Études sur l'histoire de l'art. Eugene Guillaume. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene Guillaume
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066328429
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il n’entre pas de bois, rien ne pouvait servir d’aliment au feu: sa construction en briques la rend incombustible. Remarquons qu’après la réfection d’Adrien, malgré tous les hasards qu’il devra traverser, le Panthéon ne brûlera plus. En tous cas, à partir de Septime-Sévère, il a pris sa forme définitive, celle qu’il a conservée jusqu’ici.

      Depuis ce moment, un grand silence se fait. Mais on peut penser qu’en 399 le sanctuaire de la Gens Julia fut atteint par la loi d’Honorius et fermé avec les derniers temples païens. Et on n’en parle plus jusqu’en 608, où le pape Boniface IV l’obtint de l’empereur Phocas et en fit une église. Par ses soins, le culte de la Vierge y fut établi conjointement avec le culte de tous les martyrs, qui vint y remplacer celui de tous les dieux. Des reliques saintes, tirées des premiers cimetières chrétiens, y furent apportées sur plusieurs chariots et y furent placées sous le maître-autel. Longtemps on vit, à droite de l’abside, une vieille peinture représentant Boniface tenant dans sa main le Panthéon, auquel il avait donné le nom de Sainte-Marie-de-la-Rotonde.

      Mais quel avait été son sort pendant les deux cent neuf ans qui s’étaient écoulés depuis qu’il avait cessé d’être un temple, jusqu’au moment où il avait reçu du pape Boniface une autre destination religieuse? Ce serait, je crois, un point à éclaircir. Fut-il simplement interdit? Servit il à quelque usage civil? Fut-il réuni aux thermes, et les thermes eux-mêmes existaient-ils encore? Autant de questions dignes d’intérêt et auxquelles un seul, homme pourrait répondre: le savant M. Corvisieri. Mais quelle qu’ait été son utilisation transitoire, il avait conservé sa parure première. Il la possédait encore après sa nouvelle consécration. C’était toujours un monument à la décoration duquel les métaux concouraient brillamment. De là lui vint un des plus grands outrages qu’il eût reçus des hommes. Genséric avait pillé Rome pendant quatorze jours, et le sac d’Alaric en avait duré trois, sans que le Panthéon eût été autrement endommagé. Mais en 663, l’empereur Constant, étant venu passer douze jours à Rome, y donna un spectable déplorable. En même temps qu’il faisait ses dévotions aux sanctuaires les plus vénérés, il dépouillait la ville de tous les ornements de métal qu’il put emporter. A peine épargna-t-il Saint-Pierre. Mais il enleva, entre autres objets précieux, les tuiles de bronze doré qui formaient la toiture de la Rotonde. Depuis, on verra souvent les papes occupés à revêtir de plomb la coupole ainsi dénudée. C’est un travail de réfection et d’entretien dont on trouve la trace depuis Grégoire III, en 725, jusqu’aux pontificats de Martin V, d’Eugène IV et de Nicolas V qui appartiennent tous trois au xve siècle. Un souci qu’ont eu également les papes a été celui de débarrasser le portique des échoppes et des boutiques de petits marchands et d’artisans qui le déshonoraient. Eugène IV, Clément VII et Paul V se distinguèrent en cela par leur zèle. On s’y reprendra à bien des fois pour isoler le Panthéon, et ce ne sera qu’en 1823 qu’on verra la place nettoyée, et seulement en 1881 que l’édifice sera délivré des dernières constructions qui l’enserraient.

      La partie de l’histoire du Panthéon qui nous intéresse le plus commence à la Renaissance, parce qu’elle se mêle alors à l’histoire de l’art. Tel que nous le voyons aujourd’hui, le monument présente à l’intérieur des dispositions très claires et qui n’ont jamais été changées. Élevé sur un plan circulaire et avec sa coupole, toute sa construction repose sur huit massifs de maçonnerie ou pieds-droits et sur des colonnes. On y voit quinze autels, sept grands, placés dans les enfoncements qui sont entre les pieds-droits, et huit petits, qui, appliqués à ces parties pleines, sont surmontés de tabernacles portés sur des colonnes plus petites. Au-dessus règne un entablement, et tout cela constitue la structure et la décoration du rez-de-chaussée. Plus haut se développe un grand bandeau, un attique percé de fenêtres couronnées de frontons et séparées les unes des autres par des compartiments de stuc de différentes couleurs. Puis, sur un second entablement, s’élève la coupole avec ses caissons. Cet ensemble de lignes et de formes est rehaussé par la richesse des matériaux. Pas une partie qui, d’abord, n’ait été bâtie ou ornée de marbres précieux, de métaux, de porphyre. Par ses dispositions générales et par son décor, le Panthéon a exercé la plus grande influence sur l’architecture moderne. On voit que depuis le commencement du xve siècle les architectes s’en sont inspirés; mais on peut dire que la coupole même, considérée comme type, n’a pris toute sa valeur et développé extérieurement sa beauté que depuis que les artistes l’ont élevée sur le corps d’un édifice. A Rome, à partir de la construction de Saint-Pierre, elle a servi de modèle aux dômes nombreux qui marquent dans la silhouette de la ville. Enfin, c’est de l’assemblage des matériaux richement colorés qui décorant la Rotonde qu’est venu le goût de somptueuse polychromie lapidaire qui règne dans les églises d’Italie depuis la Renaissance.

