A l’endroit que j’ai cité près de Louisville, le banc a 3 pieds d’épaisseur, et l’on trouve ces eaux non tarissantes à 18 pieds de profondeur totale, depuis la surface du sol; en d’autres endroits l’épaisseur du banc paraît plus considérable: les roches qui forment les Falls ou rapides de l’Ohio, sous Louisville, appartiennent à ce grand banc calcaire. Dans les basses eaux, l’on a recueilli beaucoup de pétrifications à sa surface, mais elles y étaient importées et non incrustées. Je n’ai jamais vu de fossiles incrustés dans la pâte du grand banc souterrain. Ce fait m’a d’autant plus étonné, que, près de Francfort, à l’habitation de M. Inès, juge, me promenant avec lui sur la cime d’un chaînon élevé d’environ 100 pieds au-dessus du ruisseau Elk-horn, qui le perce, nous trouvâmes dans le bois une multitude de grosses pierres totalement pétries de coquilles fossiles. A Cincinnati, sur la seconde banquette de l’Ohio, j’ai retrouvé les mêmes pierres pétries de coquilles; enfin le docteur Barton en a recueilli de semblables sur les hauteurs d’Onondago, dans l’État de New-York, à une distance de plus de 190 lieues, avec la seule différence que ses échantillons sont bleu-ardoise, et les miens de couleur rose-violet50.
Hors du pays d’Ouest et de la région que je viens de décrire, il n’existe que deux cantons calcaires, dignes de faire exception par leur étendue: l’un situé dans la longue vallée que forment entre eux les sillons de Blue-ridge et de North-mountain, depuis la Delaware, au-dessus d’Easton et Bethléem, jusqu’aux sources de la rivière Shenandoa, et même par-delà le fleuve James, au grand arc de l’Alleghany; car le comté de Botetourt qui occupe cette dernière partie, est appelé le comté de la Chaux, attendu qu’il en fournit tout le pays à l’est de Blue-ridge où l’on n’en a pas. Rockbridge est aussi en grande partie calcaire, ainsi que tout le pays de Shenandoa jusqu’au Potômac.
Une seconde partie de la vallée, celle qui s’étend du Potômac à la Susquehannah, comprend le bassin des rivières Grand-Connegocheague et Connedogwinit, où sont situés les territoires de Chamber’s-burg, de Shipen’s-burg, et de Carlisle, célèbres par leur fertilité. La troisième partie, qui s’étend de la Susquehannah à la Delaware, occupe le bassin de la rivière Swetara; traverse avec quelques lacunes les branches du Schuylkill, et se termine vers Easton et Nazareth, dont les terrains ont aussi de la réputation. Sa limite montueuse, au nord-est, est le sillon Kittatini, prolongement de North-mountain; et au sud-est, le sillon connu dans le pays sous les divers noms de South-mountain, Flying-hills, Holy-hille; mais qui, comme je l’ai dit, n’est que le prolongement direct de Blue-ridge. Cette circonscription d’une même vallée calcaire, depuis l’arc d’Alleghany jusqu’à Easton, par 2 chaînes latérales, devient elle-même une preuve de l’identité que j’attribue à leurs prolongements.
L’autre canton calcaire, contigu à celui-ci, s’étend au revers oriental de Blue-ridge, depuis la brèche du Potômac jusqu’aux approches du Schuylkill dans le comté de Lancastre. Il a pour limites précises au sud-ouest et au sud, le Potômac et le lit du Grand-Monocacy, qu’il ne traverse pas à l’est: il comprend le territoire de Frederick-town, la majeure partie du cours du Pataspco, et les pays d’York et de Lancastre, qui sont considérés à juste titre comme les greniers de la Pensylvanie; enfin il paraît se perdre entre Noristown et Rocksbury sur le Schuylkill: le reste de sa frontière, depuis le Monocacy jusqu’au Schuylkill, n’est point tracé par des hauteurs, quoique ce soit un point de partage de plusieurs eaux, et il ne donne point à ce canton le caractère de vallée que l’on observe dans les autres districts calcaires.
