Ainsi Parlait Zarathoustra. Фридрих Вильгельм Ницше. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Фридрих Вильгельм Ницше
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Философия
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
dormit longtemps et non seulement l'aurore passa sur son visage, mais encore le matin. Enfin ses yeux s'ouvrirent et avec étonnement Zarathoustra jeta un regard sur la forêt et dans le silence, avec étonnement il regarda en lui-même. Puis il se leva à la hâte, comme un matelot qui tout à coup voit la terre, et il poussa un cri d'allégresse: car il avait découvert une vérité nouvelle. Et il parla à son coeur et il lui dit:

      Mes yeux se sont ouverts: J'ai besoin de compagnons, de compagnons vivants, – non point de compagnons morts et de cadavres que je porte avec moi où je veux.

      Mais j'ai besoin de compagnons vivants qui me suivent, parce qu'ils veulent se suivre eux-mêmes – partout où je vais.

      Mes yeux se sont ouverts: Ce n'est pas à la foule que doit parler Zarathoustra, mais à des compagnons! Zarathoustra ne doit pas être le berger et le chien d'un troupeau!

      C'est pour enlever beaucoup de brebis du troupeau que je suis venu. Le peuple et le troupeau s'irriteront contre moi: Zarathoustra veut être traité de brigand par les bergers.

      Je dis bergers, mais ils s'appellent les bons et les justes. Je dis bergers, mais ils s'appellent les fidèles de la vraie croyance.

      Voyez les bons et les justes! Qui haïssent-ils le plus? Celui qui brise leurs tables des valeurs, le destructeur, le criminel: – mais c'est celui-là le créateur.

      Voyez les fidèles de toutes les croyances! Qui haïssent-ils le plus? Celui qui brise leurs tables des valeurs, le destructeur, le criminel: – mais c'est celui-là le créateur.

      Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non des cadavres, des troupeaux ou des croyants. Des créateurs comme lui, voilà ce que cherche le créateur, de ceux qui inscrivent des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles.

      Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, des moissonneurs qui moissonnent avec lui: car chez lui tout est mûr pour la moisson. Mais il lui manque les cent faucilles: aussi, plein de colère, arrache-t-il les épis.

      Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, de ceux qui savent aiguiser leurs faucilles. On les appellera destructeurs et contempteurs du bien et du mal. Mais ce seront eux qui moissonneront et qui seront en fête.

      Des créateurs comme lui, voilà ce que cherche Zarathoustra, de ceux qui moissonnent et chôment avec lui: qu'a-t-il à faire de troupeaux, de bergers et de cadavres!

      Et toi, mon premier compagnon, repose en paix! Je t'ai bien enseveli dans ton arbre creux, je t'ai bien abrité contre les loups.

      Mais je me sépare de toi, te temps est passé. Entre deux aurores une nouvelle vérité s'est levée en moi.

      Je ne dois être ni berger, ni fossoyeur. Jamais plus je ne parlerai au peuple; pour la dernière fois j'ai parlé à un mort.

      Je veux me joindre aux créateurs, à ceux qui moissonnent et chôment: je leur montrerai l'arc-en-ciel et tous les échelons qui mènent au Surhumain. Je chanterai mon chant aux solitaires et à ceux qui sont deux dans la solitude; et quiconque a des oreilles pour les choses inouïes, je lui alourdirai le coeur de ma félicité.

      Je marche vers mon but, je suis ma route; je sauterai par-dessus les hésitants et les retardataires. Ainsi ma marche sera le déclin!

10

      Zarathoustra avait dit cela à son coeur, alors que le soleil était à son midi: puis il interrogea le ciel du regard – car il entendait au-dessus de lui le cri perçant d'un oiseau. Et voici! Un aigle planait dans les airs en larges cercles, et un serpent était suspendu à lui, non pareil à une proie, mais comme un ami: car il se sentait enroulé autour de son cou.

      "Ce sont mes animaux! dit Zarathoustra, et il se réjouit de tout coeur.

      L'animal le plus fier qu'il y ait sous le soleil et l'animal le plus rusé qu'il y ait sous le soleil – ils sont allés en reconnaissance.