      A partir de cette époque, le Panthéon devient donc un objet d’étude pour les grands artistes. On sait assez ce que Bramante en a tiré. Raphaël, surintendant des édifices de Rome, l’aimait et sans doute était frappé de son aspect mystérieux et presque funéraire puisqu’il voulut y avoir son tombeau. Il avait conçu le projet de rétablir les monuments antiques et il avait fait, à ce sujet, un programme magnifique. Nul doute que le Panthéon ne fût compris dans ses prévisions. Il en a laissé deux dessins que M. le baron de Geymüller nous a fait connaître et qui ont le caractère d’une restauration. Alors, tout au moins, la façade devait être en assez mauvais état; car on sait que, depuis un temps indéterminé jusqu’au XVIe siècle, il manquait trois colonnes à l’angle oriental du portique. Celui-ci fut encore compromis davantage quand Urbain VIII le dépouilla des bronzes que les barbares et après eux l’empereur Constant y avaient laissés. Et je n’ai pas à rappeler ce que dit Pasquin de cet acte de vandalisme.

      Ce fut Alexandre VII qui compléta le vestibule. Il avait pour la Rotonde une admiration très vive. Mais s’il fut bien inspiré dans sa prédilection pour elle, tant qu’il s’agit d’en déblayer les abords et d’en remettre la colonnade en état, il parut moins heureux quand il fit étudier un projet pour orner la coupole et pour vitrer l’ouverture qui est à son sommet. En réalité, la Renaissance, si éprise des anciens, prenait avec eux de grandes libertés. Nous passons pour ne pas exagérer le respet. Cependant, avec notre fidélité à l’histoire et nos scrupules quand nous devons toucher aux œuvres du passé, nous nous étonnons de voir comment les restes les plus vénérables de l’antiquité étaient diminués et compromis par ceux-là mêmes qui professaient pour eux une sorte de culte. Chacun, à sa manière, y a laissé sa trace. En ce genre, aucun dommage n’est comparable à celui qui fut porté au Panthéon par Benoît XIV. Son architecte, Paul Posi, refit à sa manière la décoration de l’attique, et, pour agrandir et ouvrir les fenêtres simulées qui s’y voyaient, il coupa les arcs de décharge placés immédiatement au-dessus des colonnes. La conséquence de ce travail n’était que trop certaine: la coupole se crevassa, mais heureusement sans fléchir.

      A côté de ces entreprises, le plus souvent regrettables, combien le Panthéon n’a-t-il pas suscité de travaux dignes de louanges! Combien d’artistes et de savants ne l’ont-ils pas étudié avec le seul désir de faire ressortir ses beautés et d’en pénétrer la raison. Raphaël n’avait pas été le premier à en tracer une image. Avant lui, sous le pontificat de Paul II en 1464, François di Giorgio Martini l’avait fait, sans beaucoup de fidélité sans doute, mais obéissant déjà à un puissant attrait. Il est impossible de donner avec des mots l’idée de ces dessins des maîtres de la Renaissance si différents des nôtres par le caractère. Il faudrait en présenter ici des fac-similés. Qu’on sache donc seulement que Palladio et Serlio, que Jacques Sansovino, que Balthazaret Salluste Peruzzi entre tous, que Julien de San-Gallo, Antoine Dosio et Chérubin Alberti ont rivalisé pour le vieux monument d’admiration passionnée. Les critiques d’Antoine de San-Gallo le jeune n’ont rien ôté de sa valeur à ce concert d’enthousiasme. Depuis près de cinq cents ans le Panthéon est l’objet d’un hommage ininterrompu. Les livres et les dessins qui lui ont été consacrés composent un répertoire immense. Les architectes français y tiennent un rang honorable, mais, à mon sens, ils devraient y occuper une place plus grande. Les ouvrages de Desgodetz et d’Isabelle jouissent, en la matière,