Henri IV (2e partie). Уильям Шекспир. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Уильям Шекспир
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Драматургия
Год издания: 0
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que tu es, tu serais plus propre à figurer sur mon chapeau qu'à courir sur mes talons. Ma foi, je n'avais pas encore fait usage d'une agate 3; je ne te ferai monter pourtant ni en or, ni en argent, mais je t'empaqueterai dans de mauvais haillons pour te renvoyer à ton maître, en manière de bijou; oui, à ce jouvenceau, le prince ton maître, dont le menton n'est pas encore emplumé: j'aurai de la barbe dans la paume de ma main avant qu'il en ait sur les joues. Cependant il ne fera pas difficulté de vous dire que sa face est une face royale. Je ne sais quand il plaira au bon Dieu d'y donner le dernier coup. Elle n'a pas encore perdu un poil 4, et il est bien sûr de la garder toujours face royale, car jamais un barbier n'en tirera six pence 5; et cependant il veut faire le coq, comme s'il avait brevet d'homme dès le temps où son père était garçon. Ma foi, qu'il conserve tant qu'il voudra sa grâce, je puis bien l'assurer qu'il n'est plus dans la mienne. – Eh bien! que dit Dumbleton au sujet du satin que je lui ai demandé pour me faire un manteau court et des chausses à la matelote?

      LE PAGE. – Il dit, monsieur, qu'il faut que vous lui donniez une meilleure caution que Bardolph: il ne veut point de votre billet ni du sien, il ne s'est point soucié de pareilles sûretés.

      FALSTAFF. – Qu'il soit damné comme le riche glouton 6, et la langue encore plus chaude! Le matin d'Achitophel! Un misérable, un vrai maraud, qui vous tient un gentilhomme le bec dans l'eau, et va chicaner sur des sûretés! Ces canailles à têtes chauves ne portent plus que des souliers à talons hauts et de gros paquets de clefs à leur ceinture; et, si l'on veut entrer avec eux dans quelque honnête marché à crédit, ils vous arrêtent sur les sûretés. J'aimerais autant qu'ils me missent de la mort aux rats dans la bouche, que de venir me la fermer avec leurs sûretés. Je m'attendais qu'il allait m'envoyer vingt-deux aunes de satin: sur mon Dieu, comme je suis loyal chevalier, j'y comptais; et ce misérable-là m'envoie des sûretés! Eh bien, il n'a qu'à dormir en sûreté; car il porte la corne d'abondance, et l'on voit les légèretés 7 de sa femme briller au travers, et lui n'en voit rien, malgré la lanterne qu'il porte pour s'éclairer. – Où est Bardolph?

      LE PAGE. – Il est allé à Smithfield pour acheter un cheval à votre seigneurie.

      FALSTAFF. – Je l'ai acheté à Saint-Paul 8, lui, et il va m'acheter un cheval à Smithfield! Si je pouvais seulement raccrocher une femme dans la rue, il ne me faudrait plus que cela pour être servi, monté et marié de la même manière.

(Entre le lord grand juge, et un huissier.)

      LE PAGE. – Monsieur, voilà le lord juge qui a envoyé le prince en prison, pour l'avoir frappé à l'occasion de Bardolph 9.

      FALSTAFF. – Suis-moi promptement; je ne veux pas le voir.

      LE JUGE. – Quel est cet homme qui s'en va là-bas?

      L'HUISSIER. – C'est Falstaff, sous le bon plaisir de votre seigneurie.

      LE JUGE. – Celui qui était impliqué dans l'affaire du vol?

      L'HUISSIER. – Oui, milord, c'est lui-même: mais depuis ce temps-là il a bien servi à Shrewsbury; et, à ce que j'entends dire, il va partir chargé de quelque commission pour Son Altesse Royale de Lancastre.

      LE JUGE. – Quoi! il part pour York? Rappelez-le.

      L'HUISSIER. – Sir Jean Falstaff?

      FALSTAFF, au page. – Mon garçon, dis-lui que je suis sourd.

      LE PAGE. – Parlez plus haut: mon maître est sourd.

      LE JUGE. – Je suis bien sûr qu'il est sourd à tout ce qu'on peut lui dire de bon. Allez, tirez-le par le coude. Il faut absolument que je lui parle.

      L'HUISSIER. – Sir Jean?

