Арсен Люпен – джентельмен-грабитель / Arsеne Lupin Gentleman-Cambrioleur. Книга для чтения на французском языке. Морис Леблан. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Морис Леблан
Издательство: КАРО
Серия: Roman policier (Каро)
Жанр произведения: Классические детективы
Год издания: 0
isbn: 978-5-9925-1550-3
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Par politesse, je n’ai pas voulu la lire en votre présence. Mais si vous m’y autorisez…

      – Vous vous moquez de moi, Lupin.

      – Veuillez, mon cher ami, décapiter doucement cet œuf à la coque. Vous constaterez par vous-même que je ne me moque pas de vous.

      Machinalement Ganimard obéit, et cassa l’œuf avec la lame d’un couteau. Un cri de surprise lui échappa. La coque, vide, contenait une feuille de papier bleu. Sur la prière d’Arsène, il la déplia. C’était un télégramme, ou plutôt une partie de télégramme auquel on avait arraché les indications de la poste. Il lut :

      « Accord conclu. Cent mille balles livrées. Tout va bien. »

      – Cent mille balles ? fit-il.

      – Oui, cent mille francs ! C’est peu, mais enfin les temps sont durs… Et j’ai des frais généraux si lourds ! Si vous connaissiez mon budget… un budget de grande ville !

      Ganimard se leva. Sa mauvaise humeur s’était dissipée. Il réfléchit quelques secondes, embrassa d’un coup d’œil toute l’affaire, pour tâcher d’en découvrir le point faible. Puis il prononça d’un ton où il laissait franchement percer son admiration de connaisseur :

      – Par bonheur, il n’en existe pas des douzaines comme vous, sans quoi il n’y aurait plus qu’à fermer boutique.

      Arsène Lupin prit un petit air modeste et répondit :

      – Bah ! il fallait bien se distraire, occuper ses loisirs… d’autant que le coup ne pouvait réussir que si j’étais en prison.

      – Comment ! s’exclama Ganimard, votre procès, votre défense, l’instruction, tout cela ne vous suffit donc pas pour vous distraire ?

      – Non, car j’ai résolu de ne pas assister à mon procès.

      – Oh ! oh !

      Arsène Lupin répéta posément :

      – Je n’assisterai pas à mon procès.

      – En vérité !

      – Ah ! ça, mon cher, vous imaginez-vous que je vais pourrir sur la paille humide ? Vous m’outragez. Arsène Lupin ne reste en prison que le temps qu’il lui plaît, et pas une minute de plus.

      – Il eût peut-être été plus prudent de commencer par ne pas y entrer, objecta l’inspecteur d’un ton ironique.

      – Ah ! monsieur raille ? monsieur se souvient qu’il a eu l’honneur de procéder à mon arrestation ? Sachez, mon respectable ami, que personne, pas plus vous qu’un autre, n’eût pu mettre la main sur moi, si un intérêt beaucoup plus considérable ne m’avait sollicité à ce moment critique.

      – Vous m’étonnez.

      – Une femme me regardait, Ganimard, et je l’aimais. Comprenez-vous tout ce qu’il y a dans ce fait d’être regardé par une femme que l’on aime ? Le reste m’importait peu, je vous jure. Et c’est pourquoi je suis ici.

      – Depuis bien longtemps, permettez-moi de le remarquer.

      – Je voulais oublier d’abord. Ne riez pas : l’aventure avait été charmante, et j’en ai gardé encore le souvenir attendri… Et puis, je suis quelque peu neurasthénique ! La vie est si fiévreuse de nos jours ! Il faut savoir, à certains moments, faire ce que l’on appelle une cure d’isolement. Cet endroit est souverain pour les régimes de ce genre. On y pratique la cure de Santé dans toute sa rigueur.

      – Arsène Lupin, observa Ganimard, vous vous payez ma tête.