      Ils ont voulu savoir si Zarathoustra vivait encore. En vérité, suis je encore en vie?

      J'ai rencontré plus de dangers parmi les hommes que parmi les animaux. Zarathoustra suit des voies dangereuses. Que mes animaux me conduisent!"

      Lorsque Zarathoustra eut ainsi parlé, il se souvint des paroles du saint dans la forêt, il soupira et dit à son coeur:

      Il faut que je sois plus sage! Que je sois rusé du fond du coeur, comme mon serpent.

      Mais je demande l'impossible: je prie donc ma fierté d'accompagner toujours ma sagesse.

      Et si ma sagesse m'abandonne un jour: – hélas, elle aime à s'envoler! – puisse du moins ma fierté voler avec ma folie!

      Ainsi commença le déclin de Zarathoustra.

      LES DISCOURS DE ZARATHOUSTRA

      LES TROIS METAMORPHOSES

      Je vais vous dire trois métamorphoses de l'esprit: comment l'esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant.

      Il est maint fardeau pesant pour l'esprit, pour l'esprit patient et vigoureux en qui domine le respect: sa vigueur réclame le fardeau pesant, le plus pesant.

      Qu'y a-t-il de plus pesant! ainsi interroge l'esprit robuste. Dites-le, ô héros, afin que je le charge sur moi et que ma force se réjouisse.

      N'est-ce pas cela: s'humilier pour faire souffrir son orgueil? Faire luire sa folie pour tourner en dérision sa sagesse?

      Ou bien est-ce cela: déserter une cause, au moment où elle célèbre sa victoire? Monter sur de hautes montagnes pour tenter le tentateur?

      Ou bien est-ce cela: se nourrir des glands et de l'herbe de la connaissance, et souffrir la faim dans son âme, pour l'amour de la vérité?

      Ou bien est-ce cela: être malade et renvoyer les consolateurs, se lier d'amitié avec des sourds qui m'entendent jamais ce que tu veux?

      Ou bien est-ce cela: descendre dans l'eau sale si c'est l'eau de la vérité et ne point repousser les grenouilles visqueuses et les purulents crapauds?

      Ou bien est-ce cela: aimer qui nous méprise et tendre la main au fantôme lorsqu'il veut nous effrayer?

      L'esprit robuste charge sur lui tous ces fardeaux pesants: tel le chameau qui sitôt chargé se hâte vers le désert, ainsi lui se hâte vers son désert.

      Mais au fond du désert le plus solitaire s'accomplit la seconde métamorphose: ici l'esprit devient lion, il veut conquérir la liberté et être maître de son propre désert.

      Il cherche ici son dernier maître: il veut être l'ennemi de ce maître, comme il est l'ennemi de son dernier dieu; il veut lutter pour la victoire avec le grand dragon.

      Quel est le grand dragon que l'esprit ne veut plus appeler ni dieu ni maître? "Tu dois", s'appelle le grand dragon. Mais l'esprit du lion dit:

      "Je veux."

      "Tu dois" le guette au bord du chemin, étincelant d'or sous sa carapace aux mille écailles, et sur chaque écaille brille en lettres dorées: "Tu dois!"

      Des valeurs de mille années brillent sur ces écailles et ainsi parle le plus puissant de tous les dragons: "Tout ce qui est valeur – brille sur moi."

      Tout ce qui est valeur a déjà été créé, et c'est moi qui représente toutes les valeurs créées. En vérité il ne doit plus y avoir de "Je veux"! Ainsi parle le dragon.

      Mes frères, pourquoi est-il besoin du lion de l'esprit? La bête robuste qui s'abstient et qui est respectueuse ne suffit-elle pas?

      Créer des valeurs nouvelles – le lion même ne le peut pas encore: mais se rendre libre pour la création nouvelle – c'est ce que peut la puissance du lion.

      Se faire libre, opposer une divine négation, même au devoir: telle, mes frères, est la tâche où il est besoin du lion.

      Conquérir le droit de créer des valeurs nouvelles – c'est la plus terrible conquête pour un esprit patient et respectueux. En vérité, c'est là un acte féroce, pour lui, et le fait d'une bête de proie.

      Il