Cadio. George Sand. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: George Sand
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066082918
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qu'en vous donnant asile chez moi dans ces jours de persécution, j'ai répondu de vous sur mon propre honneur.

      LE CHEVALIER. Je ne l'oublierai pas, monsieur.

      RABOISSON. Quant à moi, mon cher comte, il y a une circonstance qui me rendra aussi sage que vous pouvez le désirer: c'est que l'insurrection est fomentée par les prêtres; or, je ne suis pas de ce côté-là: voltairien j'ai vécu, voltairien je mourrai.

      LE CHEVALIER. Il n'y a pas de quoi se vanter, monsieur!

      RABOISSON. Pardonnez-moi, jeune homme! Libre à vous de donner dans les idées contraires. Élevé pour l'Église, vous étiez abbé l'an passé. La mort de vos aînés vous remet l'épée au flanc, et vous êtes impatient de la tirer pour la cause que vous croyez sainte; mais, moi, j'aime la ligne droite et ne veux pas faire les affaires du fanatisme sous prétexte de faire celles de la monarchie.

      LE CHEVALIER. Pourtant, monsieur...

      ROXANE. Ah! mon Dieu! allez-vous encore vous quereller? C'est bien le moment! Parlez-nous plutôt du charmant Saint-Gueltas...

      MÉZIÈRES, (entrant.) Monsieur le comte, il y a là M. Le Moreau, municipal de Puy-la-Guerche, avec M. Rebec, son adjoint..., celui qui est aubergiste à présent, votre ancien marchand de laines.

      ROXANE. Fripon sous toutes les formes! (Au comte.) Est-ce que vous allez recevoir ces gens-là?

      LE COMTE, (à Mézières.) Faites entrer. (Mézières sort. A sa soeur.) Le Moreau est un très-galant homme.

      ROXANE. Ça? un abominable suppôt de la gironde, qui a approuvé le meurtre du roi?

      LE COMTE. Ma soeur, soyez calme.

      ROXANE. Non! je suis indignée!

      LOUISE. Alors, ne restez pas ici.--Venez, ma tante.

      ROXANE. Oui, oui, sortons! J'étouffe de rage! Mon frère, vous êtes un tiède, un... (Louise lui ferme la bouche par un baiser.) Tiens, sans toi, je crois que je deviendrais fratricide! (Elles sortent.)

      RABOISSON. Devons-nous rester?

      LE COMTE. Vous, certes; mais le chevalier est vif...

      RABOISSON. Et jeune!

      LE CHEVALIER, (au comte.) Je me retire, monsieur. (Il sort.)

      SCÈNE III.--LE COMTE, RABOISSON, LE MOREAU, REBEC.

      REBEC, (obséquieux, avec de grands saluts.) Nous nous sommes permis...

      LE COMTE. Soyez les bienvenus, messieurs. Qu'y a-t-il pour votre service?

      REBEC, (ému.) Voilà ce que c'est, citoyen comte. Les brigands sont à nos portes.

      LE COMTE, (incrédule.) A vos portes?

      REBEC. On a signalé l'apparition de plusieurs bandes éparses dans les bois, et même très-près d'ici on a trouvé des traces de bivac.

      RABOISSON. On est sûr que c'étaient des brigands?

      REBEC. Oui, citoyen baron, des paysans révoltés contre le tirage.

      LE COMTE. Ont-ils fait quelque dégât?

      REBEC. Aucun encore; mais...

      LE COMTE. Vous vous pressez peut-être beaucoup de les traiter de brigands!

      REBEC. Ah! dame! si M. le comte croit qu'ils n'en veulent pas à nos personnes et à nos biens..., c'est possible! moi, j'ignore... (Bas, à Le Moreau, qui se tient digne et froid, observant avec sévérité le comte et Raboisson.) Il ne faudrait pas le fâcher! (Haut.) Moi, j'ai des opinions modérées... J'ai toujours été dévoué à la famille de Sauvières.

      LE COMTE, (avec un peu de hauteur.)--Il est blessé de l'examen que lui fait subir Le Moreau. Ma famille a toujours su reconnaître les preuves de respect et de fidélité; mais je vous sais alarmiste, monsieur Rebec, et je voudrais être sérieusement renseigné. Pourquoi M. Le Moreau garde-t-il le silence?

