Le réaliste est défini par lui comme visant à reproduire les phénomènes extérieurs de la nature, tandis que l'idéaliste est l'homme qui imagine des choses intéressantes et belles.
Mais, en les définissant, il n'a point voulu les séparer.
Le véritable artiste est un réaliste, car il reconnaît un monde externe de vérité, et un idéaliste, car il fait un choix, il abstrait, il a la faculté d'individualiser.
Il est fatal de s'en tenir au dehors du monde de la nature, mais il n'est pas moins fatal de se borner à reproduire les faits.
L'art, en un mot, ne doit point se borner à présenter tout simplement un miroir à la nature, car il est re-création plutôt que reflet; il n'est point une redite, mais plutôt un chant nouveau.
Et quant au fini, il ne faut point le confondre avec le soin du travail.
Une peinture, dit M. Image, a du fini quand les moyens de forme et de couleur employés par l'artiste sont adéquats à l'expression de l'intention de l'artiste.
Sur cette définition et une péroraison en rapport avec la circonstance, il a clos cette conférence intéressante et intellectuelle.
Alors de légers rafraîchissements furent servis à l'auditoire, et l'école de critique five-o'clock tea se mit très en avant.
De certain côté, on commenta assez sévèrement la liberté absolue de M. Image à l'égard du dogmatisme, de l'affirmation personnelle, et un jeune gentleman déclara qu'une modestie aussi vertueuse que celle du conférencier pouvait aisément tourner à la pose la plus blâmable.
Néanmoins tout le monde fut extrêmement satisfait d'apprendre que l'art n'a plus désormais pour devoir de tenir le miroir à la nature, et les quelques Philistins, qui ne partageaient pas cette manière de voir, furent punis par ce châtiment qui est, de tous les châtiments le plus terrible, le dédain des gens de haute culture.
La troisième conférence de M. Image aura lieu le 21 janvier, et sans doute elle réunira un nombreux public, car les sujets annoncés sont pleins d'intérêt, et bien que la «raison unie à la douceur» ne convertisse pas toujours, toujours elle charme.
Vénus ou Victoire? 19
Il est, en archéologie, certains problèmes qui paraissent offrir un intérêt vraiment romanesque.
De ce nombre, et au premier rang, se trouve la question de la statue dite: la Vénus de Milo.
Qu'est-elle, cette déesse de marbre mutilée, qu'aimait Gautier, devant laquelle Heine pliait le genou?
Quel sculpteur l'a taillée, et pour quel sanctuaire?
Quelles mains l'ont murée dans cette niche grossière où la découvrit le paysan de Milo?
Quel symbole de sa divinité tenait-elle?
Était-ce une pomme d'or ou un bouclier de bronze?
Où est sa cité, quel était son nom parmi les Dieux et les hommes?
Le dernier auteur, qui ait écrit sur ce sujet, est M. Stillman qui, dans un livre fort intéressant, récemment publié en Amérique,20 soutient que l'œuvre d'art en question n'est point Aphrodite, fille de la mer, née de l'écume, mais qu'elle n'est autre que cette même victoire sans ailes qui se dressait jadis, dans l'édicule, en dehors des portes de l'Acropole d'Athènes.
Jusqu'en 1826, c'est-à-dire pendant les six années qui suivirent la découverte de la statue, l'hypothèse d'une Vénus fut violemment attaquée par Millingen, et depuis cette époque jusqu'à nos jours la bataille des archéologues n'a jamais cessé.
M. Stillman, qui naturellement combat sous le drapeau de Millingen, fait remarquer que la statue ne répond nullement au type de Vénus, qu'elle a un caractère beaucoup trop héroïque pour exprimer la conception des Grecs au sujet d'Aphrodite, en quelque période que ce soit de leur développement artistique, mais qu'elle rappelle de fort près certaines statues bien connues de la Victoire, comme la célèbre «Victoire de Brescia».
Cette dernière est en bronze, et ailée, mais le type ne permet pas de méprise, et sans être une reproduction de la statue de Milo, il en est certainement l'inspiration.
La Victoire, telle qu'elle figure sur la monnaie d'Agathocle, se rapporte aussi évidemment au type de Milo, et au Musée de Naples, il existe une Victoire en terre cuite qui reproduit presque identiquement le mouvement et la draperie.
Quant à l'assertion de Dumont d'Urville, qu'au moment de la découverte, la statue tenait d'une main une pomme, et de l'autre un pli de la draperie, le second fait est visiblement erroné, et les détails donnés sur le sujet sont si contradictoires qu'on ne saurait tenir compte des renseignements donnés par le consul français et les officiers de marine français.
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