On a beaucoup parlé de la dépendance où les importations nous placeraient à l'égard des nations étrangères. Mais l'Angleterre devrait être la dernière des nations à recourir à un tel argument; car, même aujourd'hui, il est bien peu de choses que nous ne tirions pas du dehors, et le commerce extérieur est certainement la base de notre prospérité et de notre grandeur. Je suis heureux de voir que le président du conseil, lord Wharncliffe, abandonnant enfin cet insoutenable terrain, reconnaisse que la protection ne peut plus être soutenue par des motifs tirés d'une fausse vue sur ce qui constitue l'indépendance nationale. Cependant le noble lord, arguant de ce que l'agriculture s'est améliorée depuis vingt-cinq ans, sous l'empire des lois-céréales, a conclu en général que la protection était nécessaire au perfectionnement de l'industrie nationale. Mais, en fait, depuis vingt-cinq ans, il n'est aucune branche d'industrie qui soit demeurée aussi stationnaire que l'agriculture. Et qui a jamais entendu parler d'améliorations agricoles, si ce n'est depuis l'époque récente où la protection est menacée? On peut voir maintenant que la libre concurrence a effectué ce que la protection n'avait pu faire, et que la Ligue a été plus utile à l'agriculture que la prohibition. Je crois sincèrement que lorsque l'agitation actuelle sera arrivée au jour de son triomphe, les intérêts territoriaux s'apercevront qu'il n'est rien à quoi ils soient plus redevables qu'aux efforts de la Ligue. (Approbation.) L'argument fondé sur la nécessité de protéger l'industrie nationale me paraît reposer sur une illusion. Je ne puis faire aucune distinction entre du blé d'Amérique ou du comté de Kent, pour s'échanger contre des objets manufacturés en Angleterre. Il est un autre argument dont s'est servi lord Wharncliffe et que je dois relever. C'est celui tiré de la sur-production. Nos adversaires attribuent toutes nos souffrances à la sur-production. Je pense que c'est là une maladie dont nous sommes en bon train de guérir radicalement. – Reportons-nous en 1838, alors que survint la première mauvaise récolte, et que, par suite, la loi-céréale fut de fait ressuscitée, puisqu'une longue succession de bonnes années l'avait pour ainsi dire enterrée. Le pays a mis en œuvre:
C'est là, je pense, une grave atteinte à cette surabondance de production qui est l'objet de tant de plaintes; et si elle était la vraie cause de nos maux, certes, ils commenceraient à disparaître. Malheureusement, il se trouve qu'à mesure que la production diminue, la misère et l'inanition s'étendent sur le pays.
Il est ensuite devenu de mode de parler de réciprocité, et un sentiment hostile a été excité contre les peuples étrangers comme s'ils étaient des rivaux dangereux et non d'utiles amis. De là est née cette politique de notre gouvernement, qui consiste à ne conférer des avantages au pays, qu'à la condition de décider les autres nations à en faire autant. Mais l'Angleterre ne devrait pas oublier la grande influence que ses lois et son exemple exercent sur le reste du monde. Il n'est pas possible à ce pays d'accroître ses importations sans accroître dans le même rapport ses exportions sous une forme ou sous une autre. Que ce soit en produits manufacturés, en denrées coloniales ou étrangères, ou en numéraire, il ne se peut pas que ces échanges n'augmentent l'emploi de la main-d'œuvre, et même, lorsque nous payons les marchandises étrangères en argent, cet argent représente le produit d'un travail national. Il est tellement impossible de prévenir les transactions internationales, lorsqu'elles sont avantageuses que, pendant la dernière guerre, lorsque les armées de Napoléon et les flottes de l'Angleterre étaient levées pour s'opposer à toutes communications entre les deux peuples, cependant, dans cette même année 1810, le Royaume-Uni importa plus de blé de France qu'il n'avait fait à aucune autre époque. D'un autre côté, c'est un fait historique que le prince de Talleyrand, chef du cabinet, non-seulement toléra la fraude des marchandises anglaises, mais encore la conseilla, l'encouragea, et même en tira un grand profit personnel; en sorte que les Français étaient vêtus de draps anglais, comme les Anglais étaient nourris de blés français, témoignage remarquable de la faiblesse et de l'impuissance des gouvernements quand ils prétendent contrarier les grands intérêts des nations. (Applaudissements.)
On a récemment fait une proposition qui, je le crois, ne rencontrera pas beaucoup de sympathie dans cette enceinte. On a parlé d'organiser une émigration systématique (murmures), afin de se délivrer des embarras d'une excessive multiplication de nos frères. (Honte! honte!) Je n'incrimine pas les intentions. Au bas du mémoire adressé à ce sujet à sir Robert Peel, j'ai vu figurer le nom de personnes que je sais être incapables de rien faire sciemment qui soit de nature à infliger un dommage, soit au pays, soit à une classe de nos concitoyens. Mais il s'agit ici d'une question qui veut être abordée avec prudence, d'une question d'où peuvent sortir des dangers et des maux sans nombre. Avant de vous faire une opinion à cet égard, laissez-moi mettre sous vos yeux quelques documents statistiques. Depuis dix ans, six cent mille Anglais ont émigré, moitié vers les