      LE MOREAU, (prenant un siége et faisant sentir qu'on ne lui a pas encore dit de s'asseoir.) Monsieur le comte ne m'a pas encore fait l'honneur de m'interroger.

      LE COMTE, (lui faisant signe de s'asseoir.) Veuillez parler, monsieur.

      LE MOREAU. Je ne suis pas aussi persuadé que M. Rebec de l'approche de ces bandes; mais la population s'en émeut, et il faut la rassurer. Les paysans des districts voisins, gagnés par l'exemple des districts plus éloignés, commencent eux-mêmes à commettre des actes de brigandage, on n'en peut plus douter. La loi du recrutement est dure pour eux, j'en conviens, et ils n'en comprennent pas la nécessité; des suggestions coupables, des intrigues perverses que je n'ai pas besoin de vous signaler...

      RABOISSON. Quant à cela, je ne vous dirai pas le contraire. Le clergé des campagnes...

      LE COMTE. Ne parlons pas du clergé, je le respecte.

      LE MOREAU. Je le respecte aussi, quand il ne prêche pas la guerre civile.

      LE COMTE. La guerre civile! en sommes-nous là, bon Dieu?

      LE MOREAU. Oui, monsieur, nous en sommes là, et, si vous l'ignorez, vous vous faites d'étranges illusions.

      LE COMTE. Le peuple n'en veut qu'aux jacobins, messieurs, et Dieu merci, il n'y en a pas dans notre district.

      LE MOREAU. Du moins, il y en a peu; mais, en revanche, il y a beaucoup d'hommes qui pensent comme moi.

      LE COMTE. Nous pensons tous de même; nous voulons tous la fin des fureurs démagogiques.

      LE MOREAU. C'est pour cela, monsieur le comte, que nous devons réprimer toutes les démagogies, de quelque titre qu'elles se parent. Venez commander nos gardes nationaux, et, s'il est vrai que le torrent se dirige de notre côté, il passera auprès de notre ville sans oser la traverser.

      REBEC. Autrement, ils feront ce qu'ils ont fait à Bois-Berthaud, ils dévasteront tout. Ils pilleront les auberges, ils gaspilleront les provisions de bouche...

      LE MOREAU. Et, chose plus grave, ils insulteront nos femmes et menaceront nos enfants! Hâtez-vous, monsieur. Si les nouvelles sont exactes, ils ont fait ce matin le ravage au hameau du Jardier, à six lieues d'ici; ils peuvent être chez nous ce soir!

      LE COMTE. Mais ce ne sont pas des gens de nos environs. Qui sont-ils? d'où viennent-ils?

      LE MOREAU, (méfiant.) Vous l'ignorez, monsieur le comte?

      LE COMTE, (blessé.) Apparemment, puisque je le demande.

      LE MOREAU. Ils viennent du bas Poitou.

      RABOISSON. Et ils sont commandés...?

      LE MOREAU. Par le ci-devant marquis de la Roche-Brûlée, un homme perdu de dettes et de débauches.

      RABOISSON. Vous êtes sévère pour lui... Il vaut peut-être mieux que sa réputation.

      LE MOREAU. Si vous le connaissez, monsieur, et que nous soyons réduits à capituler, vous nous viendrez en aide, et, en nous servant d'intermédiaire, vous n'oublierez pas la confiance que les autorités de Puy-la-Guerche ont cru pouvoir vous témoigner; mais nous commencerons par nous bien défendre, je vous en avertis, et j'imagine que M. le commandant de notre garde civique ne nous abandonnera pas dans le danger.

      LE COMTE. Le doute m'offense, monsieur. Laissez-moi le temps de donner chez moi quelques ordres, et je vous suis. (A Raboisson.) Venez, baron, c'est à vous que je veux confier la garde du château en mon absence. (Ils sortent.)

      SCÈNE IV.--LE MOREAU, REBEC.

      REBEC. Eh bien, il a tout de même l'air de vouloir faire son devoir, le grand gentilhomme! Avez-vous vu comme il hésitait au commencement? Sans moi, qui lui ai dit son fait...

      LE MOREAU. Il hésitera encore, il faut le surveiller. Honnête homme, timoré et humain, mais irrésolu et royaliste. Ces gens-là sont bien embarrassés, croyez-moi, quand ils essayent de faire alliance avec nous. Nous nous flattons quelquefois de les avoir assez compromis pour qu'ils