Voici (2) quelle est la disposition des bancs formant soubassement intérieur de la claire-voie du cloître de Fontfroide près Narbonne (commencement du XIIIe siècle). Ces bancs se combinent adroitement avec la construction des piles principales de ce cloître, ainsi que nous le voyons dans la figure. Le bahut de la claire-voie lui tient lieu de dossier. On voit encore des bancs avec une marche au devant dans les salles capitulaires, dans les chauffoirs des monastères, et dans les parloirs.
Les grandes salles des palais royaux, des châteaux, les salles synodales étaient toujours garnies de bancs au pourtour, ainsi que les salles des gardes et les vestibules des habitations princières (voy. SALLE). On plaçait aussi à demeure des bancs de pierre le long des jambages des cheminées, particulièrement dans les habitations de campagne, dans les maisons de paysans, les fermes, dont l'unique cheminée servait à faire la cuisine et à chauffer les habitants.
Des deux côtés des portes des maisons, il était également d'usage de placer des bancs de pierre sur la voie publique, soit taillés dans une seule pierre, soit composés d'une dalle et de montants avec ou sans accoudoirs. Nous avons encore vu de ces sortes de bancs de pierre très-simples, avec accoudoir, le long de quelques maisons anciennes du midi de la France (3), à Cordes, à Saint-Antonin près Alby; c'était là que se reposaient les piétons fatigués, les pauvres; que le soir, après le travail, on venait s'asseoir et causer entre voisins. Si les façades des maisons étaient garanties par des contreforts très-saillants portant des galeries et les charpentes du comble, les bancs étaient alors posés le long de ces contreforts perpendiculairement au mur de face (voy. MAISON). Lorsque les murs des maisons ou châteaux présentaient une assez forte épaisseur, on réservait des bancs en pierre dans les ébrasements, à l'intérieur des fenêtres.
Voici (4) l'un de ces bancs tenant à la fenêtre de premier étage d'une des maisons construites pendant le XIIIe siècle dans la ville de Flavigny (Bourgogne). Il est placé dans l'ébrasement de la baie; le meneau A sépare ce banc en deux stalles et se termine en accoudoir; les personnes assises tournaient le dos au jour. Mais ordinairement, quand les murs sont très-épais, comme par exemple dans les châteaux fortifiés, les bancs sont disposés perpendiculairement au jour, le long des deux ébrasements si la fenêtre est large (5), ou d'un seul côté si la fenêtre est étroite (6).
Ce dernier exemple de banc est fréquent dans les tours de guet, où l'on plaçait des sentinelles pour observer ce qui se passait à l'extérieur par des fenêtres étroites. Les meurtrières percées à la base des courtines sous de grands arcs formant comme de petites chambres pouvant contenir facilement deux hommes, sont toujours garnies de bancs posés le long des deux côtés du réduit, perpendiculairement au mur de face. Cette disposition de bancs à demeure dans les ébrasements des fenêtres se conserva jusqu'au XVIe siècle (voy. FENÊTRE, MEURTRIÈRE).
BANDEAU, s. m. C'est une assise de pierre saillante décorée de moulures ou d'ornements sculptés ou peints qui sépare horizontalement les étages d'un monument. Le bandeau indique un plancher, un sol; il ne peut être indifféremment placé sur une façade ou dans un intérieur; c'est un repos pour l'oeil, c'est l'arase d'une construction superposée. Dans les églises de l'époque romane, un bandeau intérieur indique presque toujours le sol du triforium, il est interrompu par la ligne verticale des colonnes engagées, ou passe devant elles. Dans l'architecture domestique, le niveau des planchers est marqué souvent, à l'extérieur, par un bandeau de pierre. Sur les façades, des bandeaux séparent les ordonnances d'architecture superposées. Ils ont cet avantage de garantir les parements extérieurs, leur saillie empêchant les eaux pluviales de laver les murs; aussi les a-t-on fait généralement en pierre plus dure que celle dont on se servait pour la construction des parements, et leurs profils étaient-ils, surtout à partir du XIIIe siècle, tracés de manière à former une mouchette ou un larmier. L'influence des profils antiques romains se fait sentir dans les bandeaux comme dans tous les autres membres de l'architecture romane. Pris dans une assise assez basse, les bandeaux affectent, jusqu'au XIIe siècle, à l'extérieur ou à l'intérieur, des formes très-simples, et se composent ordinairement d'un bizeau A, d'un cavet B légèrement concave, ou d'une doucine C sous un plan horizontal (1).
Ces bandeaux sont fréquemment ornés de sculptures, surtout à partir de la fin du XIe siècle, et ils passent devant les saillies verticales de l'architecture, piles, contre-forts, etc. Tels sont les bandeaux intérieurs de la nef de l'église abbatiale de Vézelay posés à l'arase du dessus des archivoltes des bas-côtés (2) (commencement du XIIe siècle).
Le lit supérieur de ces bandeaux forme encore une saillie horizontale. On remarqua bientôt que ces saillies à l'intérieur des édifices masquaient, par leur projection, une partie des parements élevés au-dessus d'elles. Soit A le profil d'un bandeau intérieur (3), la plus forte reculée du point visuel étant suivant la ligne D C, toute la hauteur sera perdue pour l'oeil, la proportion de l'ordonnance architectonique placée au-dessus de B sera détruite par la perte de cet espace B C. Décorant les bandeaux de sculptures, surtout à l'intérieur, les architectes tenaient à présenter les ornements sur une surface perpendiculaire à la ligne visuelle; ils ne renoncèrent pas facilement aux plans inclinés E F, et se contentèrent de diminuer peu à peu les saillies E B.
Tel est le profil (4) des bandeaux intérieurs du bras de croix sud de la cathédrale de Soissons, du choeur de Saint-Remy de Reims (fin du XIIe siècle).
À l'extérieur, on avait également reconnu que les bandeaux saillants dont le lit supérieur était laissé horizontal avaient l'inconvénient de ne pas donner un écoulement prompt aux eaux pluviales. Les bandeaux extérieurs taillés suivant le profil A (5) retenaient la neige, faisaient rejaillir les gouttes de pluie projetées suivant C D jusqu'en E, se détérioraient facilement et étaient une cause de ruine pour la base des parements F G élevés au-dessus de leur saillie, à cause de ce rejaillissement. Jusqu'au commencement du XIIIe siècle, on décorait volontiers les bandeaux extérieurs, comme ceux intérieurs, d'ornements sculptés, particulièrement dans les provinces de la Normandie, du Poitou, de la Saintonge, du Languedoc et de l'est; on tenait à ce que les sculptures fussent vues, et en même temps préservées des dégradations causées par les eaux pluviales. Ces ornements étaient taillés sur un bizeau, une doucine ou un talon très-plats et protégés par le lit horizontal supérieur; les ornements les plus ordinaires étaient des dents de scie, des billettes, des damiers (voy. ces mots). Mais lorsque au XIIe siècle, dans les provinces du nord particulièrement, tous les membres de l'architecture furent soumis à un système général de construction, tendant à ne jamais présenter à la pluie des surfaces horizontales, on protégea les bandeaux eux-mêmes par des talus en pierre et une mouchette.
C'est ainsi que sont disposés les bandeaux de la tour Saint-Romain (6) de la cathédrale de Rouen (XIIe siècle). À la même époque, dans les provinces méridionales, on se contentait de donner aux bandeaux extérieurs une faible saillie, mais on ne les surmontait pas d'une pente très-prononcée comme on le faisait dans l'Ile de France, la Picardie et la Normandie, et leurs ornements n'étaient pas abrités par une saillie formant mouchette.