Les accidents qui s'étaient produits dans des édifices du XIIe siècle, à cause de l'absence ou de l'insuffisance des tas de charge, ne furent pas perdus pour les maîtres du XIIIe, siècle. Ceux-ci en vinrent bientôt, ainsi que nous le démontrons dans l'article CONSTRUCTION, à ne plus donner de coupes aux claveaux que quand leur extrados échappait à l'aplomb de la charge supérieure (fig. 3).
Ce principe une fois admis, ils en tirèrent des conséquences nombreuses; ils parvinrent ainsi souvent à neutraliser presque complétement des poussées d'arcs sur des murs, ou à diminuer considérablement le volume et le poids des maçonneries destinées à contre-buter ces poussées.
La théorie de ce principe est celle-ci (fig. 4): Soit une nef voûtée en arcs d'ogives A, avec triforium B et galerie C au-dessus, à la naissance des grandes voûtes, avec bas côté D également voûté en arcs d'ogives. Il s'agit: 1° de ne pas écraser les piles cylindriques E; 2° de ne pas avoir un cube de culées d'arcs-boutants F considérable. Les contre-forts G sont élevés suivant une saillie assez prononcée pour présenter non-seulement une butée suffisante aux voûtes des collatéraux, mais encore une assiette assez large pour résister à une pression inégale. Les assises H de ces contre-forts sont taillées en tas de charge au droit de la naissance des arcs-doubleaux et arcs ogives I des voûtes des bas côtés, afin de recevoir sur leurs lits horizontaux le porte-à-faux de la pile F en K. De même en L, les assises au droit de la naissance des arcs-boutants M sont taillées en tas de charge pour recevoir le pinacle N en porte-à-faux. La ligne ponctuée NO étant l'aplomb du parement intérieur P, il est clair que si l'arc-boutant M n'existait pas, tout le système de la pile butante serait en équilibre avec une propension, au moindre mouvement, à se déverser en L. Cet empilage d'assises tend donc à s'incliner vers la grande voûte, et à exercer par conséquent sur celle-ci une pression. C'est l'arc-boutant qui transmet cette pression. Au-dessus de la pile ou colonne E, les assises sont taillées en tas de charge en R, pour recevoir sur des lits horizontaux la pile S. Les assises de naissance des arcs-doubleaux et arcs ogives de la grande voûte T sont taillées en tas de charge pour reporter la pression des claveaux sur la pile V et sur la colonne E. Ainsi c'est à l'aide de ces tas de charge que l'équilibre du système général est obtenu. C'est grâce à l'équilibre de la pile F, tendant à s'incliner vers l'intérieur de l'édifice, que la butée de l'arc-boutant peut être sensiblement réduite. Le chapiteau de la pile E étant plus saillant vers la nef que vers le bas côté, a ainsi son axe sous la résultante des pressions de la grande voûte, résultante rendue presque verticale par la butée de l'arc-boutant. Les assises en tas de charge R ont encore pour effet d'empêcher la poussée des voûtes des bas côtés, de faire rondir les piliers E vers l'intérieur, en reportant la résultante de pression de ces voûtes suivant l'axe de ces piliers.
C'est conformément à cette théorie que l'église si intéressante de Notre-Dame de Dijon a été construite. Malheureusement l'exécution peu soignée, faite avec trop de parcimonie et par des ouvriers qui ne comprenaient pas parfaitement le système adopté, laisse trop à désirer. La conception n'en est pas moins très-remarquable et due à un maître savant. C'est en mettant d'accord l'exécution avec la théorie, que ce monument peut être restauré sans beaucoup d'efforts. Il ne faudrait pas croire que ces combinaisons de structure nuisent à l'effet, car certainement l'église de Notre-Dame de Dijon est un des beaux monuments de la Bourgogne. Il ressort même de l'adoption de ce système d'équilibre une franchise de parti, une netteté, qui charment les yeux les moins exercés.
Les maîtres des XIVe et XVe siècles, très-savants constructeurs, ne négligèrent pas d'employer les tas de charge, et ils en comprenaient si bien l'importance, qu'ils avaient le soin de les faire tailler dans de très-hautes assises, pour supprimer les chances de rupture. Mais à l'article CONSTRUCTION on trouvera de nombreux exemples de l'emploi de ce système d'appareil.
