Le mystère de la chambre jaune / Тайна желтой комнаты. Книга для чтения на французском языке. Гастон Леру. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Гастон Леру
Издательство: КАРО
Серия: Roman policier (Каро)
Жанр произведения: Классические детективы
Год издания: 1907
isbn: 978-5-9925-1520-6
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ne comprends plus, fis-je… Ou mieux je n'ai jamais compris…»

      Rouletabille haussa les épaules:

      «Rien ne vous a particulièrement frappé dans l'article du Matin?

      – Ma foi non… j'ai trouvé tout ce qu'il raconte également bizarre…

      – Eh bien, mais… et la porte fermée à clef?

      – C'est la seule chose naturelle du récit…

      – Vraiment!… Et le verrou?…

      – Le verrou?

      – Le verrou poussé à l'intérieur?… Voilà bien des précautions prises par Mlle Stangerson… «Mlle Stangerson, quant à moi, savait qu'elle avait à craindre quelqu'un; elle avait pris ses précautions; elle avait même pris le revolver du père Jacques», sans lui en parler. Sans doute, elle ne voulait effrayer personne; elle ne voulait surtout pas effrayer son père… «Ce que Mlle Stangerson redoutait est arrivé…» et elle s'est défendue, et il y a eu bataille et elle s'est servie assez adroitement de son revolver pour blesser l'assassin à la main – ainsi s'explique l'impression de la large main d'homme ensanglantée sur le mur et sur la porte, de l'homme qui cherchait presque à tâtons une issue pour fuir – mais elle n'a pas tiré assez vite pour échapper au coup terrible qui venait la frapper à la tempe droite.

      – Ce n'est donc point le revolver qui a blessé Mlle Stangerson à la tempe?

      – Le journal ne le dit pas, et, quant à moi, je ne le pense pas; toujours parce qu'il m'apparaît logique que le revolver a servi à Mlle Stangerson contre l'assassin. Maintenant, quelle était l'arme de l'assassin? Ce coup à la tempe semblerait attester que l'assassin a voulu assommer Mlle Stangerson… Après avoir vainement essayé de l'étrangler… L'assassin devait savoir que le grenier était habité par le père Jacques, et c'est une des raisons pour lesquelles, je pense, il a voulu opérer avec une «arme de silence», une matraque peut-être, ou un marteau…

      – Tout cela ne nous explique pas, fis-je, comment notre assassin est sorti de la «Chambre Jaune»!

      – Évidemment, répondit Rouletabille en se levant, et, comme il faut l'expliquer, je vais au château du Glandier, et je viens vous chercher pour que vous y veniez avec moi…

      – Moi!

      – Oui, cher ami, j'ai besoin de vous. L'Époque m'a chargé définitivement de cette affaire, et il faut que je l'éclaircisse au plus vite.

      – Mais en quoi puis-je vous servir?

      – M. Robert Darzac est au château du Glandier.

      – C'est vrai… son désespoir doit être sans bornes!

      – Il faut que je lui parle…»

      Rouletabille prononça cette phrase sur un ton qui me surprit:

      «Est-ce que… Est-ce que vous croyez à quelque chose d'intéressant de ce côté?… demandai-je.

      – Oui.»

      Et il ne voulut pas en dire davantage. Il passa dans mon salon en me priant de hâter ma toilette.

      Je connaissais M. Robert Darzac pour lui avoir rendu un très gros service judiciaire dans un procès civil, alors que j'étais secrétaire de maître Barbet-Delatour. M. Robert Darzac, qui avait, à cette époque, une quarantaine d'années, était professeur de physique à la Sorbonne. Il était intimement lié avec les Stangerson, puisque après sept ans d'une cour assidue, il se trouvait enfin sur le point de se marier avec Mlle Stangerson, personne d'un certain âge (elle devait avoir dans les trente-cinq ans), mais encore remarquablement jolie.

      Pendant que je m'habillais, je criai à Rouletabille qui s'impatientait dans mon salon:

      «Est-ce que vous avez une idée sur la condition de l'assassin?

      – Oui, répondit-il, je le crois sinon un homme du monde, du moins d'une classe assez élevée… Ce n'est encore qu'une impression…

      – Et qu'est-ce qui vous la donne, cette impression?

