Elle piqua un champignon avec sa fourchette.
Voilà ce que je deviendrais, pensa-t-elle.
— Et détective privé ? proposa Blaine.
— Non, je ne pense pas, dit Riley. Les secrets inavouables des couples qui divorcent, non merci.
— Ce n’est la seule fonction des détectives privés. Et les fraudes à l’assurance ? Par exemple, j’ai un cuisinier qui touche une assurance invalidité. Il dit qu’il a mal au dos. Je suis sûr que ce n’est pas vrai, mais je ne peux pas le prouver. Tu pourrais commencer par lui.
Riley éclata de rire. Bien sûr, Blaine plaisantait.
— Ou vous pourriez chercher des personnes disparues, ajouta Crystal. Ou des animaux disparus.
Riley éclata de rire une nouvelle fois.
— Ah, je serais certaine d’aider l’humanité !
April se détourna de la conversation. Riley vit qu’elle était en train d’envoyer des textos en gloussant. Crystal se pencha par-dessus la table et expliqua à voix basse :
— April a un nouveau copain.
Puis elle articula sans prononcer les mots :
— Je l’aime pas.
Riley s’agaça : April était en train d’ignorer tout le monde à table.
— Arrête ça, je te prie. C’est malpoli.
— Pourquoi c’est malpoli ? répliqua April.
— On en a déjà parlé, dit Riley.
April l’ignora et se remit à taper.
— Range ça, s’il te plait.
— J’arrive, Maman.
Riley retint un grognement d’impatience. Elle savait que « j’arrive » signifiait surtout « jamais » chez les ados.
Ce fut alors que son propre téléphone vibra. Elle se morigéna de ne pas l’avoir mis en silencieux. C’était un message de son partenaire, Bill. Elle songea à l’ignorer, mais elle ne pouvait pas faire ça.
Alors qu’elle faisait apparaître le message sur son écran, April lui décocha un sourire moqueur. Tout en grognant intérieurement, Riley lut le message de Bill :
Meredith a une nouvelle affaire. Il veut nous parler.
L’agent spécial chargé d’enquête Brent Meredith était le chef de Riley et de Bill. Riley lui devait beaucoup. Il était toujours très juste avec elle. Il l’avait même sortie du pétrin plus d’une fois. Ça ne changeait rien : Riley ne le laisserait pas la déraciner une nouvelle fois.
Je ne peux pas voyager en ce moment, écrit-elle.
Bill répondit : C’est dans les environs.
Riley secoua la tête. Ça n’allait pas être facile.
Je te recontacte.
Pas de réponse. Riley rangea son téléphone dans son sac.
— Je croyais que c’était malpoli, marmonna April.
Elle était toujours sur son téléphone.
— Moi, j’ai fini, lui signala Riley.
April l’ignora. Le téléphone de Riley vibra à nouveau. Elle fit la grimace. Cette fois, c’était un message de Meredith.
Soyez à l’UAC demain à 9h.
Riley se creusait la tête pour trouver une excuse, quand un autre texto arriva :
C’est un ordre.
CHAPITRE DEUX
L’humeur de Riley s’assombrit immédiatement quand les deux photos apparurent sur l’écran, dans la salle de conférence. D’un côté, une jeune fille aux yeux brillants et au sourire ravageur. De l’autre, son cadavre, terriblement émacié, les bras disposés de façon étrange. Depuis qu’on lui avait ordonné de venir, Riley savait à quoi s’attendre.
Sam Flores, le technicien futé aux lunettes cerclées de noir, faisait défiler les images devant les quatre agents.
— Il s’agit de Metta Lunoe, dix-sept ans, expliqua-t-il. Sa famille vit à Collierville, dans le New Jersey. Ses parents ont signalé sa disparition en mars. Une fugue, apparemment.
Il fit apparaître une grande carte du Delaware.
— Son corps a été retrouvé dans un champ, près de Mowbray, dans le Delaware, le seize mai. Elle est morte d’un traumatisme crânien.
Flores fit défiler de nouvelles images : d’un côté, une fille vivante et, de l’autre, son cadavre, disposé de la même manière.
— Là, c’est Valerie Bruner, dix-sept ans également, une fugueuse de Norbury, dans l’état de Virginie. Elle a disparu en avril.
Flores montra l’emplacement du cadavre sur la carte.
— Elle a été retrouvée morte sur une route de terre, non loin de Redditch, dans le Delaware, le douze juin. Même mode opératoire. A l’époque, nous avions confié l’enquête à l’agent Jeffreys.
Riley sursauta. Bill avait travaillé sur une affaire sans elle ? Ah oui. En juin, elle avait été hospitalisée, après son séjour dans la cage de Peterson. Bill lui avait souvent rendu visite. Il n’avait jamais parlé de cette affaire.
Elle se tourna vers lui.
— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
Bill avait la mine sombre.
— Ce n’est pas le bon moment, répondit-il. Tu avais des problèmes.
— Tu as fait équipe avec qui ?
— L’agent Remsen.
Riley connaissait ce nom. Mais Bruce Remsen avait été muté avant son retour au FBI.
Au bout d’un moment, Bill avoua :
— Je n’ai pas trouvé.
Riley connaissait cette expression. Après des années d’amitié et de travail en équipe, elle comprenait Bill mieux que quiconque. Il était très déçu de lui-même.
Flores fit apparaître les photos des autopsies. Les corps étaient si abîmés qu’ils ne paraissaient pas réels. Les dos portaient des traces de coups, certaines cicatrisées, d’autres plus fraîches.
Riley en eut la nausée, ce que la surprit. Depuis quand avait-elle envie de vomir devant des photos de cadavres ?
Flores dit :
— Elles ont été affamées avant d’être tuées. Elles ont été battues, sans doute pendant une longue période. Leurs corps ont ensuite été déplacés sur les lieux de leurs découvertes. Nous ne savons pas où elles ont été tuées.
En tâchant d’ignorer sa nausée, Riley compara en pensée cette affaire avec celles qu’elle avait résolues avec Bill quelques mois plus tôt. Le « tueur de poupées » abandonnait ses victimes où elles seraient facilement découvertes, nues, dans des positions grotesques. Le « tueur aux chaînes » suspendait ses victimes au-dessus du sol.
Flores fit apparaître la photo d’une jeune femme – une rouquine au visage jovial. A côté, l’image d’une Toyota vide.
— Cette voiture appartient à une immigrée irlandaise de vingt-quatre ans répondant au nom de Meara Keagan, expliqua Flores. Sa disparition nous a été