Les chasseurs de chevelures. Reid Mayne. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Reid Mayne
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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qui avait ete la cause immediate du tumulte; les autres etaient des pelados. Ma nouvelle connaissance, l'homme a la manga pourpre n'etait plus la. Ma fandanguera avait egalement disparu, ainsi que su marido, et, en regardant a ma main gauche, je reconnus que mon diamant aussi avait disparu.

      – Saint-Vrain! Saint-Vrain! criai-je en voyant la figure de mon ami se montrer a la porte.

      – Ou etes-vous, Haller, mon vieux camarade? Comment allez-vous? bien, j'espere?

      – Pas tout a fait, je crains.

      – Bon Dieu! qu'y a-t-il donc? Aie! vous avez recu un coup de couteau dans les reins! Ce n'est pas dangereux, j'espere. Otons vos habits que je voie cela.

      – Si nous regagnions d'abord ma chambre?

      – Allons! tout de suite, mon cher garcon; appuyez-vous sur moi; appuyez, appuyez-vous!

      Le fandango etait fini.

      VII

      SEGUIN LE CHASSEUR DE SCALPS

      J'avais eu precedemment le plaisir de recevoir une blessure sur le champ de bataille. Je dis le plaisir; sous certains rapports, les blessures ont leur charme. On vous a transporte sur une civiere en lieu de surete; un aide de camp, penche sur le cou de son cheval ecumant, annonce que l'ennemi est en pleine deroute, et vous delivre ainsi de la crainte d'etre transperce par quelque lancier moustachu; un chirurgien se penche affectueusement vers vous, et, apres avoir examine pendant quelque temps votre blessure, vous dit: Ce n'est qu'une egratignure, et vous serez gueri avant une ou deux semaines. Alors vous apparaissent les visions de la gloire, de la gloire chantee par les gazettes; le mal present est oublie dans la contemplation des triomphes futurs, des felicitations des amis, des tendres sourires de quelque personne plus chere encore. Reconforte par ces esperances, vous restez etendu sur votre dur lit de camp, remerciant presque la balle qui vous a traverse la cuisse, ou le coup de sabre qui vous a ouvert le bras. Ces emotions, je les avais ressenties. Combien sont differents les sentiments qui vous agitent quand on agonise des suites d'une blessure due au poignard d'un assassin!

      J'etais surtout fort inquiet de savoir quelle pouvait etre la profondeur de ma blessure. Etais-je mortellement atteint? Telle est la premiere question que l'on s'adresse quand on s'est senti frappe. Il est rare que le blesse puisse se rendre compte du plus ou moins de gravite de son etat. La vie peut s'echapper avec le sang a chaque pulsation des arteres, sans que la souffrance depasse beaucoup celle d'une piqure d'epingle. En arrivant a la fonda, je tombai epuise sur mon lit. Saint-Vrain fendit ma blouse de chasse depuis le haut jusqu'en bas, et commenca par examiner la plaie. Je ne pouvais voir la figure de mon ami, puisqu'il etait derriere moi, et j'attendais avec impatience.

      – Est-ce profond? demandai-je.

      – Pas aussi profond qu'un puits et moins large qu'une voie de wagon, me fut-il repondu. Vous etes sauf, mon vieux camarade. Remerciez-en Dieu, et non l'homme qui vous a coutele, car le gredin a fait tout ce qu'il a pu pour vous expedier. C'est un coup de couteau espagnol, et c'est une terrible blessure. Par le Seigneur! Haller, il s'en est peu fallu! un pouce de plus, et l'epine dorsale etait atteinte, mon garcon? Mais vous etes sauf, je vous l'assure. Gode, passez-moi cette eponge!

      – Sacr-ree!.. murmura Gode avec toute l'energie francaise pendant qu'il tendait l'eponge humide.

      Je sentis le frais de l'eau, puis une compresse de coton fin et tout neuf, ce qu'on put trouver de mieux dans ma garde-robe, fut appliquee sur la blessure, et fixee avec des bandes. Le plus adroit chirurgien n'aurait pas fait mieux.

      – Voila qui est bien arrange, ajouta Saint-Vrain, en posant la derniere epingle et en me placant dans la position la plus commode. Mais qui donc a provoque cette bagarre, et comment avez-vous fait pour y jouer un pareil role? Et j'etais dehors, malheureusement!

      – Avez-vous remarque un homme d'une tournure etrange?

      – Qui? celui qui portait une manga rouge?

      – Oui.

      – Qui etait assis pres de nous?

