Hamlet. William Shakespeare. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: William Shakespeare
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066073930
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et dévotes instances, afin de mieux tromper. Une fois pour toutes, et pour parler clairement, je ne veux pas que désormais vous fassiez mauvais usage de votre loisir en parlant au seigneur Hamlet, ou en l'écoutant; prenez-y garde, entendez-vous, et passez votre chemin.

      OPHÉLIA.—J'obéirai, mon seigneur.

      (Ils sortent.)

       Table des matières

      La plate-forme.

      HAMLET, HORATIO ET MARCELLUS entrent.

      HAMLET.—L'air est subtil et mordant; il fait très-froid.

      HORATIO.—Oui, c'est un air aigre et qui pique.

      HAMLET.—Quelle heure est-il à présent?

      HORATIO.—Peu s'en faut, je crois, qu'il ne soit minuit.

      MARCELLUS.—Non, il est sonné.

      HORATIO.—Vraiment? je ne l'ai pas entendu. Alors, le moment approche, où l'esprit a l'habitude de se promener. (On entend dans le palais une fanfare de trompettes et des décharges d'artillerie.) Qu'est-ce que cela signifie, mon seigneur?

      HAMLET.—Le roi passe la nuit et boit à toute sa soif; il tient séance d'orgie et danse en chancelant la gigue impudente, et à chaque fois qu'il avale ses rasades de vin du Rhin, la timbale et la trompette se mettent à braire ainsi pour le triomphe des santés qu'il porte.

      HORATIO.—Est-ce la coutume?

      HAMLET.—Oui, ma foi! c'est la coutume. Mais selon mon sentiment, encore que je sois enfant de ce pays et né pour en prendre les manières, c'est une coutume qu'il est plus honorable d'enfreindre que d'observer. Ces divertissements qui appesantissent les têtes nous font, de l'orient à l'occident, citer et condamner par les autres nations; elles nous appellent ivrognes, et souillent notre nom du sobriquet de pourceaux. Et en vérité, quels que soient nos exploits et malgré la hauteur où ils atteignent, cela leur retire la sève même et la moelle de la gloire qu'ils nous mériteraient. De même, il arrive fréquemment aux individus que, s'ils ont en eux quelque tache d'un vice naturel; si, par exemple, ils sont, de naissance (et par conséquent sans en être coupables, puisque la créature n'a pas le choix de son origine), dominés par l'excès de telle ou telle humeur du tempérament qui renverse souvent les remparts et les forteresses de la raison, ou si quelque habitude met en eux un levain qui les fasse trop sortir du moule des manières approuvées; parce que ces hommes, dis-je, portent la marque d'un seul défaut, soit que ce défaut soit une livrée dont la nature les a revêtus, ou une cicatrice que leur a faite le hasard, leurs autres vertus (fussent-elles aussi pures que la grâce céleste et aussi infinies que l'homme les peut posséder) seront, dans l'opinion générale, gâtées par ce tort unique, et la goutte d'alliage impur abaisse souvent au taux de son propre mépris toute la noble substance où elle est mêlée.

      (Le fantôme entre.)

      HORATIO.—Regardez, mon seigneur, il vient.

      HAMLET.—Anges et ministres de grâce, défendez-nous! Que tu sois un esprit de bénédiction ou un lutin damné, que tu apportes avec toi le souffle du ciel ou la vapeur de l'enfer, que tes intentions soient perverses ou charitables, tu te présentes sous une forme si provoquante, que je dois te parler. Je t'appelle, Hamlet, roi, père, souverain du Danemark! Oh! réponds-moi: ne me laisse pas éclater d'angoisse sans rien savoir. Pourquoi tes ossements sanctifiés, et ensevelis dans la mort, ont-ils rompu leur linceul? Pourquoi le sépulcre, où nous t'avons vu tranquillement enclos, a-t-il ouvert ses pesantes mâchoires de marbre pour te rejeter ici? Que signifie ceci? Pour que toi, corps mort, de nouveau couvert de tout ton acier, tu reviennes ainsi revoir les lueurs de la lune, et rendre la nuit hideuse, et pour que nous, pauvres plastrons de la nature, nous soyons si horriblement ébranlés jusqu'au fond de notre être par des pensées qui excèdent la portée de nos âmes,—dis, qu'y a-t-il? pourquoi cela? que devons-nous faire?

