David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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qualités-là faisaient passer par-dessus bien des choses.

      Il y avait pourtant un revers à la médaille; bien souvent le soir je tombais de sommeil, ou bien j'étais ennuyé et peu disposé à reprendre mon récit, et alors c'était bien pénible; mais il fallait pourtant le faire, car de désappointer Steerforth au risque de lui déplaire, il n'en pouvait pas être question. Le matin aussi, quand j'étais fatigué et que j'avais grande envie de dormir encore une heure, je trouvais très-peu divertissant d'être réveillé en sursaut comme la sultane Schéhérazade, et contraint à raconter une longue histoire avant que la cloche se mît à sonner; mais Steerforth tenait bon; et comme, en revanche, il m'expliquait mes problèmes et mes versions, et qu'il m'aidait à faire ce qui me donnait trop de peine, je ne perdais pas sur ce marché. Qu'il me soit permis cependant de me rendre justice. Ce n'était ni l'intérêt personnel, ni l'égoïsme, ni la crainte qui me faisaient agir ainsi; je l'aimais et je l'admirais, son approbation me payait de tout. J'y attachais un tel prix que j'ai le coeur serré aujourd'hui en me rappelant ces enfantillages.

      Steerforth ne manquait pas non plus de prudence et, une fois entre autres, il la déploya avec une persistance qui dut, je crois, faire venir un peu l'eau à la bouche au pauvre Traddles et à mes autres camarades. La lettre que m'avait annoncée Peggotty, et quelle lettre! m'arriva au bout de quelques semaines, et elle était accompagnée d'un gâteau enfoui au milieu d'une provision d'oranges, et de deux bouteilles de vin de primevère. Je m'empressai, comme de raison, d'aller mettre ces trésors aux pieds de Steerforth, en le priant de se charger de la distribution.

      «Écoutez-moi bien, Copperfield, dit-il, nous garderons le vin pour vous humecter le gosier quand vous me raconterez des histoires.»

      Je rougis à cette idée, et dans ma modestie, je le conjurai de n'y pas songer. Mais il me dit qu'il avait remarqué que j'étais souvent un peu enroué, ou, comme il disait, que j'avais des chats dans la gorge et que ma liqueur serait employée jusqu'à la dernière goutte à me rafraîchir le gosier. En conséquence, il l'enferma dans une caisse qui lui appartenait; il en mit une portion dans une fiole, et de temps à autre, lorsqu'il jugeait que j'avais besoin de me restaurer, il m'en administrait quelques gouttes au moyen d'un chalumeau de plume. Parfois, dans le but de rendre le remède encore plus efficace, il avait la bonté d'y ajouter un peu de jus d'orange ou de gingembre, ou d'y faire fondre de la muscade; je ne puis pas dire que la saveur en devint plus agréable, ni que cette boisson fût précisément stomachique à prendre le soir en se couchant ou le matin en se réveillant, mais ce que je puis dire c'est que je l'avalais avec la plus vive reconnaissance pour les soins dont me comblait Steerforth.

      Peregrine nous prit, à ce qu'il me semble, des mois à raconter; les autres contes plus longtemps encore. Si l'institution s'ennuyait, ce n'était toujours pas faute d'histoires, et la liqueur dura presque aussi longtemps que mes récits. Le pauvre Traddles (je ne puis jamais songer à lui sans avoir à la fois une étrange envie de rire et de pleurer), remplissait le rôle des choeurs dans les tragédies antiques; tantôt il affectait de se tordre de rire dans les endroits comiques; tantôt, lorsqu'il arrivait quelque événement effrayant, il semblait saisi d'une mortelle épouvante. Cela me troublait même très-souvent au milieu de mes narrations. Je me souviens qu'une de ses plaisanteries favorites, c'était de faire semblant de ne pouvoir s'empêcher de claquer des dents lorsque je parlais d'un alguazil en racontant les aventures de Gil Blas; et le jour où Gil Blas rencontra dans les rues de Madrid le capitaine des voleurs, ce malheureux Traddles poussa de tels cris de terreur que M. Creakle l'entendit, en rôdant dans notre corridor, et le fouetta d'importance pour lui apprendre à se mieux conduire au dortoir.

      Rien n'était plus propre à développer en moi une imagination naturellement rêveuse et romanesque, que ces histoires racontées dans une profonde obscurité, et sous ce rapport je doute que cette habitude m'ait été fort salutaire. Mais, en me voyant choyé dans notre dortoir comme un joujou récréatif, et en songeant au renom que m'avait fait et au relief que me donnait mon talent de narrateur parmi mes camarades, bien que je fusse le plus jeune, le sentiment de mon importance me stimulait infiniment.

