«Mais il ne suffit pas de reconnaître la nature du sol sur lequel on doit établir une construction; il faut examiner les cours d’eau sous-jacents, ou comment se comportent les écoulements des eaux pluviales sur leur surface ou dans leurs interstices. La présence d’un banc d’argile, si faible qu’il soit, entre des couches calcaires, de grès ou de sable, doit préoccuper le constructeur, car ces bancs étant étanches, c’est-à-dire ne laissant pas pénétrer l’eau des pluies dans leur épaisseur, favorisent des courants ou nappes d’eau, qui peuvent occasionner les désordres les plus fâcheux dans les fondations. Examinez ici près, le long de l’escarpement, cette couche verdâtre... C’est de l’argile, elle est très mince et ne peut point retenir les eaux; mais supposez qu’elle ait 50 centimètres d’épaisseur. Les pluies, qui pénétreront facilement à travers le gravier placé au-dessus, s’arrêteront sur cette couche et feront leur chemin suivant le plan d’inclinaison de cette couche d’argile; peu à peu elles formeront des cavités comme de petites grottes, et un courant caché. Si vous faites un mur de cave ou de fondation qui descende au-dessous de cette nappe d’eau, celle-ci viendra se heurter contre votre mur, le pénétrera, quoi que vous fassiez, et remplira vos caves. C’est pourquoi, dans ce cas, il sera nécessaire, au préalable, de détourner cette nappe d’eau, en la recueillant dans un égout pour l’éloigner de vos constructions. Prêtez-moi votre carnet afin que je vous indique clairement, par un tracé, ce que je vous dis ici (fig. 6). Soit A B la couche d’argile, C D la couche de gravier ou de sable perméable. Il se formera une nappe d’eau courante, après chaque averse, de E en F. Cette nappe sera arrêtée par le mur de fondation ou de cave G H, et le traversera bientôt, puisqu’elle ne peut ni remonter, ni traverser l’argile. Il faut donc, en I, établir un égout transversal avec ouvertures en amont par lesquelles ces eaux s’introduiront dans le chenal, ainsi que vous le démontre le tracé K. Cet égout dirigera les eaux recueillies où bon vous semblera et laissera le mur G H parfaitement sec. Vous comprenez, n’est-ce pas?...
Fig. 6
«Mais si vous fondez en plein dans l’argile, faut-il prendre des précautions autrement sérieuses; car, ainsi que je vous le disais tout à l’heure, il peut se faire que le banc d’argile tout entier vienne à glisser.
«Les bancs d’argile glissent, surtout lorsqu’en coupe[22] ils présentent la section que je trace ainsi (fig. 7): soit A un banc de roche, B un banc d’argile. Les eaux pluviales qui tombent en amont, de D en C, passeront en C sous ce banc d’argile; et, si les pluies sont persistantes, elles formeront de C en E une couche molle, grasse, savonneuse, de telle sorte que le banc d’argile C B E glissera sur cette couche par son propre poids, mais surtout si, en G, on l’a chargé d’une construction.
Fig. 7
«Comment parer à ce danger? 1º en recueillant les eaux en C dans un égout ou une pierrée, de telle sorte qu’elles ne puissent passer sous le banc d’argile si celui-ci est très épais; 2º s’il n’a qu’une épaisseur de quelques mètres, en descendant le mur de fondation H jusqu’au roc ou gravier, et en faisant en I un égout collecteur, comme il vient d’être dit tout à l’heure. Alors le triangle d’argile C I K ne pourra glisser, retenu par le mur bien assis et chargé. La partie argileuse en aval, n’étant pas mouillée par dessous, ne glissera pas. Mais faut-il que ce mur H et son égout I soient assez épais pour résister à la charge du triangle C I K.
«Vous sentez donc combien il est important de se rendre compte des terrains sur lesquels on opère; et combien il est essentiel qu’un architecte possède quelques connaissances en géologie. Rappelez-vous bien ceci, car les architectes de la génération qui nous précède dédaignent ces études et s’en rapportent à leurs entrepreneurs en bien des cas.
«Nous parlerons aussi des terrains vaseux, plats, pénétrés d’eau et que l’on ne peut fouiller parce qu’ils n’ont guère que la consistance d’une boue compacte et dans lesquels plus on creuse, moins on rencontre de résistance. Quand ces terrains ne sont pas tourbiers, qu’ils ne contiennent guère de détritus de végétaux, qu’ils sont toujours pénétrés de la même quantité d’eau, on peut fonder dessus, car l’eau n’est