Comment on construit une maison. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Техническая литература
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s’ils sont bons.» Quand le maître et l’élève furent descendus dans les sous-sols, le grand cousin commença ainsi: «Voyez comme ce mur de cave, qui donne sur la cour, est humide et comme les mortiers qui joignent les pierres sont tombés presque partout et surtout vers le haut. Cela tient à deux causes: 1º on n’a pas eu la précaution, en élevant ces murs, de les bien enduire à l’extérieur de manière à faire glisser les eaux du sol jusqu’à la base; 2º on n’a pas employé dans la construction des mortiers faits avec de la chaux hydraulique. Il y a en effet deux natures principales de chaux: la chaux dite grasse et la chaux hydraulique; la première est obtenue par la cuisson de calcaires compacts que l’on trouve habituellement au sommet des bancs; on l’appelle grasse parce qu’elle est glutineuse lorsqu’elle est éteinte et s’attache au rabot avec lequel on la corroie; cette chaux, étant noyée dans l’eau, bout et jette une épaisse vapeur, comme vous avez pu voir, et, mêlée au sable, prend lentement. Employés au-dessus du sol, les mortiers faits avec cette chaux deviennent fort durs à la longue, mais conservent plus ou moins pendant un temps une certaine plasticité. Toutefois ces mortiers, prenant lentement, sont facilement délayés par les eaux, et ne peuvent alors jamais devenir durs. Les chaux hydrauliques obtenues par la cuisson de calcaires argileux, mêlées au sable, prennent au contraire rapidement une grande dureté et se maintiennent d’autant mieux que les mortiers sont dans des lieux humides. Aussi appelle-t-on cette chaux hydraulique parce qu’on l’emploie pour toutes les maçonneries que l’on établit dans l’eau. On fait des chaux hydrauliques factices quand le sol ne fournit pas des calcaires argileux, eu broyant une certaine quantité d’argile avec les calcaires propres à faire de la chaux ordinaire. On reconnaît la chaux hydraulique en l’éteignant, c’est-à-dire en la mêlant avec de l’eau; alors elle fuse sans presque produire de vapeur.

      C’est avec la chaux hydraulique qu’on fait les bétons dont je vous parlais hier. Ayant préparé le mortier, on y mêle une certaine quantité de cailloux durs, de la grosseur d’un œuf environ; on corroie le tout et on jette le mélange dans les fouilles où on le pilonne avec des dames de bois. Si la chaux est bonne et que le béton soit bien fait, on compose ainsi un véritable rocher qui ressemble aux conglomérats ou poudingues produits naturellement. L’eau traversant difficilement ces bétons lorsqu’ils ont pris de la consistance, on peut ainsi éviter les infiltrations sous-jacentes qui se produisent dans les caves faites dans des terrains très humides.

      «Si le mur que vous voyez là eût été maçonné en mortier fait avec de la chaux hydraulique, il serait net et les joints23 en seraient aussi durs que la pierre elle-même. Vous comprendrez facilement que quand les eaux, ont peu à peu détrempé et fait couler les mortiers des lits et joints à la base d’un mur, les pierres qui le composent tassent, et que tout le reste de la bâtisse en souffre. C’est pourquoi la façade de maison, sur la cour, présente un bon nombre de fissures que l’on rebouche de temps à autre, mais sans pouvoir, bien entendu, détruire la cause du mal.

      Fig. 9.

      «Vous voyez que le mur de cave qui reçoit le berceau de la voûte est très épais, bien plus épais que n’est le mur du rez-de-chaussée. Ce dernier n’a guère que 0m,60c d’épaisseur, tandis que celui-ci a trois pieds anciens, près d’un mètre. Ce supplément d’épaisseur est donné à l’intérieur en grande partie pour recevoir ce que nous appelons les sommiers de la voûte. Un croquis vous fera comprendre la raison de cette disposition (fig. 9). Soit A l’épaisseur du mur d’une maison à rez-de-chaussée et que cette épaisseur ait 0m,50c; si l’on veut faire des caves sous ce rez-de-chaussée, le sol intérieur étant en B et le sol extérieur en C, il sera bon, d’abord, d’indiquer le sol intérieur par une saillie, une plus forte épaisseur donnée à ce mur du côté extérieur; soit 0m,05c. En A’ le mur aura donc 0m,55c. Votre berceau de cave étant tracé en D, il faut réserver en E un repos d’au moins 0m,20c, pour recevoir les premiers claveaux des sommiers de la voûte; puis il est bon de donner du côté des terres une plus forte saillie pour bien asseoir le soubassement24; cette saillie étant de 0m,05c, nous aurons en F 0m,60c d’épaisseur et en G 0m,80c au moins, car il ne faut point que le mur, qui s’élève, porte sur les lits obliques de la voûte, autrement n’aurait-il pas une bonne assiette et serait-il affamé, comme nous disons, ou réduit d’épaisseur par cet arc qui le viendrait pénétrer ainsi que nous le montre le tracé I. Mais venez par ici dans cet autre caveau qui appartient à la partie la plus ancienne du château et qui est bâti en belles pierres. Le constructeur n’a pas voulu perdre de place à l’intérieur, et, bâtissant en pierres d’appareil25, il a entendu ne pas prodiguer les matériaux; qu’a-t-il fait (fig. 10)? Il n’a donné à son mur de cave que l’épaisseur de celui du rez-de-chaussée: de distance en distance, il a posé de gros corbeaux26 à 0m,60c au-dessus du sol; sur ces corbeaux, il a bandé des arcs de 0m,25c de saillie, et sur ces arcs, qui remplacent le surplus d’épaisseur ou le contre-mur dont je vous parlais tout à l’heure, il a bandé son berceau de voûte27. Ce croquis perspectif nous fera bien saisir ce système de structure. Ainsi le mur supérieur laisse-t-il la voûte indépendante et s’élève d’aplomb sur ses parements28 inférieurs.

