Le magasin d'antiquités, Tome II. Чарльз Диккенс. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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de cendres chaudes; rien de mieux.»

      Sans attendre une réponse qu'il lisait d'ailleurs dans leurs regards, il prit Nell dans ses bras, et invita le vieillard à le suivre.

      La portant avec autant de précaution et de facilité que si elle avait été un tout petit enfant, et montrant lui-même non moins de légèreté que de solidité dans son pas, il les conduisit à travers des bâtiments qui semblaient la partie la plus misérable et la plus délabrée de la ville, sans se détourner pour éviter les trous pleins d'eau ou les dégorgeoirs inondés, précipitant sa course, malgré ces obstacles parmi lesquels il s'avançait tout droit. Ils marchèrent ainsi en silence durant un quart d'heure; et ils avaient perdu de vue la lueur que l'homme avait indiquée, dans les sombres et étroites ruelles qu'ils avaient dû suivre, quand cette lueur leur apparut de nouveau, s'échappant de la haute cheminée d'un bâtiment qui s'élevait devant eux.

      «Nous voilà arrivés, dit l'homme s'arrêtant devant une porte pour mettre Nelly à terre et lui prendre la main. N'ayez pas peur; il n'y a ici personne qui puisse vous faire du mal.»

      Il fallait que l'enfant et son grand-père ajoutassent une grande confiance à cette assurance pour se déterminer à entrer, et ce qu'ils virent à l'intérieur n'était certes pas de nature à diminuer leurs appréhensions et leurs alarmes.

      C'était un vaste et haut bâtiment soutenu par des piliers de fer, avec de grandes ouvertures noires au haut des murs par lesquelles pénétrait l'air extérieur. Jusqu'au toit retentissait l'écho du battement des marteaux et du mugissement des machines, mêlé au sifflement du fer rouge qu'on plongeait dans l'eau et à mille bruits étranges qu'on ne pouvait entendre que là. En ce lieu ténébreux, une quantité d'hommes, s'agitant comme des démons au sein de la flamme et de la fumée, à travers un voile obscur et nébuleux, avec la coloration ardente et sauvage que leur donnaient les feux embrasés, portaient d'énormes morceaux de métal dont un seul coup mal dirigé eût suffi pour briser le crâne d'un ouvrier; on aurait dit des géants au travail. D'autres, se reposant sur des tas de charbon ou de cendres, avec leur visage tourné vers la noire voûte, dormaient ou se délassaient de leur tâche. D'autres, ouvrant les portes des fournaises chauffées à blanc, jetaient du combustible sur les flammes qui s'élançaient en sifflant pour le recevoir et qui le lapaient comme de l'huile. D'autres enfin retiraient, avec un bruit retentissant sur le sol, de grandes barres d'acier bouillant qui rendaient une chaleur insupportable et projetaient une sorte de réverbération à la fois sombre et vive, comme celle qui s'échappe de la prunelle des bêtes fauves.

      À travers ces objets extraordinaires et ces rumeurs assourdissantes, leur guide conduisit Nell et le vieillard jusqu'à un endroit plus reculé où une fournaise brûlait nuit et jour, ce qu'ils comprirent du moins au mouvement de ses lèvres, car ils ne pouvaient que le voir parler, sans l'entendre. L'homme qui avait veillé sur le feu et dont la besogne était terminée pour le moment, se retira d'un air satisfait et laissa les voyageurs avec leur ami. Celui-ci étendit le petit manteau de Nell sur un tas de cendres, et indiquant à l'enfant où elle pourrait pendre ses vêtements extérieurs pour les faire sécher, il l'invita, ainsi que le vieillard, à se coucher pour dormir. Quant à lui, il prit place sur une natte usée devant la porte de la fournaise, et, le menton appuyé sur ses mains, il se mit à veiller sur la flamme qui brillait à travers les crevasses du fer et sur les cendres blanches qui tombaient au-dessous dans leur tombeau ardent.

      La chaleur de son lit, tout dur et tout grossier qu'il était, jointe à la grande fatigue que Nelly avait éprouvée, fit bientôt que, pour les oreilles de l'enfant, le tapage de l'usine dégénéra en un bruit plus doux, et que la pauvre petite ne fut pas longtemps avant de ressentir un appel au sommeil. Près d'elle était étendu le vieillard, et elle s'endormit ayant sa main appuyée sur le cou de son grand-père.

