Isidora. Жорж Санд. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Жорж Санд
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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et de propreté. La curiosité aura peut-être décidé la dame à examiner mon style, quand elle aura pu se satisfaire sans déroger à la prudence. Quand ce ne serait que pour rire d'un sot amoureux, plaisir dont les femmes, dit-on, sont friandes! Espérons! Pourtant je ne vois rien venir depuis hier. Mon pauvre voisin! je ne te laisserai pas chasser, quand même je devrais mettre mon Origène ou mon Bayle en gage.

      Mais aussi quelle idée saugrenue m'a donc passé par la tête, d'écrire à la femme plutôt qu'au mari? Je l'ai fait sans réflexion, sans me rappeler que le mari est le chef de la communauté, c'est-à-dire le maître, et que la femme n'a ni le droit, ni le pouvoir de faire l'aumône. Eh! c'est précisément cela qui m'aura poussé, sans que j'en aie eu conscience, à faire appel au bon coeur de la femme!

      CAHIER № 1. TRAVAIL

      L'éducation pourrait amener de tels résultats, que les aptitudes de l'un et de l'autre sexe fussent complètement modifiées.

      CAHIER № 2. JOURNAL

      J'ai été interrompu par l'arrivée d'un joli enfant de douze ou quatorze ans, équipé en jockey.

      – Monsieur, m'a-t-il dit, je viens de la part de madame pour vous dire bien des choses.

      – Bien des choses? Assieds-toi là, mon enfant, et parle.

      – Oh! je ne me permettrai pas de m'asseoir! Ça ne se doit pas.

      – Tu le trompes; tu es ici chez ton égal, car je suis domestique aussi.

      – Ah! ah! vous êtes domestique? De qui donc?

      – De moi-même.

      L'enfant s'est mis à rire, et, s'asseyant près du feu:

      – Tenez, Monsieur, m'a-t-il dit en exhibant une lettre cachetée à mon adresse, voilà ce que c'est.

      J'ai ouvert et j'ai trouvé un billet de banque de mille francs.

      – Qu'est-ce que cela, mon ami! et que veut-on que j'en fasse?

      – Monsieur, c'est de l'argent pour ces malheureux locataires du cinquième, que madame vous charge de secourir quand ils ne pourront pas payer.

      – Ainsi, madame me prend pour son aumônier? C'est très-beau de sa part; mais j'aime beaucoup mieux qu'elle tonne des ordres pour qu'on laisse ces malheureux tranquilles.

      – Oh! ça ne se fait pas comme vous croyez! Madame ne donne pas d'ordres dans la maison. Ça ne la regarde pas du tout. Monsieur le comte lui-même n'a rien a voir dans les affaires du régisseur. D'ailleurs, madame craint tant d'avoir l'air de se mêler de quelque chose, qu'elle vous prie de ne pas parler du tout de ce qu'elle fait pour vos voisins.

      – Elle veut que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite? Tu lui diras de ma part qu'elle est grande et bonne.

      – Oh! pour ça, c'est vrai. C'est une bonne maîtresse, celle-là. Elle ne se fâche jamais, et elle donne beaucoup. Mais savez-vous, Monsieur, que c'est moi qui suis cause que Fly n'a pas mangé votre billet?

      – En vérité?

      – Vrai, d'honneur! Madame était rentrée pour recevoir une visite. Elle n'avait pas fait attention que le chien tenait quelque chose dans sa gueule. Moi, en jouant avec lui, j'ai vu qu'il était en colère de ce qu'on ne lui faisait pas de compliment; car lorsqu'il rapporte quelque chose, il n'aime pas qu'on refuse de le prendre, il commençait donc à ronger le bois et à déchirer le papier. Alors je le lui ai ôté; j'ai vu ce que c'était, et je l'ai porté à madame aussitôt qu'elle a été seule. Elle ne voulait pas le prendre.

      – Mets cela au feu, qu'elle disait, c'est quelque sottise.

      – Non, non, Madame, c'est des malheureux.

      – Tu l'as donc lu?

      – Dame, Madame, que j'ai fait, Fly l'avait décacheté, et ça traînait.