      Fig. 10.

      «Vous avez compris, n’est-ce pas? Eh bien, allons voir ce petit escalier que peut-être vous n’avez jamais examiné attentivement. Il a quatre pieds anciens de largeur, ou 1m,30c, ce qui était la largeur suffisante pour descendre facilement les queues de vin. Voyez (fig. 11): la voûte rampante se compose d’autant d’arcs superposés qu’il y a de marches; cela est très bien vu, solide, et facile à construire. En effet, quand on a posé les marches en pierre, sur celles-ci on établit successivement un même cintre de bois qui, bien entendu, ressaute à chaque marche, et, sur ce cintre, on pose un arc, ce qui se fait rapidement, les pierres étant taillées d’avance. Ainsi les arcs suivent le profil de ces marches, et en une journée le cintre étant reporté, après la fermeture de chaque arc, sur la marche suivante, en commençant par celle du bas, deux hommes peuvent bander cinq ou six de ces arcs. S’il y a douze marches, en deux jours on peut donc fermer cette voûte rampante. Voici comme il faut indiquer cette construction en coupe perspective et en géométral dans votre résumé d’aujourd’hui, A et B.

      Fig. 11.

      «Montons au rez-de-chaussée: voyez à l’intérieur comme les murs laissent paraître des efflorescences qui ressemblent à du coton cardé. C’est le salpêtre qui se forme dans l’intérieur de la pierre et qui, par l’effet de l’humidité du sol, se cristallise sur le parement. Ce salpêtre altère la pierre, finit par la ronger, et fait tomber toute peinture que l’on prétendrait apposer sur la paroi intérieure. On fait des enduits hydrofuges pour arrêter l’effet du salpêtre, mais ces moyens ne font que retarder un peu son apparition sans détruire le mal, et cet enduit tombe bientôt comme une croûte. Il faut donc, quand on construit, à la campagne surtout, empêcher l’humidité du sol de remonter dans l’épaisseur des murs et l’arrêter au niveau du sol. On a essayé parfois d’interposer une couche de bitume entre les pierres du soubassement aux lieu et place du lit de mortier pour éviter l’aspiration de l’humidité par les pierres, ce qu’on appelle la capillarité; mais ce moyen est très insuffisant. Le bitume s’échappe sous la charge, parce qu’il ne durcit pas assez pour résister à cette charge, ou bien il s’altère et se combine avec la chaux. Le mieux est d’interposer, entre les premières assises inférieures d’un soubassement, un lit d’ardoises pris dans la couche de mortier. L’ardoise arrête complètement cet effet de capillarité


<p>23</p>

Joint. Intervalle vertical laissé entre deux pierres. On dit: joint vif, quand les pierres sont posées jointives, sans mortier ou plâtre entre elles; et joint garni, quand cet intervalle est rempli de plâtre ou de mortier.

<p>24</p>

Soubassement. Partie d’une construction qui reçoit le rez-de-chaussée; c’est-à-dire, qui est comprise entre le sol intérieur de la bâtisse et le sol extérieur.

<p>25</p>

Appareil. Assemblage des pierres taillées.

<p>26</p>

Corbeau. Support de pierre ou de bois formant saillie sur le parement d’un mur, ayant sa face moulurée ou sculptée, ses deux parois latérales verticales et recevant une charge: poutre, balcon, corniche, colonnette, naissance de voûte, etc.

<p>27</p>

Berceau de voûte. S’entend d’une voûte composée simplement d’une portion de cylindre.

<p>28</p>

Parement. Surface externe ou interne d’un mur.