      HORATIO.—Il vous fait signe d'aller vers lui, comme s'il avait quelque communication à vous faire, à vous seul.

      MARCELLUS.—Voyez avec quel geste courtois il vous invite à le suivre dans un endroit plus écarté. Mais n'allez pas avec lui.

      HORATIO.—Non, certes, en aucune façon.

      HAMLET.—Il ne veut point parler ici; je veux le suivre.

      HORATIO.—N'en faites rien, mon seigneur.

      HAMLET.—Pourquoi? qu'ai-je à craindre? je donnerais ma vie pour une épingle; et quant à mon âme, que pourrait-il lui faire, étant immortelle comme lui? Il me fait signe de nouveau; je vais le suivre.

      HORATIO.—Eh quoi! s'il vous attire vers les flots, mon seigneur, ou sur la terrible cime de ce rocher qui, surplombant sa base, s'avance au-dessus de la mer; s'il prend là quelque autre forme horrible qui vous prive de l'empire de la raison et vous entraîne dans la démence? Pensez-y, le lieu même pourrait, sans nulle autre cause, jeter des boutades de désespoir dans le cerveau de tout homme qui voit une hauteur de tant de brasses entre la mer et lui, et qui l'entend rugir au-dessous.

      HAMLET.—Il me fait signe encore.—Marche, je te suivrai.

      MARCELLUS.—Vous n'irez point, mon seigneur.

      HAMLET.—Lâchez-moi donc.

      HORATIO.—Soyez raisonnable, n'y allez pas.

      HAMLET.—Mon destin me hèle, et rend la plus petite artère du corps que voici aussi roide que les nerfs du lion de Némée. (Le fantôme fait un signe.) Il m'appelle encore; lâchez-moi, messieurs. (Il se dégage.) Par le ciel! je ferai un fantôme du premier qui m'arrêtera... Je l'ai dit...—Allons... marche... je te suivrai.

      (Le fantôme et Hamlet sortent.)

      HORATIO.—Il est mis tout hors de lui par son imagination.

      MARCELLUS.—Suivons-le; il ne convient pas que nous lui obéissions ainsi.

      HORATIO.—Oui, marchons. Quelle issue aura tout ceci?

      MARCELLUS.—Il y a quelque chose de vermoulu dans l'état du Danemark.

      HORATIO.—Le ciel en décidera.

      MARCELLUS.—Eh bien! suivons-le.

      (Ils sortent.)

       Table des matières

      Un endroit plus écarté de la plate-forme.

      LE FANTOME ET HAMLET entrent.

      HAMLET.—Où veux-tu me conduire? Parle, je n'irai pas plus loin.

      LE FANTOME.—Écoute-moi.

      HAMLET.—Je le veux.

      LE FANTOME.—L'heure est presque arrivée où je dois retourner dans les flammes sulfureuses et torturantes.

      HAMLET.—Hélas! pauvre âme!

      LE FANTOME.—Ne me plains pas; mais prête une attention sérieuse à ce que je vais te révéler.

      HAMLET.—Parle, je suis tenu d'écouter.

      LE FANTOME.—Et de venger aussi, quand tu auras entendu.

      HAMLET.—Quoi donc?

      LE FANTOME.—Je suis l'esprit de ton père, condamné pour un certain temps à errer durant la nuit, et, durant le jour, à jeûner, confiné dans les flammes, jusqu'à ce que la souillure des crimes commis pendant les jours de ma vie soit consumée et purifiée. S'il ne m'était pas défendu de dire les secrets de ma prison, je pourrais dérouler