La reine Margot. Alexandre Dumas. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Alexandre Dumas
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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si vous avez ce Henri de Navarre près de vous toute cette nuit…

      – Toute cette nuit?

      – Oui; serez-vous certaine qu’il ne sera pas près d’une autre?

      – Ah! si vous faites cela, Sire, s’écria à son tour la dame de Sauve.

      – Foi de gentilhomme, je le ferai. Madame de Sauve leva ses grands yeux humides de voluptueuses promesses et sourit au roi, dont le cœur s’emplit d’une joie enivrante.

      – Voyons, reprit Henri, en ce cas, que direz-vous?

      – Oh! en ce cas, répondit Charlotte, en ce cas je dirai que je suis véritablement aimée de Votre Majesté.

      – Ventre-saint-gris! vous le direz donc, car cela est, baronne.

      – Mais comment faire? murmura madame de Sauve.

      – Oh! par Dieu! baronne, il n’est point que vous n’ayez autour de vous quelque camérière, quelque suivante, quelque fille dont vous soyez sûre?

      – Oh! j’ai Dariole, qui m’est si dévouée qu’elle se ferait couper en morceaux pour moi: un véritable trésor.

      – Sang-diou! baronne, dites à cette fille que je ferai sa fortune quand je serai roi de France, comme me le prédisent les astrologues.

      Charlotte sourit; car dès cette époque la réputation gasconne du Béarnais était déjà établie à l’endroit de ses promesses.

      – Eh bien, dit-elle, que désirez-vous de Dariole?

      – Bien peu de chose pour elle, tout pour moi.

      – Enfin?

      – Votre appartement est au-dessus du mien?

      – Oui.

      – Qu’elle attende derrière la porte. Je frapperai doucement trois coups; elle ouvrira, et vous aurez la preuve que je vous ai offerte.

      Madame de Sauve garda le silence pendant quelques secondes; puis, comme si elle eût regardé autour d’elle pour n’être pas entendue, elle fixa un instant la vue sur le groupe où se tenait la reine mère; mais si court que fut cet instant, il suffit pour que Catherine et sa dame d’atours échangeassent chacune un regard.

      – Oh! si je voulais, dit madame de Sauve avec un accent de sirène qui eût fait fondre la cire dans les oreilles d’Ulysse, si je voulais prendre Votre Majesté en mensonge.

      – Essayez, ma mie, essayez…

      – Ah! ma foi! j’avoue que j’en combats l’envie.

      – Laissez-vous vaincre: les femmes ne sont jamais si fortes qu’après leur défaite.

      – Sire, je retiens votre promesse pour Dariole le jour où vous serez roi de France. Henri jeta un cri de joie.

      C’était juste au moment où ce cri s’échappait de la bouche du Béarnais que la reine de Navarre répondait au duc de Guise:

      «Noctu pro more: Cette nuit comme d’habitude.»

      Alors Henri s’éloigna de madame de Sauve aussi heureux que l’était le duc de Guise en s’éloignant lui-même de Marguerite de Valois.

      Une heure après cette double scène que nous venons de raconter, le roi Charles et la reine mère se retirèrent dans leurs appartements; presque aussitôt les salles commencèrent à se dépeupler, les galeries laissèrent voir la base de leurs colonnes de marbre. L’amiral et le prince de Condé furent reconduits par quatre cents gentilshommes huguenots au milieu de la foule qui grondait sur leur passage. Puis Henri de Guise, avec les seigneurs lorrains et les catholiques, sortirent à leur tour, escortés des cris de joie et des applaudissements du peuple.

      Quant à Marguerite de Valois, à Henri de Navarre et à madame de Sauve, on sait qu’ils demeuraient au Louvre même.

