Fables de La Fontaine. Jean de la Fontaine. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Jean de la Fontaine
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066074258
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son âne, et pense être bien sage.—

       Il n’est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge.

       Passez votre chemin, la fille, et m’en croyez.

       Après maints quolibets, coup sur coup renvoyés,

       L’homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.

       Au bout de trente pas, une troisième troupe

       Trouve encore à gloser. L’un dit: Ces gens sont fous!

       Le baudet n’en peut plus, il mourra sous leurs coups.

       Eh quoi! charger ainsi cette pauvre bourrique!

       N’ont-ils point de pitié de leur vieux domestique?

       Sans doute qu’à la foire ils vont vendre sa peau.—

       Parbleu! dit le meunier, est bien fou du cerveau

       Qui prétend contenter tout le monde et son père.

       Essayons toutefois si par quelque manière

       Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux.

       L’âne, se prélassant, marche seul devant eux.

       Un quidam les rencontre, et dit: Est-ce la mode

       Que baudet aille à l’aise, et meunier s’incommode?

       Qui de l’âne ou du maître est fait pour se lasser?

       Je conseille à ces gens de le faire enchâsser.

       Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne!

       Nicolas au rebours: car, quand il va voir Jeanne,

       Il monte sur sa bête; et la chanson le dit.

       Beau trio de baudets! Le meunier repartit:

       Je suis âne, il est vrai, j’en conviens, je l’avoue;

       Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,

       Qu’on dise quelque chose ou qu’on ne dise rien,

       J’en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien.

      Quant à vous, suivez Mars, ou l’Amour, ou le prince;

       Allez, venez, courez; demeurez en province;

       Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement:

       Les gens en parleront, n’en doutez nullement.

      II

       Table des matières

      Je devois par la royauté

       Avoir commencé mon ouvrage:

       A la voir d’un certain côté,

       Messer Gaster[17] en est l’image; S’il a quelque besoin, tout le corps s’en ressent.

      De travailler pour lui les membres se lassant,

       Chacun d’eux résolut de vivre en gentilhomme,

       Sans rien faire, alléguant l’exemple de Gaster.

       Il faudroit, disoient-ils, sans nous qu’il vécût d’air.

       Nous suons, nous peinons comme bêtes de somme;

       Et pour qui? Pour lui seul: nous n’en profitons pas;

       Notre soin n’aboutit qu’à fournir ses repas.

       Chômons, c’est un métier qu’il veut nous faire apprendre.

       Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,

       Les bras d’agir, les jambes de marcher.

       Tous dirent à Gaster qu’il en allât chercher.

       Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.

       Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur;

       Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur;

       Chaque membre en souffrit; les forces se perdirent.

       Par ce moyen, les mutins virent

       Que celui qu’ils croyoient oisif et paresseux

       A l’intérêt commun contribuoit plus qu’eux.

       Ceci peut s’appliquer à la grandeur royale.

       Elle reçoit et donne, et la chose est égale.

       Tout travaille pour elle, et réciproquement

       Tout tire d’elle l’aliment.

       Elle fait subsister l’artisan de ses peines,

       Enrichit le marchand, gage le magistrat,

       Maintient le laboureur, donne paie au soldat,

       Distribue en cent lieux ses grâces souveraines,

       Entretient seule tout l’État.

       Ménénius le sut bien dire.

       La commune s’alloit séparer du sénat:

       Les mécontents disoient qu’il avoit tout l’empire,

       Le pouvoir, les trésors, l’honneur, la dignité;

       Au lieu que tout le mal étoit de leur côté,

       Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.

       Le peuple hors des murs étoit déjà posté,

       La plupart s’en alloient chercher une autre terre,

       Quand Ménénius leur fit voir

       Qu’ils étoient aux membres semblables,

       Et par cet apologue, insigne entre les fables,

       Les ramena dans leur devoir.

      III

       Table des matières

      Un loup, qui commençoit d’avoir petite part

       Aux brebis de son voisinage,

       Crut qu’il falloit s’aider de la peau du renard,

       Et faire un nouveau personnage.

       Il s’habille en berger, endosse un hoqueton,

       Fait sa houlette d’un bâton,

       Sans oublier la cornemuse.

       Pour pousser jusqu’au bout la ruse,

       Il auroit volontiers écrit sur son chapeau:

       «C’est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau.»

       Sa personne étant ainsi faite,

       Et ses pieds de devant posés sur sa houlette,

       Guillot le sycophante approche doucement.