Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Constantin Hruschka
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Социология
Год издания: 0
isbn: 9783258477732
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décisions de NEM s’accompagnent toujours d’une décision de renvoi (art. 44 LAsi), généralement exécutoire, indépendamment de savoir si la personne a la qualité de réfugié. La décision de renvoi fixe un délai de départ de 24 heures, prolongeable si la situation le requiert.12 Dans l’ensemble, la procédure de non-entrée en matière se distingue par la rapidité des délais de traitement (cinq jours ouvrables, art. 37 al. 1 LAsi) et de recours (cinq jours ouvrables, art. 108 al. 2 LAsi) qui rend théoriquement possible l’exécution du renvoi depuis un centre de la Confédération, sans attribution cantonale.

      La décision de NEM

       Rendue dans les cinq jours ouvrables qui suivent le dépôt de la demande ou l’approbation de l’Etat Dublin responsable (art. 37 al. 1 LAsi). En pratique, ce délai d’ordre est rarement tenu.

       Droit d’être entendu, mais pas d’audition sur les motifs d’asile au sens de l’art. 29 LAsi, à l’exception des cas exigeant d’examiner la présence ou non d’une demande d’asile (art. 36 LAsi), voir chap. V, pt 7.2.

       Sommairement motivée (art. 37a LAsi), voir chap. V, pt 7.5.

       Assortie d’une décision de renvoi (art. 44 LAsi).

       Exige en règle générale un examen séparé des obstacles à l’exécution du renvoi, voir chap. X ; pour les cas Dublin, voir chap. VII, pt 2.2.

       Délai de recours de cinq jours ouvrables (art. 108 al. 2 LAsi), voir chap. XIII.

       Des mesures de contrainte peuvent être prononcées à certaines conditions, voir chap. XVI, pt 3.1.

      Lorsque l’autorité relève un motif d’exclusion de l’asile (motif d’indignité ou motifs subjectifs postérieurs à la fuite), le réfugié n’obtient pas l’asile et se voit notifier une décision de renvoi. L’exécution du renvoi d’un réfugié étant illicite, ce dernier sera mis au bénéfice d’une admission provisoire (voir pt 3.3.2).

      Lorsque le requérant n’a pas la qualité de réfugié, l’autorité prononce le renvoi, voire son exécution. Les règles procédurales applicables à une décision de renvoi exécutoire varient selon que la personne est originaire ou non d’un Etat présumé sûr (au sens de l’art. 6a al. 2 let. a LAsi). Pour les requérants qui proviennent des autres Etats, la décision de rejet de l’asile est soumise aux règles procédurales ordinaires. Elle doit être motivée de manière à ce que la personne concernée puisse la contester utilement (chap. V, pt 7.5). Le délai de recours est de 30 jours. Un recours sur la qualité de réfugié ou sur l’octroi de l’asile peut être déposé même lorsque la personne a été admise à titre provisoire. Le délai de départ fixé dans la décision de première instance est, en principe, de huit semaines.13

      Les décisions de renvoi vers un Etat présumé sûr (« safe country ») font l’objet d’une procédure matérielle accélérée (« procédure en 48 heures ») depuis le 1er février 2014.14 La présomption de sécurité n’exempte pas les autorités d’examiner les éventuels indices de persécution invoqués par le requérant d’asile. La motivation de la décision matérielle peut par contre être sommaire. Les délais de traitement et de recours sont similaires à ceux prévus pour les décisions de non-entrée en matière : le délai de recours tout comme le délai de traitement du recours au TAF sont de cinq jours ouvrables (art. 108 al. 2 et 109 al. 1 LAsi).

      Lorsque l’exécution de la décision de renvoi est impossible, illicite ou raisonnablement inexigible, l’autorité admet provisoirement le requérant (art. 83 al. 1 LEtr). Le statut de l’admission provisoire (livret F) n’est pas une autorisation du droit des étrangers à l’instar des permis B et C, mais une simple mesure de substitution à l’exécution du renvoi. La personne est en théorie tenue de quitter le pays alors que la Suisse ne peut ou ne doit pas exécuter le renvoi. En pratique, les personnes admises à titre provisoire restent généralement en Suisse pour une durée prolongée, tout comme les personnes au bénéfice de l’asile. Jusqu’au début des années 2000, les Sri Lankais représentaient une part importante des personnes admises provisoirement. Ils ont été suivis par des personnes originaires de Serbie, puis de Somalie et d’Erythrée, alors que ces dernières années, ce sont principalement [110] les ressortissants d’Afghanistan, d’Iran et de Syrie qui ont été mis au bénéfice de l’admission provisoire.15

      Le séjour des personnes admises à titre provisoire est réglé aux art. 83 à 88 LEtr, 74 OASA et 16 à 26a OERE. D’importantes distinctions sont faites selon que la personne est reconnue comme réfugié ou comme étranger admis à titre provisoire. Seule la première peut se prévaloir des droits conférés par la CR et bénéficie de ce fait d’un bien meilleur statut.

      Chaque année, plusieurs dizaines de personnes se voient notifier une décision de NEM, puis mis au bénéfice de l’admission provisoire en raison d’un obstacle à l’exécution du renvoi. L’examen dissocié du besoin de protection au sens du droit d’asile d’une part, et du droit des étrangers d’autre part, conduit à une problématique propre au système Suisse : une personne admise à titre provisoire peut être autorisée à rester en Suisse sans que ses motifs d’asile ne soient examinés par une autorité compétente. Ces cas de figure restent cependant marginaux par rapport au nombre de demandes traitées.

      En 2014, 9367 personnes ont été admises à titre provisoire, parmi lesquelles 2494 en tant que réfugiés exclus de l’asile. Les dispositions relatives à l’exclusion de l’asile ont été appliquées en premier lieu aux ressortissants du Tibet (République populaire de Chine), d’Erythrée, de Syrie, du Sri Lanka et d’Iran. Cela s’explique dans la quasi-totalité des cas par l’existence de motifs subjectifs postérieurs à la fuite (voir chap. IX, pt 3.3). Les diasporas de ces pays étant fréquemment surveillées par les services secrets du pays d’origine, toute personne engagée – ou suspectée de l’être – auprès de l’opposition en exil encourt un risque de persécution et devient de ce fait un réfugié. L’exclusion de l’asile vise alors à « punir » les personnes qui ne s’engageraient politiquement qu’au motif d’acquérir la qualité de réfugié. La continuité des convictions ou orientations déjà affichées avant le départ étant particulièrement difficile à démontrer, ces mesures touchent avant tout les communautés de pays [111]dont l’opposition politique est active en Suisse, à l’instar notamment des Iraniens, des Sri Lankais et des Syriens. Sont également exclues de l’asile les personnes dont la qualité de réfugié ne se fonde que sur le départ illégal du pays. Cette situation touche, en Suisse, essentiellement les Erythréens et les Tibétains dont la socialisation en Erythrée ou en Chine n’est cependant pas mise en doute.

      Il se peut qu’une personne ne remplisse pas les critères de la qualité de réfugié, sans pour autant que l’on puisse la renvoyer dans son pays d’origine. 6873 personnes ont obtenu en 2014 une admission provisoire, sans reconnaissance de la qualité de réfugié.16 La plupart de ces admissions provisoires sont octroyées en raison de l’inexigibilité de l’exécution du renvoi. Les « réfugiés de la violence » ayant fui une situation de guerre ou de violence généralisée peuvent alors rester en Suisse au bénéfice