      – Ganimard, affirma Lupin, nous sommes aujourd’hui vendredi. Mercredi prochain, j’irai fumer mon cigare chez vous, rue Pergolèse, à quatre heures de l’après-midi.

      – Arsène Lupin, je vous attends.

      Ils se serrèrent la main comme deux bons amis qui s’estiment à leur juste valeur, et le vieux policier se dirigea vers la porte.

      – Ganimard !

      Celui-ci se retourna.

      – Qu’y a-t-il ?

      – Ganimard, vous oubliez votre montre.

      – Ma montre ?

      – Oui, elle s’est égarée dans ma poche.

      Il la rendit en s’excusant.

      – Pardonnez-moi… une mauvaise habitude… Mais ce n’est pas une raison parce qu’ils m’ont pris la mienne pour que je vous prive de la vôtre. D’autant que j’ai là un chronomètre dont je n’ai pas à me plaindre, et qui satisfait pleinement à mes besoins.

      Il sortit du tiroir une large montre en or, épaisse et confortable, ornée d’une lourde chaîne.

      – Et celle-ci, de quelle poche vient-elle ? demanda Ganimard.

      Arsène Lupin examina négligemment les initiales.

      – J. B… Qui diable cela peut-il bien être ?… Ah ! oui, je me souviens, Jules Bouvier, mon juge d’instruction, un homme charmant…

      L’évasion d’Arsène Lupin

      Au moment où Arsène Lupin, son repas achevé, tirait de sa poche un beau cigare bagué d’or et l’examinait avec complaisance, la porte de la cellule s’ouvrit. Il n’eut que le temps de le jeter dans le tiroir et de s’éloigner de la table. Le gardien entra, c’était l’heure de la promenade.

      – Je vous attendais, mon cher ami, s’écria Lupin, toujours de bonne humeur.

      Ils sortirent. Ils avaient à peine disparu à l’angle du couloir, que deux hommes à leur tour pénétrèrent dans la cellule et en commencèrent l’examen minutieux. L’un était l’inspecteur Dieuzy, l’autre l’inspecteur Folenfant.

      On voulait en finir. Il n’y avait point de doute : Arsène Lupin conservait des intelligences avec le dehors et communiquait avec ses affidés. La veille encore le Grand Journal publiait ces lignes adressées à son collaborateur judiciaire :

      « Monsieur,

      « Dans un article paru ces jours-ci vous vous êtes exprimé sur moi en des termes que rien ne saurait justifier. Quelques jours avant l’ouverture de mon procès, j’irai vous en demander compte.

      « Salutations distinguées,

      « ARSÈNE LUPIN. »

      L’écriture était bien d’Arsène Lupin. Donc il envoyait des lettres. Donc il en recevait. Donc il était certain qu’il préparait cette évasion annoncée par lui d’une façon si arrogante.

      La situation devenait intolérable. D’accord avec le juge d’instruction, le chef de la Sûreté M. Dudouis se rendit lui-même à la Santé pour exposer au directeur de la prison les mesures qu’il convenait de prendre. Et, dès son arrivée, il envoya deux de ses hommes dans la cellule du détenu.

      Ils levèrent chacune des dalles, démontèrent le lit, firent tout ce qu’il est habituel de faire en pareil cas, et finalement ne découvrirent rien. Ils allaient renoncer à leurs investigations, lorsque le gardien accourut en toute hâte et leur dit :

      – Le tiroir… regardez le tiroir de la table. Quand je suis entré, il m’a semblé qu’il le repoussait.

      Ils regardèrent, et Dieuzy s’écria :

      – Pour Dieu, cette fois, nous le tenons, le client.

      Folenfant l’arrêta.

      – Halte-là, mon petit, le chef fera l’inventaire.

      – Pourtant, ce cigare de luxe…

      – Laisse le Havane, et prévenons le chef.

      Deux minutes après, M. Dudouis explorait le tiroir. Il y trouva d’abord une liasse d’articles de journaux découpés par l’Argus de la Presse