      II. La chambre de la reine de Navarre

      Le duc de Guise reconduisit sa belle-sœur, la duchesse de Nevers, en son hôtel qui était situé rue du Chaume, en face de la rue de Brac, et après l’avoir remise à ses femmes, passa dans son appartement pour changer de costume, prendre un manteau de nuit et s’armer d’un de ces poignards courts et aigus qu’on appelait une foi de gentilhomme, lesquels se portaient sans l’épée; mais au moment où il le prenait sur la table où il était déposé, il aperçut un petit billet serré entre la lame et le fourreau.

      Il l’ouvrit et lut ce qui suit:

      «J’espère bien que M. de Guise ne retournera pas cette nuit au Louvre, ou, s’il y retourne, qu’il prendra au moins la précaution de s’armer d’une bonne cotte de mailles et d’une bonne épée.»

      – Ah! ah! dit le duc en se retournant vers son valet de chambre, voici un singulier avertissement, maître Robin. Maintenant faites-moi le plaisir de me dire quelles sont les personnes qui ont pénétré ici pendant mon absence.

      – Une seule, Monseigneur.

      – Laquelle?

      – M. du Gast.

      – Ah! ah! En effet, il me semblait bien reconnaître l’écriture. Et tu es sûr que du Gast est venu, tu l’as vu?

      – J’ai fait plus, Monseigneur, je lui ai parlé.

      – Bon; alors je suivrai le conseil. Ma jaquette et mon épée.

      Le valet de chambre, habitué à ces mutations de costumes, apporta l’une et l’autre. Le duc alors revêtit sa jaquette, qui était en chaînons de mailles si souples que la trame d’acier n’était guère plus épaisse que du velours; puis il passa par-dessus son jaque des chausses et un pourpoint gris et argent, qui étaient ses couleurs favorites, tira de longues bottes qui montaient jusqu’au milieu de ses cuisses, se coiffa d’un toquet de velours noir sans plume ni pierreries, s’enveloppa d’un manteau de couleur sombre, passa un poignard à sa ceinture, et, mettant son épée aux mains d’un page, seule escorte dont il voulût se faire accompagner, il prit le chemin du Louvre.

      Comme il posait le pied sur le seuil de l’hôtel, le veilleur de Saint-Germain-l’Auxerrois venait d’annoncer une heure du matin.

      Si avancée que fût la nuit et si peu sûres que fussent les rues à cette époque, aucun accident n’arriva à l’aventureux prince par le chemin, et il arriva sain et sauf devant la masse colossale du vieux Louvre, dont toute les lumières s’étaient successivement éteintes, et qui se dressait, à cette heure, formidable de silence et d’obscurité.

      En avant du château royal s’étendait un fossé profond, sur lequel donnaient la plupart des chambres des princes logés au palais. L’appartement de Marguerite était situé au premier étage.

      Mais ce premier étage, accessible s’il n’y eût point eu de fossé, se trouvait, grâce au retranchement, élevé de près de trente pieds, et, par conséquent, hors de l’atteinte des amants et des voleurs, ce qui n’empêcha point M. le duc de Guise de descendre résolument dans le fossé.

      Au même instant, on entendit le bruit d’une fenêtre du rez-de-chaussée qui s’ouvrait. Cette fenêtre était grillée; mais une main parut, souleva un des barreaux descellés d’avance, et laissa pendre, par cette ouverture, un lacet de soie.

      – Est-ce vous, Gillonne? demanda le duc à voix basse.

      – Oui, Monseigneur, répondit une voix de femme d’un accent plus bas encore.

      – Et Marguerite?

      – Elle vous attend.

      – Bien. À ces mots le duc fit signe à son page, qui, ouvrant son manteau, déroula une petite échelle de corde. Le prince attacha l’une des extrémités de l’échelle au lacet qui pendait. Gillonne tira l’échelle à elle, l’assujettit solidement; et le prince, après avoir bouclé son épée à son ceinturon, commença l’escalade, qu’il acheva sans accident. Derrière lui, le barreau reprit sa place, la fenêtre se referma, et le page, après