Voici (13) un plan de cet autel avec la chapelle dans laquelle il est posé, et (13 bis) une vue de l'ensemble du petit monument. Dans le tabernacle, derrière l'autel, était placée une châsse contenant les corps de saint Hilaire, évêque de Poitiers, et de saint Patrocle, martyr, évêque de Grenoble. Cet autel, comme la plupart des autels secondaires de l'église abbatiale de Saint-Denis, avait été élevé par les soins de saint Louis lorsqu'il fit restaurer et rebâtir en partie cette église.
À l'entrée du rond-point de l'église abbatiale, du côté gauche (nord), était autrefois la chapelle dédiée à saint Firmin, premier évêque d'Amiens, martyr. Le pavé de cette chapelle et la marche de l'autel, qui est fort large, étaient en mosaïques, et dataient du XIIe siècle 51. L'autel est du commencement du XIIIe siècle, ainsi que son retable, qui existe encore en entier 52. D. Doublet mentionne le pavage en mosaïque de cette chapelle, dont nous avons dernièrement retrouvé des portions en place; il donne la légende de la châsse de saint Firmin conquise par Dagobert, légende qui était peinte sur le devant de l'autel entre l'arcature dont il était décoré 53. Il parle de la châsse en bois doré posée derrière l'autel, et d'une certaine «bande de broderie au-dessus de l'autel, toute pourfilée de perles et enrichie de pierreries, de la longueur d'yceluy, à laquelle sont suspendues soixante branslans (glands) d'argent doré.»
Voici (14) la face de l'autel avec son retable en pierre sculptée et peinte, représentant le Christ au centre, avec les quatre évangélistes; des deux côtés les douze apôtres avec leurs noms au-dessous. En commençant par la droite de l'autel, on lit: Simon, Bartholomeus, Jacobus, Johannès, Andreas, Petrus; sous le Christ, Apostolus; puis en suivant, Paulus, Jacobus, Thomas, Filipus, Matheus, Judas (Jude). Dans le quatre-feuilles qui entoure le Christ, on lit cette inscription: Hic Deus est et homo quem presens signal imago ergo rogabit homo quem sculta figurat imago. Le corps de l'autel est composé d'une arcature feuillue soutenue par des colonnettes engagées, cylindriques et prismatiques alternées; le tout est couvert de peintures; les feuillages sont colorés en vert ainsi que les chapiteaux; les colonnettes sont divisées par des compartiments très-fins simulant des mosaïques, assez semblables à celles qui couvrent les colonnettes des cloîtres de Saint-Jean de Latran et de Saint-Paul hors les murs à Rome; les intervalles entre les colonnettes sont couverts de sujets légendaires, ainsi qu'il vient d'être dit. La table de l'autel était bordée sur ses rives d'une inscription, perdue, et couverte sur le plat d'une mosaïque à compartiments.
Nous donnons ici (15) le plan de cet autel, avec la châsse de saint Firmin placée derrière le dossier, sous une table portée sur des colonnes; et (16) le côté de l'autel qui fait comprendre la disposition de cette châsse, des grilles dont elle était entourée et de la petite lampe qui brillait sur le corps saint. On voit combien, malgré la richesse des détails, la forme générale de ce petit monument est simple et digne. Comme dans toutes les oeuvres du moyen âge, surtout avant le XIVe siècle, on remarque dans le petit nombre d'autels qui nous sont conservés par des dessins ou des monuments et surtout dans leurs accessoires, tels que retables, tabernacles, reliquaires, une grande variété; que serait-ce si tous ces objets nous eussent été transmis intacts! Les deux derniers autels nous montrent des reliquaires disposés d'une façon très-différente et parfaitement justifiée par la situation. En effet, l'autel (fig. 13) de la chapelle de la Vierge de Saint-Denis est adossé, et, pour faire voir la châsse, il fallait nécessairement l'élever au-dessus du retable; au contraire, l'autel de Saint-Firmin est placé de manière que l'on peut tourner facilement tout autour (fig. 15); la châsse se trouvait alors au niveau du sol, protégée par un grillage. Au-dessus d'elle, suspendue à la grande tablette qui la recouvrait, se voit la petite lampe. Il existait encore à Saint-Denis un grand nombre d'autels secondaires dont les dispositions accessoires différaient de celles que nous venons de donner. Voici entre autres l'autel Saint-Eustache, qui se trouvait adossé au fond de la première chapelle carrée au nord, au-dessus de la chapelle de la Vierge Blanche (17).
Ici le tabernacle recouvrant la châsse du saint était complétement isolé du retable et porté sur deux colonnes et des consoles à figures. Il paraît difficile de donner une signification à ces monstres accroupis sur des hommes vêtus. Le sculpteur a-t-il voulu faire des syrènes, en se conformant aux textes des bestiaires si fort en vogue pendant les XIIe et XIIIe siècles 54, et rappeler ainsi aux fidèles le danger des séductions du siècle? Parmi les autels de Saint-Denis, il en est encore un autre dont la place n'a pu être jusqu'à présent reconnue 55, mais qui présente un grand intérêt: il se compose d'un massif en maçonnerie entièrement revêtu sur le devant et les côtés d'applications de verres taillés en losanges et à travers lesquels on aperçoit des tours de Castille sur fond écarlate, des fleurs de lis sur fond bleu, des rosaces et des aiglettes sur fond pourpre. Sur le dossier est un retable également incrusté de verre bleu taillé en polygones avec un crucifiement, saint Jean et la Vierge, l'Église et la Synagogue, en bas-relief. La marche de cet autel est en liais avec bordure de fleurs de lis et tours de Castille très-fines se détachant sur un fond de mastic bleu et rouge; le milieu présente des dessins d'une grande délicatesse, noirs, bleus et rouges, également en mastic. Le pavé de la chapelle était en mosaïque de terre cuite et de petites pierres de couleur avec carreaux menus de marbre blanc (voy. PAVAGES). Nous donnons ci-contre (18) une élévation perspective de cet autel.
Dans quelques-uns des exemples donnés ci-dessus, on ne voit pas que l'Eucharistie ait été placée autrement que dans un ciboire suspendu, et nous n'avons pas trouvé de tabernacles ou custodes posés sur les autels pour contenir les hosties consacrées et non consacrées, ainsi que le dit Guillaume Durand dans son Rational. L'usage de réserver l'Eucharistie dans des réduits tenant aux retables des principaux autels ne remonte pas à plus de deux cents ans, et encore, à la fin du XVIIIe siècle, conservait-on l'Eucharistie dans des boîtes en forme de pavillons ou de tours, ou dans des colombes d'argent, suspendues au-dessus des autels majeurs des grandes cathédrales et des églises monastiques. Souvent aussi apportait-on les hosties sur la communion dans des ciboires que l'on posait sur la table de l'autel au moment de dire la messe. Dans ce cas, le ciboire, la boîte de vermeil contenant l'Eucharistie, était habituellement déposée dans un sacraire ou petite sacristie voisine de l'autel. Thiers parle, dans ses Dissertations sur les principaux autels des églises, de tours destinées à contenir l'Eucharistie; il dit en avoir vu une de cuivre, assez ancienne, dans le choeur de l'église paroissiale de Saint-Michel de Dijon. Cet usage était fort ancien en effet, car saint Remi, archevêque de Reims, ordonna, par son testament, que son successeur ferait faire un tabernacle ou ciboire en forme de tour, d'un vase d'or pesant dix marcs, qui lui avait été donné par le roi Clovis. Fortunat, évêque de Poitiers, loue saint Félix, archevêque de Bourges, qui assista au quatrième concile de Paris en 573, de ce qu'il avait fait faire