      – Eh bien, mais, répliqua le jeune homme, le béret crasseux, le mouchoir vulgaire et les traces de la chaussure grossière sur le plancher…

      – Je comprends, fis-je; on ne laisse pas tant de traces derrière soi, «quand elles sont l'expression de la vérité!»

      – On fera quelque chose de vous, mon cher Sainclair!» conclut Rouletabille.

      III. «Un homme a passé comme une ombre à travers les volets»

      Une demi-heure plus tard, nous étions, Rouletabille et moi, sur le quai de la gare d'Orléans, attendant le départ du train qui allait nous déposer à Épinay-sur-Orge. Nous vîmes arriver le parquet de Corbeil, représenté par M. de Marquet et son greffier. M. de Marquet avait passé la nuit à Paris avec son greffier pour assister, à la Scala, à la répétition générale d'une revuette dont il était l'auteur masqué et qu'il avait signé simplement: «Castigat Ridendo.»

      M. de Marquet commençait d'être un noble vieillard. Il était, à l'ordinaire, plein de politesse et de «galantise», et n'avait eu, toute sa vie, qu'une passion: celle de l'art dramatique. Dans sa carrière de magistrat, il ne s'était véritablement intéressé qu'aux affaires susceptibles de lui fournir au moins la nature d'un acte. Bien que, décemment apparenté, il eût pu aspirer aux plus hautes situations judiciaires, il n'avait jamais travaillé, en réalité, que pour «arriver» à la romantique Porte Saint-Martin ou à l'Odéon pensif. Un tel idéal l'avait conduit, sur le tard, à être juge d'instruction à Corbeil, et à signer «Castigat Ridendo» un petit acte indécent à la Scala.

      L'affaire de la «Chambre Jaune», par son côté inexplicable, devait séduire un esprit aussi… littéraire. Elle l'intéressa prodigieusement; et M. de Marquet s'y jeta moins comme un magistrat avide de connaître la vérité que comme un amateur d'imbroglios dramatiques dont toutes les facultés sont tendues vers le mystère de l'intrigue, et qui ne redoute cependant rien tant que d'arriver à la fin du dernier acte, où tout s'explique.

      Ainsi, dans le moment que nous le rencontrâmes, j'entendis M. de Marquet dire avec un soupir à son greffier:

      «Pourvu, mon cher monsieur Maleine, pourvu que cet entrepreneur, avec sa pioche, ne nous démolisse pas un aussi beau mystère!

      – N'ayez crainte, répondit M. Maleine, sa pioche démolira peut-être le pavillon, mais elle laissera notre affaire intacte. J'ai tâté les murs et étudié plafond et plancher, et je m'y connais. On ne me trompe pas. Nous pouvons être tranquilles. Nous ne saurons rien.

      Ayant ainsi rassuré son chef, M. Maleine nous désigna d'un mouvement de tête discret à M. de Marquet. La figure de celui-ci se renfrogna et, comme il vit venir à lui Rouletabille qui, déjà, se découvrait, il se précipita sur une portière et sauta dans le train en jetant à mi-voix à son greffier: «surtout, pas de journalistes!»

      M. Maleine répliqua: «Compris!», arrêta Rouletabille dans sa course et eut la prétention de l'empêcher de monter dans le compartiment du juge d'instruction.

      «Pardon, messieurs! Ce compartiment est réservé…

      – Je suis journaliste, monsieur, rédacteur à l'Époque, fit mon jeune ami avec une grande dépense de salutations et de politesses, et j'ai un petit mot à dire à M. de Marquet.

      – M. de Marquet est très occupé par son enquête…

      – Oh! Son enquête m'est absolument indifférente, veuillez le croire… Je ne suis pas, moi, un rédacteur de chiens écrasés, déclara le jeune Rouletabille dont la lèvre inférieure exprimait alors un mépris infini pour la littérature des «faits diversiers»; je suis courriériste des théâtres… Et comme je dois faire, ce soir, un petit compte rendu de la revue de la Scala…

      – Montez, monsieur, je vous en prie…», fit le greffier s'effaçant.

      Rouletabille était déjà dans le compartiment. Je