Thérèse Raquin. Emile Zola. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Emile Zola
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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veux de la franchise? dit-elle. Eh bien! vrai, je crois que je ne reviendrai plus. Je n’ai pas de prétexte, je ne puis en inventer.

      – Alors, il faut nous dire adieu.

      – Non, je ne veux pas!»

      Elle prononça ces mots avec une colère épouvantée. Elle ajouta plus doucement, sans savoir ce qu’elle disait, sans quitter sa chaise:

      «Je vais m’en aller.»

      Laurent songeait. Il pensait à Camille.

      «Je ne lui en veux pas dit-il enfin sans le nommer; mais vraiment il nous gêne trop… Est-ce que tu ne pourrais pas nous en débarrasser, l’envoyer en voyage, quelque part, bien loin?

      – Ah! oui, l’envoyer en voyage! reprit la jeune femme en hochant la tête. Tu crois qu’un homme commeça consent à voyager… Il n’y a qu’un voyage dont on ne revient pas… Mais il nous enterrera tous; ces gens qui n’ont que le souffle ne meurent jamais.»

      Il y eut un silence. Laurent se traîna sur les genoux, se serrant contre sa maîtresse, appuyant la tête contre sa poitrine.

      «J’avais fait un rêve, dit-il; je voulais passer une nuit entière avec toi, m’endormir dans tes bras et me réveiller le lendemain sous tes baisers… Je voudraisêtre ton mari… Tu comprends?

      – Oui, oui», répondit Thérèse, frissonnante.

      Et elle se pencha brusquement sur le visage de Laurent, qu’elle couvrit de baisers. Elle égratignait les brides de son chapeau contre la barbe rude du jeune homme; elle ne songeait plus qu’elle était habillée et qu’elle allait froisser ses vêtements. Elle sanglotait, elle prononçait des paroles haletantes au milieu de ses larmes.

      «Ne dis pas ces choses, répétait-elle, car je n’aurais pas la force de te quitter, je resterais là… Donne-moi du courage plutôt; dis-moi que nous nous verrons encore… N’est-ce pas que tu as besoin de moi et que nous trouverons bien un jour le moyen de vivre ensemble?

      – Alors, reviens, reviens demain, lui répondit Laurent, dont les mains tremblantes montaient le long de sa taille.

      – Mais je ne puis revenir… Je te l’ai dit, je n’ai pas de prétexte.»

      Elle se tordait les bras. Elle reprit:

      «Oh! le scandale ne me fait pas peur. En rentrant, si tu veux, je vais dire à Camille que tu es mon amant, et je reviens coucher ici… C’est pour toi que je tremble; je ne veux pas déranger ta vie, je désire te faire une existence heureuse.»

      Les instincts prudents du jeune homme se réveillèrent.

      «Tu as raison, dit-il, il ne faut pas agir comme des enfants. Ah! si ton mari mourait…

      – Si mon mari mourait…, répéta lentement Thérèse.

      – Nous nous marierions ensemble, nous ne craindrions plus rien, nous jouirions largement de nos amours… Quelle bonne et douce vie!»

      La jeune femme s’était redressée. Les joues pâles, elle regardait son amant avec des yeux sombres; des battements agitaient ses lèvres.

      «Les gens meurent quelquefois, murmura-t-elle enfin. Seulement, c’est dangereux pour ceux qui survivent.»

      Laurent ne répondit pas.

      «Vois-tu, continua-t-elle, tous les moyens connus sont mauvais.

      – Tu ne m’as pas compris, dit-il paisiblement. Je ne suis pas un sot, je veux t’aimer en paix… Je pensais qu’il arrive des accidents tous les jours, que le pied peut glisser, qu’une tuile peut tomber… Tu comprends? Dans ce dernier cas, le vent seul est coupable.»

      Il parlait d’une voixétrange. Il eut un sourire et ajouta d’un ton caressant:

      «Va, sois tranquille, nous nous aimerons bien, nous vivrons heureux… Puisque tu ne peux venir, j’arrangerai tout cela… Si nous restons plusieurs mois sans nous voir, ne m’oublie pas, songe que je travaille à nos félicités.»

      Il saisit dans ses bras Thérèse, qui ouvrait la porte pour partir.

      «Tu es à moi, n’est-ce pas? continua-t-il. Tu jures de te livrer entière, à toute heure, quand je voudrai.

      – Oui, cria la jeune femme, je t’appartiens, fais de moi ce qu’il te plaira.»

      Ils restèrent un moment farouches et muets. Puis Thérèse s’arracha avec brusquerie, et, sans tourner la tête, elle sortit de la mansarde et descendit l’escalier. Laurentécouta le bruit de ses pas qui s’éloignaient.

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