Le magasin d'antiquités, Tome II. Чарльз Диккенс. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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complimentait la mère de Barbe sur sa fille, et la mère de Barbe complimentait la mère de Kit sur son fils; Barbe elle-même était au mieux avec le petit Jacob; mais aussi, jamais enfant ne sut mieux que celui-ci accourir quand on l'appelait, ni se faire comme lui des amis.

      «Et dire que nous sommes veuves toutes les deux, dit la mère de Barbe. Vrai! nous étions nées pour nous connaître.

      – Je n'en doute nullement, répondit mistress Nubbles. Et combien je regrette que nous ne nous soyons pas connues plus tôt!

      – Mais, dit la mère de Barbe, il est si doux que la connaissance se fasse par un fils et une fille! Cela fait plaisir complet; n'est-il pas vrai?»

      La mère de Kit donna un plein assentiment à ces paroles. Toutes deux, remontant des effets aux causes, revinrent à leurs maris défunts, dont elles passèrent en revue la vie, la mort, l'enterrement; elles comparèrent leurs souvenirs, et découvrirent diverses circonstances qui concordaient avec une exactitude surprenante; par exemple, que le père de Barbe n'avait vécu que quatre ans dix mois de plus que le père de Kit; que l'un était mort un mercredi et l'autre un jeudi; que tous deux étaient de bonne façon et de bonne mine, sans compter d'autres coïncidences extraordinaires. Ces souvenirs étant de nature à jeter un voile de tristesse sur la gaieté d'un jour de fête, Kit ramena la conversation à des sujets généraux, comme la beauté merveilleuse de Nell, dont il avait parlé à Barbe plus de mille fois déjà. Mais cette circonstance fut loin d'exciter chez les assistants l'intérêt que Kit avait supposé. Sa mère dit même, en regardant Barbe en même temps, par hasard sans doute, que miss Nell était assurément fort jolie, mais que ce n'était qu'une enfant, après tout, et qu'il y avait bien des jeunes femmes aussi jolies qu'elle; Barbe, de son côté, fit observer doucement qu'elle pensait de même et qu'elle ne pouvait s'empêcher de croire que M. Christophe fût dans l'erreur; assertion contre laquelle Kit se récria, ne concevant pas quelle raison elle avait de douter de ce qu'il disait. La mère de Barbe dit aussi qu'on voyait souvent une jeunesse changer vers quatorze ou quinze ans, et après avoir été d'abord très-belle, devenir tout à coup très-ordinaire; vérité qu'elle appuya d'exemples mémorables. Elle cita entre autres un maçon de grande espérance, qui même avait eu pour Barbe des attentions suivies, mais Barbe n'y avait pas répondu, et vraiment, quoiqu'elle ne voulût pas la contrarier là-dessus, elle ne pouvait pas s'empêcher de dire que c'était dommage. Kit fut de l'avis de la mère, et il le disait sincèrement, s'étonnant de voir Barbe devenir toute sérieuse depuis ce temps-là, et le regarder comme pour lui dire qu'il aurait aussi bien fait de se taire.

      Cependant l'heure était arrivée de songer au spectacle, pour lequel on avait fait de grands préparatifs en châles et chapeaux, sans compter un mouchoir plein d'oranges et un autre rempli de pommes qu'ils eurent quelque peine à nouer, car ces fruits rebelles avaient une tendance à s'échapper par les coins. Enfin, tout étant prêt, ils partirent d'un bon pas. La mère de Kit tenait à la main le plus petit des enfants qui était terriblement éveillé; Kit conduisait le petit Jacob et donnait le bras à Barbe; ce qui faisait dire aux deux mères qui venaient par derrière qu'ils semblaient tous ne faire qu'une seule et même famille. Barbe rougit et s'écria: «Finissez donc, maman.» Mais Kit lui dit qu'elle ne devait pas se mêler de ce que disaient ces dames; et en vérité elle eût aussi bien fait de ne pas y prendre garde, si elle eût su combien il était loin de songer à lui faire la cour. Pauvre Barbe!

      Enfin, ils arrivèrent au théâtre; c'était le cirque d'Astley. À peine se trouvaient-ils depuis deux minutes devant la porte fermée encore, que le petit Jacob fut rudement pressé, que le poupon reçut plusieurs meurtrissures, que le parapluie de la mère de Barbe fut emporté à vingt pas et lui revint par-dessus les épaules de la foule, que Kit frappa un individu sur la tête avec le mouchoir rempli de pommes, pour avoir poussé violemment sa mère, et qu'il s'éleva à ce sujet une vive rumeur. Mais lorsqu'ils eurent passé le contrôle et se furent frayé un chemin, au péril de leur vie, avec leurs contre-marques à la main; lorsqu'ils furent bel et bien dans la salle, assis à des places aussi bonnes que s'ils les eussent retenues d'avance, toutes les fatigues précédentes furent considérées comme un jeu, peut-être même comme une partie essentielle des plaisirs du spectacle.