      FALSTAFF. – Qu'est-ce qu'il y a? Comment, maraud, jeune comme tu l'es, mendier! N'y a-t-il pas une guerre? N'y a-t-il pas de l'emploi? Le roi n'a-t-il pas besoin de sujets? Les rebelles, de soldats? Quoiqu'il n'y ait qu'un seul parti qu'on puisse suivre avec honneur, il est encore plus honteux de mendier que de suivre le plus mauvais, fût-il même encore cent fois plus odieux que le nom de rébellion ne peut le faire.

      L'HUISSIER. – Monsieur, vous me prenez pour un autre.

      FALSTAFF. – Eh quoi! monsieur? Est-ce que je vous ai dit que vous étiez un honnête homme? Sauf le respect que je dois à ma qualité de chevalier et à mon état militaire, j'en aurais menti par la gorge, si je l'avais dit.

      L'HUISSIER. – Eh bien, je vous en prie, monsieur, mettez donc votre qualité de chevalier et votre état militaire de côté, et permettez-moi de vous dire que vous en avez menti par la gorge, si vous osez dire que je suis autre chose qu'un honnête homme.

      FALSTAFF. – Moi, que je te permette de me parler ainsi? Que je mette de côté ce qui tient à mon existence? Si tu obtiens jamais cette permission-là de moi, je veux bien que tu me pendes; et si tu la prends, il vaudrait mieux pour toi que tu fusses pendu, infâme happe-chair; veux-tu courir, gredin?

      L'HUISSIER. – Monsieur, milord voudrait vous parler.

      LE JUGE. – Sir Jean Falstaff, je voudrais vous dire un mot.

      FALSTAFF. – Ah! mon cher lord, je souhaite bien le bonjour à votre seigneurie: je suis enchanté de voir votre seigneurie sortie; on m'avait dit que votre seigneurie était malade; j'espère sans doute que c'est par avis de médecin que votre seigneurie prend l'air. Quoique votre seigneurie ne soit pas encore tout à fait hors de la jeunesse, cependant elle ne laisse pas d'avoir déjà un avant-goût de maturité et de se ressentir un peu des amertumes de l'âge: permettez donc que je supplie en grâce votre seigneurie d'avoir le soin le plus attentif de sa santé.

      LE JUGE. – Sir Jean, je vous avais fait demander avant votre expédition de Shrewsbury.

      FALSTAFF. – Avec votre permission, on dit que Sa Majesté est revenue du pays de Galles avec quelques chagrins.

      LE JUGE. – Je ne parle pas de Sa Majesté. Vous ne vous êtes pas soucié de venir, lorsque je vous ai envoyé chercher.

      FALSTAFF. – Et on dit même que Sa Majesté a eu une nouvelle attaque de cette coquine d'apoplexie.

      LE JUGE. – Eh bien, que Dieu veuille la guérir! mais écoutez ce que j'ai à vous dire.

      FALSTAFF. – Cette apoplexie est, à ce que je m'imagine, une espèce de léthargie; n'est-ce pas, milord? comme qui dirait un assoupissement du sang, un coquin de tintement dans les oreilles.

      LE JUGE. – Qu'est-ce que vous me contez là? Qu'elle soit ce qu'elle voudra.

      FALSTAFF. – Cela vient de beaucoup de chagrin, de l'étude et des tourments d'esprit. J'ai lu la cause de ses effets dans Galien; c'est une espèce de surdité.

      LE JUGE. – Je crois, ma foi, que vous tenez aussi un peu de cette surdité-là; car vous n'entendez rien de ce que je vous dis.

      FALSTAFF. – Fort bien dit, milord, fort bien: ou plutôt, avec votre permission, c'est la maladie de ne pas écouter, l'infirmité de ne pas faire attention, dont je suis attaqué.

      LE JUGE. – Une correction par les talons pourrait guérir le défaut d'attention de vos oreilles. C'est ce qui ne m'embarrassera guère si je deviens votre médecin.

      FALSTAFF. – Je suis bien aussi pauvre que Job, milord, mais pas tout à fait si patient que lui. Dans le premier cas, votre seigneurie peut bien, si cela lui plaît, m'administrer la recette de l'emprisonnement à cause de ma pauvreté: mais jusqu'à quel point votre patient consentirait-il à suivre vos ordonnances, c'est en quoi les savants pourraient bien admettre quelques parties de scrupule, et peut-être même un scrupule tout entier.

