tu resteras, Michele; la dernière fois que tu es venu, elle m'a grondé de t'avoir laissé partir sans la voir; il paraît que le blessé, lui aussi, veut te remercier.

      – Ma foi! je ne serais pas fâché de lui dire deux mots de compliments de mon côté; c'est un rude gaillard, et le beccaïo sait ce que pèse son bras.

      – Alors, entrons, et, comme il n'y a plus de danger que le chevalier revienne, je vais prévenir madame que tu es là.

      – Tu m'assures que ma visite ne la contrariera point?

      – Je te dis qu'elle lui fera plaisir.

      – Alors, entrons.

      Et les deux jeunes gens disparurent dans le jardin pour reparaître bientôt au haut du perron et disparaître de nouveau dans la maison.

      Comme l'avait dit Nina, depuis une demi-heure déjà, à peu près, sa maîtresse était entrée dans la chambre du blessé.

      De sept heures du matin, heure à laquelle elle se levait, jusqu'à dix heures, heure à laquelle son mari quittait la maison, quoique Luisa ne cessât point un instant d'avoir le malade présent à sa pensée, elle n'osait lui faire aucune visite, ce temps étant complétement consacré à ces soins du ménage que nous l'avons vue négliger le jour de la visite de Cirillo, et qu'elle avait jugé imprudent de ne pas reprendre depuis; en échange, elle ne quittait plus Salvato une minute de dix heures du matin à deux heures de l'après-midi, moment où, on se le rappelle, son mari avait l'habitude de rentrer; après dîner, vers quatre heures, le chevalier San-Felice passait dans son cabinet et y demeurait une heure ou deux.

      Pendant une heure au moins, Luisa tranquille, et sous prétexte de changer quelque chose à sa toilette, était censée demeurer, elle aussi, dans sa chambre; mais, légère comme un oiseau, elle était toujours dans le corridor et trouvait moyen de faire trois ou quatre visites au blessé, lui recommandant, à chacune de ces visites, le repos et la tranquillité; puis, de sept à dix heures, moment des visites ou de la promenade, elle abandonnait de nouveau Salvato, qui restait sous la garde de Nina et qu'elle venait retrouver vers onze heures, c'est-à-dire aussitôt que son mari était rentré dans sa chambre; elle restait jusqu'à deux heures du matin à son chevet; à deux heures du matin, elle passait chez elle, d'où elle ne sortait plus qu'à sept heures, comme nous l'avons dit.

      Tout s'était passé ainsi et sans la moindre variation depuis le jour de la première visite de Cirillo, c'est-à-dire depuis neuf jours.

      Quoique Salvato attendît avec une impatience toujours nouvelle le moment où apparaissait Luisa, il semblait, ce jour-là, les yeux fixés sur la pendule, attendre la jeune femme avec une impatience plus grande que jamais.

      Si léger que fût le pas de la belle visiteuse, l'oreille du blessé était si accoutumée à reconnaître ce pas et surtout la manière dont Luisa ouvrait la porte de communication, qu'au premier craquement de cette porte et au premier froissement d'une certaine pantoufle de satin sur le carreau, le sourire, absent de ses lèvres depuis le départ de Luisa, revenait entr'ouvrir ses lèvres, et ses yeux se tournaient vers cette porte et s'y arrêtaient avec la même fixité que la boussole sur l'étoile du nord.

      Luisa parut enfin.

      – Oh! lui dit-il, vous voilà donc! Je tremblais que, craignant quelque retour inattendu comme celui d'hier, vous ne vinssiez