Or, en ce qui concerne les proposants, le consistoire avait la plus grande peine à les entretenir et n’arrivait pas à leur donner ce qu’il leur avait promis. Il en était de même pour les pasteurs. Les gages qui leur étaient dus ne leur étaient pas versés. Nous verrons que le consistoire ne pouvait obtenir des fidèles les sommes auxquelles il les taxait pour l’entretien du ministère. Un Nîmois déclara qu’«il yroit plus tost baptizer son enfant à la messe que bailher rien à MM. les ministres140».
Pourtant, il ne faudrait pas croire que l’élément pastoral était en général dédaigné et n’avait pas d’influence. Seulement cette influence n’avait pas de caractère spécial. Le ministre n’a que l’autorité d’un membre du consistoire, peut-être plus respecté que les autres. La pureté de sa vie et son savoir lui valent une grande influence sur les fidèles, mais c’est la même que pourrait avoir un ancien placé dans les mêmes conditions.
Ce n’est plus l’influence du prêtre. Le principe du libre examen, en effet, donne à chacun le droit de se former son opinion sur le pasteur, de le récuser même. On peut venir en consistoire le reprendre sur sa doctrine141. Certains se livrent à des «enquêtes secrètes» sur «la doctrine et mœurs des pasteurs142». Il se forme en dehors du consistoire des «scindicatz pour diffamer les pasteurs, diminuer leur salaire, les chasser ou en requérir d’aultres» qui envoient des députations aux colloques et aux synodes143. Les conseils de villes ont le droit de nommer des députés pour se plaindre des ministres, et de les «envoyer aux assemblées ecclésiastiques, sans les consistoires144». Enfin, le consistoire peut censurer lui-même son ministre, ainsi que le fit celui de Gignac à M. Rossel qui ne voulait pas lui obéir, et ordonner «l’abaissement des cheveux de sa femme145», s’il ne préfère le faire juger par le colloque146. Chacun dans le troupeau se donne donc le droit de juger et d’apprécier les actes du pasteur de même que ceux d’un simple laïc.
Il résulte de cela que les ministres ne peuvent avoir sur les fidèles une influence d’un caractère spécial. La leur ne se distingue pas de celle du consistoire. Ils ont plus d’autorité qu’un ancien, mais une autorité du même genre. Et c’est pourquoi leur action sur le peuple ne peut être étudiée séparément de celle du consistoire avec laquelle elle se confond.
II
COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DU CONSISTOIRE
Composition: Fonctions du «diacre» et de l’«ancien». Nombre des membres du consistoire. Leur élection. Leur classe sociale. Oppositions. Entrée en charge. Division du travail. Employés.
Fonctionnement: Séances ordinaires. Leurs dates. Leur présidence. «Quorum» obligatoire. Séances de censure. «Consistoires extraordinaires». Ce qu’on entend par «actes consistoriaux».
Un consistoire se compose de diacres et d’anciens. Ces noms différents impliquaient à l’origine des fonctions distinctes. M. P. de Felice a montré que les diacres furent caractérisés tout d’abord par des devoirs pastoraux147. D’après un document attribué au réformateur Viret148, leur charge «consiste à la réception, distribution et administration des biens dediez aux povres et autres destituez à l’usage de l’église, comme à la nourriture des ministres et autres affaires ordinaires ou survenants149». Leur office est bien distinct de celui des anciens qui ont à «veiller sur les vices et scandales universellement de ceux qui sont du corps de l’église150». La Discipline précise d’une façon analogue les fonctions diaconales. «L’office des diacres (dit-elle) est de recueillir et distribuer par l’avis du consistoire les deniers des pauvres, des prisonniers et des malades, les visiter et en avoir soin151.»
Cependant, à Nîmes, à la fin du XVIe siècle, je ne trouve aucune distinction entre les fonctions de diacre et d’ancien. Tout d’abord, les diacres n’ont pas la direction des finances de l’église: en effet, les receveurs des deniers des pauvres et des deniers de l’église sont, au contraire, choisis parmi les anciens152; de plus, un synode provincial déclare responsables de l’entretien du pasteur les diacres et les anciens indistinctement153, et cette décision est acceptée théoriquement par l’église de Nîmes154. Les diacres n’ont pas davantage le devoir particulier de s’occuper des pauvres, car le 16 janvier 1602, le consistoire charge chaque «ancien» d’apporter le rôle de ses pauvres155, et l’hôpital est visité par «ung ministre accompagné d’aulcungz du concistoyre156», non pas spécialement de diacres. – Quant aux fonctions pastorales dont nous parle Viret, elles semblent passer aux proposants: la lecture en chaire est faite par des écoliers157. – En outre, je ne trouve dans le registre aucune mention des diacres-catéchistes dont parle M. de Felice158 (et à propos desquels il signale d’ailleurs que leurs fonctions tendent à passer aux proposants159), ni aucune trace de charges spéciales données aux diacres pendant la Cène160. – Enfin, ceux-ci sont députés aux colloques et synodes au même titre que les anciens161.
On peut conclure de tout cela que la distinction primitive entre les deux charges de diacre et d’ancien est, à cette époque, complètement abolie dans l’église de Nîmes.
Le nombre des membres d’un consistoire change suivant les lieux et même suivant les époques. Ainsi, à Nîmes, en 1596, il y a quatorze anciens162, mais les années suivantes, on en trouve quinze163; à Codognan, il n’y a que six anciens164, de même à Junas165; à La Salle, leur nombre oscille entre onze et quatorze, suivant les années166. La proportion des diacres et des anciens est variable également dans le consistoire. A Codognan, ils ne sont pas distingués et les membres sont tous compris sous la dénomination d’«anciens167». A Junas, il se trouve un seul diacre pour cinq «surveillans168». A Nîmes, il y a régulièrement un diacre pour deux anciens169.
Les élections se font à divers moments de l’année. A Codognan, les membres nouveaux entrent en charge en juillet, en août, en octobre, en novembre ou en décembre indifféremment, et ceci dans un intervalle de treize ans170. A Montdardier, comme à Nîmes, c’est à la fin et au commencement de l’année que se fait l’élection171. Le 5 janvier 1601, le consistoire de Nîmes décide qu’il est temps de changer les anciens «suyvant la coustume»; on commence par exhorter «tous ceulx du concistoire estans présens de demeurer pour l’année prochaine»; ceux qui refusent donnent leurs raisons, et on les remplace à la majorité des voix; les autres sont «continués» dans leur charge