      – Oui.

      – Ah! je ne m'etonne pas que vous lui ayez trouve une tournure etrange, et il est plus etrange encore qu'il ne parait. Je l'ai vu, je le connais, et peut-etre suis-je le seul de tous ceux qui etaient la qui puisse en dire autant. Si; il y en avait un autre, continua Saint-Vrain avec un singulier sourire; mais ce qui m'intrigue, c'est de savoir pourquoi il se trouvait la. Armijo ne doit pas l'avoir vu. Mais continuez.

      Je racontai a Saint-Vrain toute ma conversation avec l'etranger, et les incidents qui avaient mis fin au fandango.

      – C'est bizarre! tres-bizarre! Que diable peut-il avoir tant a faire de votre cheval? Courir deux cents milles, et offrir mille dollars!

      – Mefiez-vous capitaine! Gode me donnait le titre de capitaine depuis mon aventure avec les buffalos; si ce monsieur a fait deux cents mille et veut payer un mille, thousand dollars, pardieu! c'est que Moro lui plait diablement. Cela montre une grande passion pour ce cheval! why, pourquoi, puisqu'il en a tant envie, pourquoi ne le volerait-il pas?

      Je fus frappe de cette supposition, et me tournai vers Saint-Vrain.

      – Avec la permission du capitaine, je vais cacher le cheval, – continua le

      Canadien en se dirigeant vers la porte.

      – Ne vous tourmentez pas, vieux Nord-Ouest, du moins en ce qui concerne ce gentleman. Il ne volera pas votre cheval. Malgre cela, ce n'est pas une raison pour vous empecher de suivre votre idee et de cacher l'animal. Il y a assez de coquins a Santa-Fe pour voler les chevaux de tout un regiment. Ce que vous avez de mieux a faire, c'est de l'attacher tout pres de cette porte.

      Gode apres avoir envoye Santa-Fe et tous ses habitants a un pays ou il fait beaucoup plus chaud qu'au Canada, c'est-a-dire a tous les diables, se dirigea vers la porte et disparut.

      – Quel est donc cet homme? demandai-je, qui semble environne de tant de mysteres?

      – Ah! si vous saviez! Je vous raconterai, quand l'occasion s'en presentera, quelques episodes etranges; mais pas ce soir. Vous n'avez pas besoin d'etre excite. C'est le fameux Seguin, le chasseur de scalps.

      – Le chasseur de scalps!

      – Oui; vous avez sans doute entendu parler de lui, cela ne peut pas etre autrement pour peu que vous ayez parcouru la montagne.

      – J'en ai entendu parler. L'infame scelerat! l'egorgeur sans pitie d'innocentes victimes!..

      Une forme noire s'agita sur le mur, c'etait l'ombre d'un homme. Je levai les yeux. Seguin etait devant moi. Saint-Vrain, en le voyant entrer, s'etait retourne, et se tenait pres de la fenetre, semblant surveiller la rue. J'etais sur le point de continuer ma tirade en lui donnant la forme de l'apostrophe, et d'ordonner a cet homme de s'oter de devant mes yeux; mais je me sentis impressionne par la nature de son regard, et je restai muet. Je ne saurais dire s'il m'avait entendu ou s'il avait compris a qui s'adressaient les epithetes injurieuses que j'avais proferees; rien dans sa contenance ne trahissait qu'il en fut ainsi. Je remarquai seulement le meme regard qui m'avait tout d'abord attire, la meme expression de melancolie profonde. Se pouvait-il que cet homme fut l'abominable bandit dont j'avais entendu parler, l'auteur de tant d'atrocites horribles?

      – Monsieur, dit-il, voyant que je gardais le silence, je suis vivement peine de ce qui vous est arrive. J'ai ete la cause involontaire de ce malheur. Votre blessure est-elle grave?

      – Non, repondis-je avec une secheresse qui sembla le deconcerter.

      – J'en suis heureux, reprit-il apres une pause. Je venais vous remercier de votre genereuse intervention; je quitte Santa-Fe dans dix minutes, et je viens vous faire mes adieux.

      Il me tendit la main. Je murmurai le mot "adieu," mais sans repondre a son geste par un geste semblable. Les recits des cruautes atroces associees au nom de cet homme me revenaient a l'esprit, et je ressentais une profonde repulsion pour lui. Son bras demeura tendu et sa physionomie revetit une etrange expression quand il s'apercut que j'hesitais.

      – Je ne puis accepter votre main, lui dis-je enfin.

      – Et