III
LA RÉPARATION ET LA RECHUTE
Huit jours après, Blaise était dans le jardin avec son père; ils bêchaient tous deux une plate-bande de salades, lorsque la voix de M. de Trénilly se fit entendre; il appelait Anfry.
«Me voici, Monsieur le comte», répondit Anfry; et il courut vers le comte, qui tenait Jules par la main.
«Anfry, dit le comte, voici Jules qui vient faire ses excuses à votre garçon pour ce qui s'est passé la semaine dernière: votre garçon avait raison, c'est Michel qui a menti; Jules s'est blessé lui-même, il l'a avoué, et il est bien fâché d'avoir accusé à tort votre garçon; de peur d'être grondé pour avoir touché la serpe, il a fait un mensonge et une méchanceté, mal conseillé par Michel, que j'ai renvoyé de mon service et qui est retourné dans son pays; Jules ne recommencera pas, il me l'a bien promis. Jules, va chercher Blaise; tu le lui diras toi-même.»
Jules alla à pas lents dans le potager où travaillait Blaise; il était honteux des excuses que son père lui avait ordonné de faire, et il ne savait de quelle manière commencer. Il restait immobile et silencieux devant Blaise, qui le regardait d'un air surpris.
«Qu'y a-t-il pour votre service, Monsieur Jules? lui demanda-t-il enfin.
—Rien, répondit Jules.
—Mais puisque vous êtes venu ici près de moi, Monsieur Jules, c'est que vous avez besoin de moi.
—Non, répondit Jules.
BLAISE
Alors je vais me remettre à bêcher, sauf votre respect, Monsieur Jules. Papa n'aime pas que je perde mon temps.
JULES, avec embarras
Blaise!
BLAISE
Monsieur Jules.
JULES, très embarrassé
Blaise!... Je suis venu... Papa m'a dit... Je ne sais pas comment dire... Je veux..., non, je dois... te demander pardon.
BLAISE, avec surprise
A moi, pardon! et de quoi donc?
JULES
Pour l'autre jour..., la serpe... Michel..., tu te souviens bien?
BLAISE
Ah! pour le mensonge! Tiens, je n'y pensais plus. Je ne vous en veux pas bien sûr, Monsieur Jules, et je suis bien fâché que vous ayez pris la peine de faire des excuses. C'est juste, à la vérité, mais cela coûte, et je vous en remercie.»
Jules, enchanté de se trouver débarrassé de cette tâche pénible, releva la tête, qu'il avait tenue baissée, et, regardant la bonne figure réjouie de Blaise, il lui proposa de venir jouer avec lui au château.
BLAISE
Cela, c'est impossible, Monsieur Jules, car papa m'a défendu d'y aller.
JULES
Pourquoi donc?
BLAISE
Il dit que ce n'est pas ma place, que je ne dois pas m'habituer à fainéanter, mais à l'aider par mon travail.
JULES
Oh! que c'est ennuyeux! Attends, je vais le demander à papa.»
Jules courut à M. de Trénilly et lui demanda la permission d'emmener Blaise.
LE COMTE
Je ne demande pas mieux, mon ami, je suis bien aise que tu joues avec Blaise, qui me semble être un bon et brave garçon.
JULES
C'est que son père veut qu'il travaille, et ne veut pas qu'il vienne au château.
LE COMTE
Son père a raison, mais il lui donnera bien un congé pour terminer votre raccommodement.—Nous donnez-vous Blaise pour l'après-midi, Anfry; nous vous le renverrons ce soir.
ANFRY
Je n'ai rien à refuser à Monsieur le comte, pourvu que Blaise ne gêne pas. Je vais l'amener tout à l'heure, quand il sera nettoyé et qu'il aura changé de vêtements.
LE COMTE
Pourquoi faire, changer de vêtements? Laissez-lui sa blouse; ce n'est pas fête aujourd'hui.
ANFRY
C'est fête pour lui, Monsieur le comte, puisque c'est la première fois qu'il est admis près de Monsieur le comte et de M. Jules. Mais, puisque Monsieur le comte l'aime mieux ainsi, il ira en blouse.»
Et il alla au jardin, où Blaise bêchait toujours.
«Blaisot, va te débarbouiller les mains et le visage, et donner un coup de peigne à tes cheveux. Tu vas accompagner M. Jules et jouer avec lui au château.»
Blaise rougit, moitié de peur et moitié de plaisir, et courut se débarbouiller au baquet. Quand il fut lavé, peigné, il alla rejoindre Jules et le comte, qui l'attendaient dans l'avenue. Ils marchaient devant; Blaise suivait; il n'était pas à son aise, il n'osait parler, et il aurait voulu pouvoir retourner à sa bêche et à son jardin. En arrivant au perron, ils trouvèrent la comtesse avec sa fille qui les attendaient.
«Vous amenez Blaise! dit la comtesse en s'avançant vers eux. Je suis bien aise de le connaître; on m'a dit du bien de lui. N'aie pas peur, petit, ajouta-t-elle, Hélène ne te mangera pas, et Jules sera content de jouer avec un garçon de son âge.
—Je n'ai pas peur, Madame, dit Blaise; seulement je ne suis pas à mon aise.
—Eh bien, tu vas t'y mettre en nous aidant à bêcher et à arranger notre jardin, Blaise, dit Hélène avec un sourire aimable. Venez avec moi, Jules et Blaise, et mettons-nous à l'ouvrage.»
Et, passant entre eux deux, elle les prit chacun par la main et courut vers un petit jardin que M. de Trénilly leur avait fait arranger près du château.
«Mais il n'y a rien dans votre jardin, dit Blaise.
HÉLÈNE
C'est précisément pour cela que nous voulons l'arranger: tu vas nous aider.
BLAISE
Qu'est-ce que vous voulez y mettre: des fleurs ou des légumes?
—Des fleurs! s'écria Hélène; j'aime tant les fleurs!
—Des légumes! s'écria Jules! les fleurs m'ennuient.
HÉLÈNE
Des fleurs seraient bien plus jolies et viendraient plus vite.
JULES
Des légumes sont bien plus utiles; d'ailleurs, je veux des légumes, et si tu mets des fleurs; je les arracherai.
HÉLÈNE.
Fais comme tu voudras; je sais qu'il faut toujours te céder.
BLAISE.
Pourquoi faut-il que vous cédiez, Mademoiselle?
HÉLÈNE
Pour ne pas être battue par lui et grondée par papa, qui croit tout ce que Jules lui dit.
JULES
Allons,