Le Blé qui lève. Rene Bazin. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Rene Bazin
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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vais-je vivre maintenant? pour qui? pour moi tout seul? oh! que ça n'est guère!» Le monde, pour lui, finissait là, depuis que les compagnons rejetaient Gilbert Cloquet.

      Dans cette même nuit, le cœur battant d'orgueil, de vie et d'amour, Étienne Lureux prenait la traverse, descendait la colline, passait sur la levée, entre les étangs clairs sous la lune, et entrait dans la forêt, pour arriver plus vite au Pas-du-Loup. Il galopait sur le sol bourré d'herbes; il riait; il regardait, au-dessus des taillis, les nuages passer sur la lune et s'emplir de lumière. Puis, dans la grande solitude, s'arrêtant pour souffler, deux fois il cria: «Vive Marie Cloquet! Vive la plus belle fille de Fonteneilles, de Corbigny, de Saint-Saulge et de toute la terre!»

      Enfin, les pieds blancs de poussière et de boue, il arriva au hameau. Les cinq maisons, enveloppées par les bois, aux bords du chemin forestier, dormaient. Il s'approcha d'une fenêtre et dit tout bas: «Marie?» Il ne voulait pas que, de la maison en face, Ravoux pût le surprendre. Son visage devint tout pâle, et sa pensée d'angoisse y sculpta un autre visage. «Où est-elle? Morte? Échappée? Marie?» Puis tout à coup, la jeunesse y reparut; les traits se détendirent dans la joie; le contrevent s'ouvrit, et la tête décoiffée de Marie, aux yeux fermés par la demi-lumière de la nuit, se tendit au baiser de l'homme.

      – Marie, j'arrive de la ferme de Vaux!

      – Tu l'as vu?

      – Il n'a pas osé dire non…

      – Ah! quelle chance, mon petit Lureux!

      Elle demanda, souriant dans le sommeil:

      – A-t-il promis de la galette?

      – Je n'y ai pas pensé.

      – T'es bête, mon pauvre garçon, il en a!

      Il causa deux minutes, et, comme il avait promis de ne pas s'arrêter, voulant ne pas trop longtemps mentir à sa promesse, il embrassa de nouveau la jeune fille ardemment, reprit la gibecière qu'il avait déposée à terre, sauta d'un bond jusqu'au milieu du chemin forestier, et s'échappa. Marie, la tête dans l'ouverture des contrevents, les yeux grands, les lèvres rieuses, le cœur gonflé d'orgueil, regardait l'homme qui l'arracherait à la vie dépendante et à l'ombre de ces bois où il disparaissait.

      Peu après, Étienne Lureux épousa Marie Cloquet. Le père, voyant sa fille éprise de ce joli homme, ne sut rien refuser. Il céda à cette sorte d'éblouissement où le bonheur des enfants jette parfois les mères; il crut tout ce qu'elle affirmait; il voulut tout ce qu'elle demanda. Pour qu'elle fût plus heureuse qu'il n'avait jamais été, il lui prêta tout son argent, quatre mille francs qu'il avait, en se privant toute sa vie, économisés et placés. Le rêve du père fut réalisé par la fille. Marie prit à bail une petite ferme de douze hectares nommée l'Épine, toute proche de la forêt, enclavée presque entièrement dans le domaine de Fonteneilles, et qui, vendue en justice, après la mort d'un paysan propriétaire de Crux-la-Ville, avait été achetée tout récemment par le principal créancier hypothécaire, un négociant d'Avallon. Elle eut une domestique, qui faisait tout le gros ouvrage, un mobilier neuf, des vaches, des brebis, deux juments, des bijoux lourds et peu titrés, et le droit de regarder de haut ses anciennes compagnes les lingères, coureuses de journées. Il est vrai qu'elle devait beaucoup d'argent dès son entrée en ferme, sans compter l'emprunt fait au père. Mais Lureux jurait qu'en moins de cinq années, il se faisait fort de ne devoir plus rien à personne. En vain la mère Justamond, matrone qui parlait franc, avait dit à son voisin, la veille de la signature de l'acte: «Excusez-moi si j'ai l'air de m'occuper de vos affaires, Gilbert Cloquet, mais faut pas tout donner aux enfants. Ils prennent ce qu'on leur donne, comme si c'était leur dû. Ils promettent de la reconnaissance, mais c'est une graine qui ne lève guère souvent.» Il avait répondu: «Mère Justamond, j'ai travaillé pour ma femme, et elle est morte. J'ai travaillé pour les camarades, et ils commencent à me lâcher. J'essaye à présent d'avoir l'amitié de ma fille et de mon gendre: faut me laisser faire.»

      Depuis lors, plus de sept années s'étaient écoulées, et bien des choses, autour de Gilbert, avaient changé.

      La Nièvre, tout au moins dans la partie vallonnée de Corbigny, de Saint-Saulge et de Saint-Benin-d'Azy, était devenue un grand pays d'élevage. Les bœufs blancs, les vaches blanches, les chevaux de trait, au poil noir, erraient en troupes deux fois plus nombreuses dans les pâturages. Et les pâturages, pour les nourrir, s'étaient multipliés. L'herbe avait monté du creux des vallées sur le flanc des coteaux. Elle remplaçait les froments et les seigles; elle mordait les héritages de tout temps réservés aux chenevières. Le beau mamelon de la Vigie, au sommet jadis labouré chaque année, était maintenant tout en haut lisse et vert comme une émeraude, et plus de la moitié des terres qui couvrent les pentes portaient la même verdure sans cesse remontante, et qui n'est ressemée qu'après un temps bien long. Tout ce massif nivernais ressemblait à un parc. Le silence augmentait dans la campagne moins travaillée. Quelque chose de primitif et d'apaisé y rentrait, avec l'ombre des bois tournant sur les prairies. On voyait, aux foires de Corbigny ou de Saint-Saulge, plus de deux mille têtes de bétail rassemblées. Les marchands de toute la France et de l'étranger affluaient. Les fermiers devenaient riches. Mais les journaliers se plaignaient, car il y avait moins de mottes à remuer, moins de moissons à couper. Les machines aussi leur volaient des journées, par centaines. Depuis longtemps on ne battait plus au rouleau, et les fléaux, à cheval sur les solives, ne remuaient plus qu'au vent qui passe entre les tuiles. C'étaient maintenant le semoir, la faucheuse, la faneuse, la moissonneuse, qui faisaient la besogne antique des hommes.

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