      Cependant, lorsqu'elle s'éveilla, il était nuit encore, et elle ne put savoir si son sommeil avait été de longue ou courte durée. Mais elle trouva qu'elle était garantie, par quelques vêtements appartenant à des ouvriers, à la fois contre l'air froid qui eût pu s'introduire dans le bâtiment et contre la chaleur excessive. Regardant leur ami, elle remarqua qu'il était assis exactement dans la même attitude qu'auparavant, les yeux fixés sur le feu avec la même attention invariable, et conservant une telle immobilité, qu'il ne semblait pas respirer. Nelly resta dans cet état d'incertitude entre le sommeil et la veille, continuant si longtemps à contempler la figure inerte de cet homme, qu'enfin elle éprouva au plus haut degré la crainte qu'il ne fût mort à cette place même. Elle se leva donc, s'approcha doucement de lui et s'aventura à lui murmurer quelques mots à l'oreille.

      Il fit un mouvement, promena son regard de Nelly à la place qu'elle avait occupée précédemment, comme pour s'assurer que c'était bien réellement l'enfant qu'il retrouvait si près de lui, et interrogea l'expression des traits de Nelly.

      «Je craignais que vous ne fussiez malade, dit-elle. Les autres hommes ici sont tous en action, et vous seul vous êtes si tranquille!..

      – Ils me laissent à moi-même, répondit-il. Ils connaissent mon caractère. Parfois ils me plaisantent, mais ils ne me tourmentent pas à cet égard. Voyez-vous là-haut, voilà mon ami à moi.

      – Le feu? dit l'enfant.

      – Il a vécu autant que moi. Nous parlons, nous pensons ensemble durant toute la nuit.»

      L'enfant le regarda vivement avec surprise; mais l'homme avait tourné les yeux dans leur direction première, et repris sa méditation.

      «C'est mon livre, le seul livre où j'aie jamais lu; il me raconte plus d'une vieille histoire. C'est ma musique, car je reconnaîtrais sa voix entre mille, quoiqu'il y ait bien des voix diverses dans son rugissement. Il a aussi ses tableaux variés. Vous ne pouvez savoir combien de dessins étranges, combien de scènes différentes je me retrace dans les charbons tout rouges. Ce feu, c'est ma mémoire, j'y trouve toute ma vie.»

      Penchée en avant pour le mieux écouter, Nelly ne put s'empêcher de remarquer combien, tandis qu'il parlait et méditait, ses yeux avaient d'animation.

      «Oui, reprit-il avec un sourire plein de douceur, ce feu était le même quand je n'étais encore qu'un tout petit enfant, et je rampais vers lui jusqu'au moment où je m'endormais. Alors c'était mon père qui le surveillait.

      – N'aviez-vous pas de mère?

      – Non, elle était morte. Les femmes travaillent dur dans notre condition. Elle est morte à la peine, à ce qu'on m'a dit, et le feu m'en parle toujours. Je crois bien que c'est vrai. Je n'en ai jamais douté.

      – Vous avez donc été élevé ici?

      – Été comme hiver. Secrètement d'abord; mais quand on le sut, on permit à mon père de m'y garder. Ainsi c'est le feu qui a bercé mon enfance, le même feu. Il n'a jamais cessé.

      – Et vous l'aimiez?

      – Naturellement. Mon père est mort devant. Je le vis tomber, juste à cet endroit où ces cendres se consument maintenant, et je me demandais avec étonnement, oh! je m'en souviens bien, comment le feu n'était pas venu au secours de son vieil ami.

      – Depuis ce temps, êtes-vous toujours resté ici?

      – Depuis, je suis toujours venu veiller sur le feu; mais il y avait loin, et il faisait un rude froid en chemin. Ça ne l'empêchait pas de brûler tout de même et de sauter et de gambader, à mon retour, comme moi, dans mes jours de fête. Vous pouvez deviner, en me regardant, quelle sorte d'enfant j'étais alors; et lorsque cette nuit je vous ai vue dans la rue, vous m'avez remis dans l'esprit ce que j'étais après la mort du père: c'est là ce qui m'a donné l'idée de vous conduire devant le vieux feu. J'ai pensé encore à tout cet ancien temps en vous voyant dormir ici. Vous pouvez dormir encore. Recouchez-vous, pauvre enfant, recouchez-vous.»

      En achevant ces paroles, il mena Nelly jusqu'à son lit grossier, et l'ayant couverte avec les vêtements dont elle s'était, à son réveil, trouvée enveloppée, il retourna à sa place d'où il ne bougea point, si ce n'est pour alimenter le brasier, restant d'ailleurs immobile comme une statue. L'enfant continua de le contempler pendant quelque temps; mais bientôt elle céda à l'assoupissement