      Dans une pension où règne une cruauté barbare, quelque soit le mérite de son directeur, il n'y a pas de danger qu'on apprenne grand'chose. En masse, les élèves de Salem-House ne savaient absolument rien; ils étaient trop tourmentés et trop battus pour pouvoir apprendre quelque chose; peut-on jamais rien faire au milieu d'une vie perpétuellement agitée et malheureuse? Mais ma petite vanité, aidée des conseils de Steerforth, me poussait à m'instruire, et si elle ne m'épargnait pas grand'chose en fait de punition, du moins elle me faisait un peu sortir de la paresse universelle, et je finissais par attraper au vol par-ci par-là quelques bribes d'instruction.

      En cela j'étais soutenu par M. Mell, qui avait pour moi une affection dont je me souviens avec reconnaissance. J'étais fâché de voir que Steerforth le traitait avec un dédain systématique, et ne perdait jamais une occasion de blesser ses sentiments, ou de pousser les autres à le faire. Cela m'était d'autant plus pénible que j'avais confié à Steerforth que M. Mell m'avait mené voir deux vieilles femmes; il m'aurait été aussi impossible de lui cacher un pareil secret que de ne pas partager avec lui un gâteau ou toute autre douceur; mais j'avais toujours peur que Steerforth ne se servit de cette révélation pour tourmenter M. Mell.

      Pauvre M. Mell! Nous ne nous doutions guère, ni l'un ni l'autre, le jour ou j'allai déjeuner dans cette maison, et faire un somme à l'ombre des plumes de paon, au son de la flûte, du mal que causerait plus tard cette visite insignifiante à l'hospice de sa mère. Mais on en verra plus tard les résultats imprévus; et, dans leur genre, ils ne manquèrent pas de gravité.

      Un jour, M. Creakle garda la chambre pour indisposition: la joie fut grande parmi nous, et l'étude du matin singulièrement agitée. Dans notre satisfaction, nous étions difficiles à mener, et le terrible Tungby eut beau paraître deux ou trois fois, il eut beau noter les noms des principaux coupables, personne n'y prit garde; on était bien sûr d'être puni le lendemain, quoi qu'on pût faire, et mieux valait se divertir en attendant.

      C'était un jour de demi-congé, un samedi. Mais comme nous aurions dérangé M. Creakle en jouant dans la cour, et qu'il ne faisait pas assez beau pour qu'on pût aller en promenade, on nous fit rester à l'étude pendant l'après-midi; on nous donna seulement des devoirs plus courts que de coutume. C'était le samedi que M. Sharp allait faire friser sa perruque. M. Mell avait alors le privilège d'être chargé des corvées, c'est lui qui nous faisait travailler ce jour- là.

      S'il m'était possible de comparer un être aussi paisible que M. Mell à un ours ou à un taureau, je dirais que ce jour-là, au milieu du tapage inexprimable de la classe, il ressemblait à un de ces quadrupèdes assailli par un millier de chiens. Je le vois encore, appuyant sur ses mains osseuses sa tête à moitié brisée; s'efforçant en vain de poursuivre son aride labeur, au milieu d'un vacarme qui aurait rendu fou jusqu'au président de la chambre des Communes. Une partie des élèves jouaient à colin-maillard dans un coin; il y en avait qui chantaient, qui parlaient, qui dansaient, qui hurlaient: les uns faisaient des glissades, les autres sautaient en rond autour de lui; on faisait cinquante grimaces; on se moquait de lui devant ses yeux et derrière son dos; on parodiait sa pauvreté, ses bottes, son habit, sa mère, toute sa personne enfin, même ce qu'on aurait dû le plus respecter.

      «Silence! cria M. Mell en se levant tout à coup, et en frappant sur son pupitre avec le livre qu'il tenait à la main. Qu'est-ce que cela veut dire? Ça n'est pas tolérable. Il y a de quoi devenir fou. Pourquoi vous conduisez-vous ainsi envers moi, messieurs?»

      C'était mon livre qu'il tenait en ce moment; j'étais debout à côté de lui; lorsqu'il promena ses yeux autour de la chambre, je vis tous les élèves s'arrêter subitement, les uns un peu effrayés, les autres peut-être repentants.

      La place de Steerforth était au bout de la longue salle. Il était appuyé contre le mur, l'air indifférent, les mains dans les poches; toutes les fois que M. Mell jetait les yeux sur lui, il faisait mine de siffler.

      «Silence, monsieur Steerforth! dit M. Mell.

      – Silence vous-même, dit Steerforth en devenant très-rouge, à qui parlez-vous?

      – Asseyez-vous, dit M. Mell.

      – Asseyez-vous