      LE JUGE. – Je vous ai envoyé chercher, pour me parler sur des choses où il n'allait pas moins que de votre vie.

      FALSTAFF. – Et comme j'ai été conseillé par mon


<p>3</p>

I was never manned with an agate till now. Il paraît que l'agate au doigt était le signe de dignité d'un alderman. Le peu d'épaisseur de la pierre, et les figures qu'elle représente, en font assez souvent dans Shakspeare un objet de comparaison pour des figures minces et petites. Manned signifie servi, pourvu d'un valet (man). Selon toute apparence, il signifiait aussi du temps de Shakspeare, qui a la main garnie; man dans le sens de main, est encore en anglais la racine de plusieurs mots; dans cette supposition manned produirait ici un jeu de mots, ce qui est toujours probable.

<p>4</p>

Ceci fait probablement allusion à la tonte du drap, qui est une des dernières opérations de sa fabrication.

<p>5</p>

He may keep it still as ou (selon les anciennes éditions) at a face-royal, for a barber shall never earn six pence out of it. Face-royal signifie certainement ici autre chose que royal face. C'était, selon toute apparence, le nom d'une pièce de monnaie, d'une valeur assez considérable, et le sens de la plaisanterie de Falstaff serait alors que le prince la conservera dans toute sa valeur, car un barbier ne gagnera jamais six pence dessus. Voilà ce qu'on y peut voir de plus clair; on trouvera souvent dans le cours de cette pièce des allusions aux usages du temps qu'il est impossible de traduire littéralement, et même d'expliquer tout à fait clairement.

<p>6</p>

Le mauvais riche.

<p>7</p>

The lightness, légèreté et clarté.

<p>8</p>

Saint-Paul passait pour le rendez-vous des escrocs et des mauvais sujets.

<p>9</p>

La tradition commune, suivie ici par Shakspeare, c'est que le lord grand juge Gascoygne, dont il est ici question, ayant fait arrêter pour félonie un des domestiques du jeune Henri, prince de Galles, celui-ci se rendit au tribunal pour demander qu'on le remît en liberté, et sur le refus du grand juge, se mit en devoir de le délivrer par force, et qu'alors le grand juge lui ayant commandé de se retirer, Henri s'emporta jusqu'à le frapper sur son tribunal. Cependant sir Thomas Elyot, qui écrivait sous Henri VI, dit simplement, en rapportant ce fait, que le prince s'avança vers le grand juge dans une telle fureur qu'on crut qu'il allait le tuer, ou lui faire quelque outrage; mais que le juge, sans se déranger de son siége, avec une contenance pleine de majesté, l'arrêta par les paroles suivantes:

«Monsieur, souvenez-vous que je tiens ici la place du roi, votre souverain seigneur et père, à qui vous devez une double obéissance. Je vous ordonne donc en son nom de vous désister sur-le-champ de votre entreprise téméraire et illégale, et de donner désormais bon exemple à ceux qui seront un jour vos sujets; quant à présent, pour votre désobéissance et mépris de la loi, vous vous rendrez à la prison du banc du roi, où je vous constitue prisonnier, et vous y demeurerez jusqu'à ce que le roi votre père ait fait connaître sa volonté.»

Sur quoi, le prince, frappé de respect, déposant aussitôt son épée, se rendit en prison. Shakspeare a suivi la version de Hollinshed, qui, d'après Hall, rapporte que le prince frappa le grand juge. Il suppose aussi, d'après le même écrivain, qu'à cette occasion Henri perdit sa place au conseil, où il fut remplacé par son frère Jean de Lancastre (voy. la 1re partie d'Henri IV, acte III, scène II.) Mais ce fait paraîtrait en contradiction avec les paroles que prononça, dit-on, le roi à cette occasion, et que Shakspeare lui-même rapporte à la fin de la seconde partie d'Henri IV, dans le discours qu'il prête à Henri V devenu roi: au surplus, ce discours et la circonstance qui y donne occasion, sont, autant qu'on en peut juger, une invention du poëte. Il paraît constant que le grand juge Gascoygne mourut avant Henri IV, vers la fin de 1412. Hume rapporte comme Shakspeare la conduite de Henri V avec Gascoygne. On serait tenté de croire qu'il n'a eu sur ce point d'autre autorité que le poëte dont il emprunte à peu près les expressions.