Il y a, entre le calcaire de l’Ouest et celui de ces deux cantons de l’Est, deux différences remarquables: la première est que la pâte des bancs calcaires de l’Est est généralement de couleur bleue assez foncée, et très mêlée de veines blanches de quartz, tandis que la pâte de la grande couche calcaire de l’Ouest, surtout en Kentucky, est de couleur grise, d’un grain homogène et feuilleté.
La seconde différence est que le banc de l’Ouest est, ainsi que je l’ai dit, presque horizontal, et formant comme une table universelle sous le pays. Dans l’Est, au contraire, c’est-à-dire dans les comtés de Botetourt, de Rockbridge, de Staunton, de Frederick-town, d’York, de Lancastre, et jusqu’à Nazareth, le calcaire est généralement confus et comme bouleversé: lorsque ses bancs observent des inclinaisons régulières à l’horizon, on remarque que c’est le plus communément de 40 à 50 degrés; avec cette nuance singulière, que dans la vallée entre North-mountain et de Blue-ridge, l’angle est toujours moins considérable, c’est-à-dire au-dessous de 45°, tandis que dans les pays de Lancastre, York et Frederick-town (hors des montagnes), l’angle est plus habituellement au-dessus de 45°; et ce cas a lieu pour tous les autres bancs, soit de granit, soit de grès, qui sont moins inclinés dans les montagnes, et plus inclinés en s’approchant de la mer. A la cascade du Schuylkill, près Philadelphie, les bancs d’isinglass sont inclinés à 70°: sur l’Hudson, ils vont jusqu’à 90°.
De ces derniers faits, l’on a droit de conclure que toute la côte atlantique a été bouleversée par des tremblements de terre auxquels nous verrons ci-après qu’elle est très-sujette, tandis que le pays à l’ouest des Alleghanys n’en a pas été tourmenté. Aussi le docteur Barton assure-t-il que les mots tremblements de terre et volcan manquent aux langues des indigènes de l’ouest, tandis qu’ils sont usités et familiers dans les dialectes de l’est. Aux tremblements de terres, s’associent ordinairement les volcans, et l’on trouve en effet beaucoup de basaltes dans l’Alleghany et dans ses vallées; il faudrait des recherches expresses pour mieux désigner les anciens cratères. Je ne puis dire s’il y a ou s’il n’y a pas de coquillages fossiles dans les bancs de l’est dont je viens de parler; seulement je sais que l’on en a observé dans le calcaire primitif des environs du lac Ontario et de Niagara51.
L’on pourrait encore citer des veines et rameaux calcaires hors de ces régions principales; il y en a dans le district de Maine qui fournissent la chaux à Boston. La Pointe-aux-roches, sur le lac Champlain, est calcaire, et sans doute d’autres parties de ce lac; plusieurs cantons le sont aussi aux environs de New-York; mais l’exemple le plus singulier que je connaisse dans les États du sud, est celui d’un sillon qui n’a pas plus de 15 yards ou 14 mètres de largeur moyenne, et quelquefois seulement 3 mètres, et qui cependant s’étend plus de soixante-six lieues, continuées depuis le Potômac jusqu’au Roanoke: comme cette veine est habituellement à la surface du sol, on suit sa trace avec d’autant plus de certitude qu’elle est la seule à fournir de chaux tout le plat pays. Elle ne s’écarte pas de plus de 3 à 5 milles du sillon rouge ou south-west-mountain auquel elle est parallèle.
§ IV
Régions de sables marins.
La quatrième région, formée de sables marins, comprend toute la plage depuis Sandy Hook, en face de l’Ile-Longue jusqu’à la Floride: sa limite dans l’intérieur des terres est un banc ou sillon de granit talqueux, dit roche feuilletée52 ou isinglass, qui court constamment dans le sens de la côte, c’est-à-dire de nord-est à sud-ouest; ce sillon ou banc part de l’extrémité des chaînes granitiques de la rive droite de l’Hudson, peut-être même du rivage en face de l’Ile-Longue, d’où je présume que les rocs se continuent sous la mer, et il s’étend jusqu’à la Caroline du nord par-delà le fleuve Roanoke, sous la forme d’un mince sillon, large au plus de 2 à 6 milles, sur une longueur de près de 500. Dans toute cette ligne,