TEMPLE, s. m. Neuf chevaliers, compagnons d'armes de Godefroy de Bouillon, firent voeu devant Garimond, patriarche de Jérusalem, de se consacrer à la terre sainte 2. Vivant d'aumônes, voués au célibat, consacrant tous les instants de leur vie à protéger les pèlerins, à détruire le brigandage et à combattre les infidèles, ils obtinrent de Baudouin II, roi de Jérusalem, de demeurer près du temple, dans une des dépendances du palais de ce prince. Dès lors ils furent appelés Templiers ou chevaliers du Temple, ou encore soldats du Christ (Christi milites).
Ces premiers chevaliers du Temple étaient soumis à la règle de Saint-Augustin. Ayant été admis près du pape Honoré II pour obtenir une constitution particulière, ce pontife les envoya au concile de Troyes, en 1128, où saint Bernard composa pour eux une règle fixe qui fut adoptée. Bientôt cet ordre devint un des plus riches et des plus puissants de la chrétienté. Du temps de Guillaume de Tyr, le couvent de Jérusalem comptait trois cents chevaliers et un nombre beaucoup plus considérable de frères servants. Des commanderies s'élevèrent sur tout le sol de l'Occident, en outre des établissements de Palestine et de Syrie. Les templiers, dès le XIIe siècle, possédaient des châteaux, des places fortes, des terres en nombre prodigieux, si bien que le P. Honoré de Sainte-Marie estime que les revenus de l'ordre s'élevaient à la somme de 54 000 000 de francs 3.
On donnait le nom de temples, pendant le moyen âge, aux chapelles des commanderies de templiers; ces chapelles étaient habituellement bâties sur plan circulaire, en souvenir du saint sépulcre, et assez exiguës. Bien entendu, les plus anciennes chapelles de templiers ne remontent qu'au milieu du XIIe siècle environ, et elles furent presque toutes bâties à cette époque.
Le chef-lieu de l'ordre, après l'abandon de Jérusalem par les Occidentaux était Paris. Le Temple de Paris comprenait de vastes terrains dont la surface équivalait au tiers de la capitale; il avait été fondé vers 1148, ou, d'après Félibien, au retour de la croisade de Louis VII. Au moment du procès des templiers, c'est-à-dire en 1307, les bâtiments du Temple à Paris se composaient de la chapelle circulaire primitive du XIIe siècle, qui avait été englobée dans une nef du XIIIe, d'un clocher tenant à cette nef, de bâtiments spacieux pour loger et recevoir les frères hospitaliers. Mathieu Paris raconte que Henri III, roi d'Angleterre, à son passage à Paris, en 1254, logea au Temple, où s'élevaient de nombreux et magnifiques bâtiments destinés aux chevaliers, lors de la tenue des chapitres généraux; car il ne leur était permis de loger ailleurs 4. En 1306, une année avant l'abolition de l'ordre, le donjon était achevé; il avait été commencé sous le commandeur Jean le Turc. Ce donjon consistait en une tour carrée fort élevée, flanquée aux quatre angles de tourelles montant de fond, contenant des escaliers et des guettes 5. L'étendue, la beauté, la richesse et la force du Temple à Paris, provoquèrent l'accusation portée contre eux. En effet, l'année précédente, en 1306, le roi Philippe le Bel s'était réfugié au Temple pendant les émeutes soulevées contre les faux monnayeurs, et, de cette forteresse, il put attendre sans crainte l'apaisement des fureurs populaires. Il songea dès lors à s'approprier une résidence plus sûre, plus vaste et splendide que n'étaient le Palais et le Louvre.
L'hospitalité magnifique donnée aux princes par les templiers, possesseurs de richesses considérables, sagement gouvernées, ne pouvait manquer d'exciter la convoitise d'un souverain aussi cupide que l'était Philippe le Bel. Plus tard l'hospitalité que Louis XIV voulut accepter à Vaux ne fut guère moins funeste au surintendant Fouquet.
Les derniers chevaliers du Temple qui quittèrent la Palestine revinrent en Occident, possesseurs de 50 000 florins d'or et de richesses mobilières considérables. Ces trésors n'avaient fait que s'accroître dans leurs commanderies