      – Tu as bien fait, petit, qu'elle m'a dit après qu'elle a eu regardé votre lettre, et pour te récompenser, c'est toi que je charge d'aller aux informations. Si l'histoire est vraie, c'est toi qui porteras ma réponse et qui expliqueras mes intentions; et puis, attends, qu'elle m'a dit encore: Tu diras à ce M. Jacques Laurent que je le remercie de sa lettre, mais qu'il aurait bien pu l'envoyer plus raisonnablement que par sa fenêtre.

      Là-dessus, j'ai expliqué au jockey l'inutilité de ma démarche d'hier et l'urgence de la position. Il m'a promis d'en rendre compte.

      J'ai bien vite porté un raisonnable secours au vieillard. En apprenant la générosité de sa bienfaitrice, il a été touché jusqu'aux larmes.

      – Est-ce possible, s'est-il écrié, qu'une âme si tendre et si délicate soit calomniée par de vils serviteurs!

      – Comment cela?

      – Il n'y a pas d'infamies que cette ignoble portière n'ait voulu me débiter sur son compte; mais je ne veux pas même les répéter. Je ne pourrais d'ailleurs plus m'en souvenir.

      CAHIER № 1, TRAVAIL

      La bonté des femmes est immense. D'où vient donc que la bonté n'a pas de droits à l'action sociale en législation et en politique?

      CAHIER № 2. JOURNAL

      1er janvier.

      – Il est étrange que je ne puisse plus travailler. Je suis tout ému depuis quelques jours, et je rêve au lieu de méditer. Je croyais qu'un temps plus doux, un ciel plus clair me rendraient plus laborieux et plus lucide. Je ne suis plus abattu comme je l'étais: au contraire, je me sens un peu agité; mais la plume me tombe des mains quand je veux généraliser les émotions de mon coeur. 0 puissance de la douceur et de la bonté, que tu et pénétrante! Oui, c'est toi, et non l'intelligence, qui devrais gouverner le monde!

      Je ne m'étais jamais aperçu combien ce jardin, qui est sous ma fenêtre, est joli. Un jardin clos de grands murs et flétri par l'hiver ne me paraissait susceptible d'aucun charme, lorsqu'au milieu de l'automne j'ai quitté les vastes horizons bleus de la végétation empourprée de ma vallée. Cependant il y a de la poésie dans ces retraites bocagères que le riche sait créer au sein du tumulte des villes, je le reconnais aujourd'hui. Les plantes ici ont un aspect et des caractères propres au terrain chaud et à l'air rare où elles végètent, comme les enfants des riches élevés dans cette atmosphère lourde avec une nourriture substantielle, ont aussi une physionomie qui leur est particulière. J'ai été déjà frappé de ce rapport. Les arbres des jardins de Paris acquièrent vite un développement extrême. Ils poussent en hauteur, ils ont beaucoup de feuillage, mais la tige est parfois d'une ténuité effrayante. Leur santé est plus apparente que réelle. Un coup de vent d'est les dessèche au milieu de leur splendeur, et, en tous cas, ils arrivent vite à la décrépitude. Il en est de même des hommes nourris et enfermés dans cette vaste cité. Je ne parle pas de ceux dont la misère étouffe le développement. Hélas! c'est le grand nombre; mais ceux-là n'ont de commun avec les plantes que la souffrance de la captivité. Les soins leur manquent, et ils arrivent rarement à cette trompeuse beauté qui est chez l'enfant du riche, comme dans la plante de son jardin, le résultat d'une culture exagérée et d'une éclosion forcée. Ces enfants-là sont généralement beaux, leur pâleur est intelligente, leur langueur gracieuse. Ils sont, à dix ans, plus grands et plus hardis que nos paysans ne le sont à quinze; mais ils sont plus grêles, plus sujets aux maladies inflammatoires, et la vieillesse se fait vite pour eux comme la nuit sur les dômes élevés et sur les cimes altières des beaux arbres de cette Babylone.

      Il y a donc ici partout, et dans les jardins particulièrement, une apparence de vie qui étonne et dont l'excès effraie l'imagination. Nulle part au monda il n'y a, je crois, de plus belles fleurs. Les terrains sont si bien engraissés et abrités par tant de murailles, l'air est chargé de tant de vapeurs, que la gelée les atteint peu. Les jardiniers excellent dans l'art de disposer les massifs. Ce n'est plus la symétrie de nos pères, ce n'est pas le désordre et le hasard des accidents naturels: c'est quelque chose entre les deux, une propreté extrême jointe à un laisser-aller charmant. On sait