      Mon Dieu! mon Dieu! qu'il leur parut beau, ce théâtre d'Astley! avec ses peintures, ses dorures, ses glaces, avec la vague odeur de chevaux qui faisait pressentir les merveilles dont on allait jouir; avec le rideau qui cachait de si prodigieux mystères, la sciure de bois blanc fraîchement semée dans le cirque, la foule entrant et prenant ses places, les musiciens qui regardaient les spectateurs avec indifférence tout en accordant leurs instruments, comme s'ils n'avaient pas besoin de voir le spectacle pour commencer et comme s'ils savaient la pièce par coeur! Quel éclat se répandit partout autour d'eux lorsque la longue et lumineuse rangée des quinquets de la rampe monta lentement! et quel transport fébrile quand la petite sonnette retentit et que l'orchestre attaqua vivement l'ouverture avec roulement de tambours et accompagnement harmonieux de triangle! La mère de Barbe dit avec raison à la mère de Kit que la galerie était le meilleur endroit pour bien voir, et s'étonna de ce que les places n'y coûtaient pas beaucoup plus cher que celles des loges. Dans l'excès de son plaisir, Barbe ne savait si elle devait rire ou pleurer.

      Et le spectacle donc, ce fut bien autre chose! Les chevaux, que le petit Jacob reconnut tout de suite pour être en vie; et les dames et les messieurs, à la réalité desquels rien ne put jamais le faire croire, parce qu'il n'avait rien vu ni entendu de sa vie qui leur ressemblât; les pièces d'artifice qui firent fermer les yeux à Barbe; la Dame abandonnée, qui la fit pleurer; le Tyran, qui la fit trembler; l'homme qui chanta une chanson avec la suivante de la Dame et dansa au refrain, ce qui fit rire Barbe; le poney qui se dressa sur ses jambes de derrière, à l'aspect du meurtrier, et ne voulut pas marcher sur ses quatre pieds avant que le coupable eût été arrêté; le Clown qui se permit des familiarités avec le militaire en bottes à l'écuyère; la Dame qui s'élança par-dessus vingt-neuf rubans et tomba saine et sauve sur un cheval; tout était délicieux, splendide, surprenant. Le petit Jacob applaudissait à s'en écorcher les mains; il criait: «Encore!» à la fin de chaque scène, même quand les trois actes de la pièce furent terminés; et la mère de Barbe, dans son enthousiasme, frappa de son parapluie sur le plancher, au point d'user le bout jusqu'au coton.

      Malgré cela, au milieu de ces tableaux magiques, les pensées de Barbe semblaient la ramener encore à ce que Kit avait dit au moment où on prenait le thé. En effet, tandis qu'ils revenaient du théâtre, elle demanda au jeune homme, avec un sourire tendre, si miss Nell était aussi jolie que la dame qui avait sauté par-dessus les rubans.

      «Aussi jolie que celle-là! dit Kit. Deux fois plus jolie.

      – Oh! Christophe, dit Barbe, je suis sûre que cette dame est la plus belle créature qu'il y ait au monde.

      – Quelle bêtise! répliqua-t-il. Elle n'est pas mal, je ne le nie pas; mais songez comme elle était peinte et bien habillée, et quelle différence cela fait. Tenez, vous, Barbe, vous êtes beaucoup mieux qu'elle.

      – Oh! Christophe!.. murmura Barbe en baissant les yeux.

      – Oui, vous êtes mieux que ça tous les jours, votre mère aussi.»

      Pauvre Barbe!

      Mais qu'est-ce que tout cela, oui, tout cela, en comparaison de la prodigalité folle de Kit, lorsqu'il entra dans une boutique d'huîtres avec autant d'aplomb que s'il y eût eu son domicile et, sans daigner regarder le comptoir ni l'homme qui y était assis, conduisit sa société dans un cabinet, un cabinet particulier, garni de rideaux rouges, d'une nappe et d'un porte-huilier complet, et qu'il ordonna à un gentleman qui avait des favoris et qui, en qualité de garçon, l'avait appelé lui Christophe Nubbles «Monsieur», d'apporter trois douzaines de ses plus grandes huîtres et de se dépêcher! Oui, Kit dit à ce gentleman de se dépêcher; et non-seulement le gentleman répondit qu'il allait se dépêcher, mais il le fit et revint en courant apporter les pains les plus tendres, le beurre le plus frais et les plus grandes huîtres qu'on eût jamais vues. Alors Kit dit à ce gentleman:

      «Un pot de bière!» juste sur le même ton; et le gentleman, au lieu de répondre:

      «Monsieur, est-ce à moi que vous parlez?» se borna